Qui n'a jamais trouvé le débit Internet lent ? Qui ne s'est jamais plaint d'un temps de latence interminable ou n'a pas estimé que le coût de la connexion était trop élevé ? Toutes ces déconvenues peuvent s'expliquer par l'absence de point de «peering» national entre les opérateurs marocains. C'est-à-dire un point par lequel les opérateurs pourraient directement échanger leur trafic Internet sans avoir recours systématiquement à l'interconnexion internationale, très coûteuse. Le Maroc qui compte aujourd'hui 15,6 millions d'Internautes doit faire face à des défis techniques de plus en plus urgents. Ce n'est un secret pour personne, l'infrastructure télécoms sature et ne répond plus à une demande de plus en plus croissante. Pour y répondre, il existe bien sûr des chantiers comme la 4G ou encore le Wifi Outdoor. Toutefois, ces infrastructures ont elles-mêmes besoin de solides fondations techniques sur lesquelles elles pourront s'appuyer. Un sujet sensible Le «peering» est à ce titre un chantier capital. Aujourd'hui, l'absence d'interconnexion entre les réseaux Internet des fournisseurs d'accès au Maroc (à ne pas confondre avec une interconnexion des réseaux téléphonie) pénalise grandement la qualité du débit et augmente les coûts tant pour les opérateurs que pour les usagers (voir encadré). Cette défaillance s'avère être à l'origine de plusieurs bugs du système. Concrètement, pour envoyer un mail (même pour le trafic ayant pour origine et destination les opérateurs marocains) à une heure où le trafic est important, le débit devra transiter depuis le fournisseur d'accès marocain vers l'Europe avant de revenir vers l'usager destinataire du message. Ce qui influe grandement sur le temps de latence d'envoi et de réception du message. Le système de «peering» peu constituer une réponse à cette situation en cela qu'il permet une interconnexion entre les opérateurs nationaux. Par exemple, à chaque fois que le trafic sera saturé chez l'un des opérateurs (Wana par exemple), le trafic pourra passer par Méditel, le cas échéant par Maroc Telecom et vice-versa. Pourtant, à ce jour, les opérateurs continuent à s'ignorer sur le trafic local. Le «peering» étant un arrangement commercial consenti entre les fournisseurs de services Internet (FSI) pour échanger leurs trafics, cet arrangement peut présenter plusieurs inconvénients, notamment la réticence des opérateurs à conclure des accords avec de nouveaux entrants. L'autre crainte est celle de rendre ce «peering» en une activité de transit de la part de l'opérateur dominant confortant ainsi une situation de monopole. À ce jour, Maroc Telecom dispose du principal point d'échange Internet actif. Les deux opérateurs Méditélécom et Wana Corporate disposent également de leurs propres points d'échange avec l'étranger. C'est dire qu'en matière de trafic Internet, les opérateurs ne s'adressent même pas la parole. On l'aura compris, le sujet est à manier avec beaucoup de précaution et en manque de volonté de la part des opérateurs, c'est le statu quo. «Cependant, il existe aujourd'hui une volonté nationale de régler cette question et un comité interministériel en est chargé», rassure Ahmed Khaouja, directeur central de la concurrence et du suivi des opérateurs au sein de l'ANRT. Vers un modèle marocain Pour pallier les insuffisances du système de «peering», un autre concept a été adopté et appliqué partout dans le monde. Il s'agit des points d'échange Internet (Internet Exchange Point :IXP). «Ces IXP constituent un élément capital de l'infrastructure Internet où une partie ou la totalité du trafic est échangée entre les FSI et des acteurs fournissant du contenu pour les services Internet», explique la direction de l'Economie numérique au sein du département de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies. Au Maroc, le Conseil National des Technologies de l'Information et de l'Economie Numérique (CNTI), présidé par le chef de gouvernement, a recommandé, lors de sa session de novembre 2012, l'établissement d'un modèle de point d'échange Internet marocain unique basé sur celui de l'IXP. La spécificité de ce système est qu'il intégrera des sous-points d'échanges par domaine. Par exemple, le système pourra mettre en place un sous-point spécial pour le trafic GOV par exemple, en vue d'éviter toute saturation concernant les services e-gov. À cet effet, un comité ad-hoc sous l'égide des services du chef de gouvernement est mis en place pour mener une réflexion et établir un modèle de structure d'IXP propre au royaume. «Le résultat des réunions de ce comité est actuellement en cours d'examen en interne par les départements concernés», souligne la direction de l'Economie numérique. Un chantier donc urgent en préparation de plusieurs grandes infrastructures actuellement en cours d'installation. Une vitesse décuplé et un coût réduit La mise en place d'un système d'IXP permettra aux fournisseurs d'accès d'interconnecter leurs réseaux pour échanger le trafic local sans que ce trafic ne transite via des routeurs et des commutateurs situés en dehors de leur territoire. Selon la direction de l'Economie numérique, cette infrastructure est l'un des mécanismes les plus efficaces pour réaliser des gains en termes de coûts (réduire les charges liées à la location des bandes internationales), améliorer la qualité de services (réduire la latence) et garantir une meilleure sécurité des échanges (éviter les interruptions des lignes et veiller à la protection des échanges). Une étude menée par l'association «Internet Society», regroupant les pionniers d'Internet dans le monde, vient confirmer ces performances. Selon l'étude, la réduction des coûts peut être substantielle - s'élevant facilement à 20% ou plus - puisque le trafic local représente souvent une partie importante du réseau. En outre, une fois installés, ces IXP peuvent améliorer la qualité de l'accès à Internet pour les utilisateurs locaux, ce qui se traduit par des vitesses d'accès pour le contenu local jusqu'à dix fois supérieur. À noter que la vitesse d'accès pour le contenu international peut également s'améliorer vu que le trafic local n'aura plus besoin de transiter par la connexion internationale, libérant ainsi la largeur de bande sur la liaison internationale. De surcroît, la présence d'un IXP peut également intéresser les entreprises de télécommunications qui peuvent y établir un point de présence pour vendre plus facilement des services aux clients. En effet, cette infrastructure permet à toutes les parties d'être jointes à un coût collectif inférieur au coût individuel potentiel. Selon Internet Society, «les IXP contribuent également à encourager le développement d'une infrastructure de télécommunications comme des câbles nationaux et internationaux à fibre».