Le Maroc est-il converti aux énergies renouvelables? C'est ce que prévoit la stratégie énergétique nationale, lancée en 2009. À l'horizon 2020, ils devront atteindre 42% du mix énergétique (19% actuellement). Les 6.000 megawatts de puissance installée prévue se diviseront à part égale entre l'hydraulique, le solaire et l'éolien. Les investissements dans les barrages étant en partie déjà réalisés et le solaire prenant du retard en raison du prix élevé du kilowattheure, c'est aujourd'hui sur l'éolien que se concentrent les efforts, avec un programme de 2,8 milliards d'euros (d'ici à 2020). Le royaume est passé à l'acte. Le 10 mai 2013, le roi a donné le coup d'envoi de la construction de la Centrale solaire de Ouarzazate. Un projet gigantesque et inédit de 7 milliards de DH, d'une capacité de production de 160 MW. Baptisée Noor, cette centrale qui devrait être opérationnelle en 2015, fera du Maroc une plateforme modèle de l'industrie des énergies renouvelables «Le Maroc est en pointe pour la mise en place de capacités de production d'énergie électrique à partir du solaire. Il s'agit d'un pas important qui pourrait faire à terme du Maroc un important fournisseur d'énergie électrique pour l'Europe», explique Jean-Pierre Favennec, économiste, spécialiste du secteur de l'énergie. Pour cela, le MASEN tient absolument à ce que l'agenda soit respecté. Un appel d'offres devra être lancé incessamment pour la deuxième phase de la centrale de Ouarzazate, qui portera sur 300 MW. Déjà dans les coulisses, on s'attend à ce que la bataille soit très disputée entre Acwa Power, qui a remporté la première phase et Alstom. Q/R Louis Boisgibault Expert en énergies renouvelables et efficacité énergétique Les ECO : Avec tous les projets en cours dans l'éolien comme dans le solaire, le Maroc pourra-t-il garantir son indépendance énergétique dans les décennies à venir? Louis Boisgibault : La stratégie énergétique avait été tracée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Elle permet effectivement au Maroc, grâce à la mise en valeur de son potentiel solaire, éolien et hydraulique, de réduire sa dépendance énergétique. Ajoutons aussi que ces projets permettent aussi de préserver l'environnement, de limiter les émissions de gaz à effet de serre et de lutter contre les changements climatiques. Le Maroc veut économiser annuellement en combustibles 1 million de tonne équivalent pétrole (TEP) et éviter l'émission de 5,3 millions de tonnes de CO2. Le Maroc importe actuellement près de 97% de ses approvisionnements en ressources énergétiques et ce pourcentage doit baisser progressivement. L'ONEE lancera d'autres projets éoliens de grande envergure. Dans ce schéma, estimez-vous qu'il y ait une possibilité de créer une filière éolienne au Maroc qui permettrait de générer des transferts de technologies, et à terme des emplois hautement qualifiés ? Il faut bien évidemment créer une filière éolienne au Maroc. Le royaume doit pouvoir fabriquer les machines, plutôt que les importer. À cet égard, l'exemple de la France est intéressant car le gouvernement français a voulu que le premier appel d'offre de 3.000 MW pour les projets éoliens offshore en Normandie et en Bretagne entraîne l'émergence d'une industrie qui n'existait pas en France. Malgré le retard enregistré et les débats suscités, le projet solaire marocain est aujourd'hui sur les rails, après le lancement récemment par le roi des travaux de construction de la première centrale thermo-solaire de Ouarzazate. Quels sont les risques liés à ce projet, et quel sera son apport pour le Maroc ? Pour le projet de Ouarzazate, le lancement du chantier le 10 mai 2013 a été réussi. Le risque est lié à la construction, car un tel chantier est inédit. ACWA, l'adjudicataire, a confié la construction aux entreprises espagnoles qui formaient le consortium vainqueur. Nous suivrons de près le chantier, dans son exécution. Pour le fonctionnement, les problèmes de dilatation des équipements peuvent être importants avec l'impact des différences de température entre le jour et la nuit, pour le liquide caloporteur et les tubes. Le Maroc pourra-t-il exporter de l'électricité solaire ? Le Maroc doit pouvoir profiter du renforcement du réseau Medgrid pour exporter son électricité. Il faut d'abord que les capacités de production électrique soient construites selon les prévisions pour savoir ce qui pourrait être exporté, et à quel prix.