Le Maroc offre aux pays du CCG un hub régional, une économie émergente et un savoir-faire sécuritaire. La manne financière de ces pays pourrait permettre le décollage de l'économie marocaine. L'expérience marocaine en matière de transition sociale et de promotion de l'islam modéré pourrait inspirer ses partenaires. C'est un tournant historique dans la diplomatie marocaine. Nous sommes loin d'une réaction hâtive à l'invitation tout aussi surprenante des pays du Conseil de la Coopération du Golfe (CCG), lancée au Maroc à un moment où toute la région connaissait des bouleversements et était ouverte sur tous les dangers. Le Royaume a pris alors acte de ce geste et s'est dit favorable à un partenariat privilégié. Mais il avait sans doute une autre priorité, se construire son propre modèle avant d'envisager des partenariats gagnant-gagnant avec de tels groupements régionaux. C'est ainsi que le Maroc s'est d'abord tourné vers sa dimension africaine pour montrer qu'un partenariat Sud-Sud pourrait non seulement marcher, mais peut même se révéler salvateur pour tout le continent. Il a, ainsi, quadrillé ses relations avec de nombreux Etats d'Afrique de l'Ouest avec qui il partage la même vision et les mêmes ambitions, à travers plusieurs dizaines de conventions de partenariat dans différents domaines. A ce jour, et à titre d'exemple, le Maroc a signé pas moins d'une vingtaine de conventions fiscales, dont six sont déjà entrées en vigueur, avec des pays africains. Il s'est ensuite tourné vers d'autres partenaires, autres que ceux traditionnels auxquels il se présente désormais comme porte d'Afrique. La Russie en fait partie, l'Inde et la Chine bientôt. C'est donc tout naturellement que le Maroc décide aujourd'hui de raffermir ses partenariats et ses relations historiques avec les pays du Golfe. Une décision réfléchie et un acte mûrement préparé, celui de sceller le sort du Maroc à celui des pays du Golfe dans le cadre d'un partenariat stratégique sans précédent. Le Sommet Maroc-CCG, marqué par ce discours aussi historique que franc et audacieux du Souverain, jettera les bases pour l'édification de ce partenariat stratégique, multidimensionnel et exemplaire entre le Royaume et les pays du Golfe. Le Maroc, devenu un pays qui se confirme de plus en plus comme un hub économique et carrefour entre les continents, l'a compris, jamais le contexte n'a été aussi favorable pour amorcer ce nouveau virage stratégique dans le processus de rapprochement avec les six pays du CCG. Il faut dire que sur le plan politique et géostratégique, les deux parties sont acculées plus que jamais à agir en concert, dans le cadre d'une alliance solide et à l'épreuve des aléas conjoncturels. Cela partant d'un constat relevé, sans fioriture, dans le discours du Souverain devant les Rois et Princes des pays du CCG. «Nous faisons face aux mêmes dangers, aux mêmes menaces, si variées qu'en soient les sources et les manifestations», a réaffirmé SM le Roi, tout en soulignant que les plans d'agression attentatoires à notre stabilité se poursuivent toujours et ne cesseront pas. Sahara, un soutien ferme et sans équivoque «Nous faisons face à des complots visant à porter atteinte à notre sécurité collective», fait observer le Souverain. Ainsi, «après ce qui fut présenté comme un printemps arabe qui a occasionné tant de ravages, de désolations et de drames humains, nous voilà vivre aujourd'hui un automne calamiteux, avec le dessein de faire main basse sur les ressources des autres pays arabes et de briser les expériences réussies d'autres Etats, comme le Maroc, en portant atteinte à son modèle national original qui le distingue», a souligné SM le Roi. Ce n'est donc pas par hasard que ce partenariat stratégique et multidimensionnel conclu entre le Maroc et les pays du CCG porte en premier lieu sur la dimension sécuritaire. Le Maroc a toujours considéré que la sécurité et la stabilité des pays du Golfe sont indissociables de sa sécurité, a affirmé le Souverain. «Ce qui vous porte préjudice nous affecte aussi et ce qui nous touche vous touche également», a souligné SM le Roi, précisant que la défense de la sécurité du Maroc et des pays du Golfe «n'est pas uniquement un devoir commun, elle est une et indivisible». C'est une conviction à laquelle le Maroc a pu donner corps, à maintes reprises, chaque fois que la sécurité de ces pays est menacée. Pour leur part, les six pays du conseil n'ont pas hésité à exprimer, à l'issue de cette réunion, leur soutien ferme et sans équivoque à l'intégrité territoriale du Maroc. Ils se sont engagés à rejeter «toute tentative visant à ébranler la sécurité et la stabilité et à répandre le séparatisme et la division, avec le dessein de la recomposition des cartes des pays ou de leur partition, au risque de menacer la paix et la sécurité régionale et internationale». Le Sommet Maroc-CCG constitue ainsi, et à bien des égards, la consécration d'un partenariat géostratégique, dense, riche, diversifié et multiforme où la politique s'imbrique avec les dimensions économique et diplomatique. D'où le caractère multidimensionnel de ce nouveau partenariat, pour ne pas dire partenariat renouvelé. C'est un événement politique inédit qui amorce un nouveau cap dans ces relations. Ce sommet a jeté, en effet, les bases institutionnelles permettant de fructifier l'intensité des relations avec les pays du Golfe pour libérer leurs pleines potentialités dans les divers domaines de coopération. Il faut dire, en ce sens, que la coopération économique et financière entre le Maroc et les pays du Golfe a déjà complètement changé de visage en une décennie et le processus n'est pas près de s'arrêter, à la faveur du partenariat stratégique 2012-2017. Encouragés par tous ces facteurs qui font du Maroc un cas unique des pays de la région, les investisseurs des pays du CCG ne cachent plus leur ambition de tisser des partenariats avec le Maroc, attirés par des investissements en masse, des intérêts communs qui vont grandissant, des accords multiples signés avec le Maroc et une manne financière de 5 milliards de dollars en faveur du Royaume. Un hub économique Bien plus, adossé à un partenariat équilibré d'égal à égal, cette rencontre permettra au Maroc de conforter son positionnement de pays influent qui, grâce à sa trajectoire politique singulière, représente un réel atout pour l'ensemble de la région. Le Maroc ayant atteint un stade de maturité et de développement avancé peut ainsi se positionner en partenaire fort et fiable pour ses paires du CCG, qui essaient justement de diversifier et de libérer leurs économies de l'emprise de la manne pétrolière. En même temps, ce partenariat, qui s'accommode parfaitement de la coopération Sud-Sud, permettra au Maroc de tirer profit de la complémentarité de son économie avec celles des pays du CCG, renforcer les échanges commerciaux, attirer plus d'investissements provenant du Golfe et de faciliter l'accès du secteur privé marocain aux marchés du CCG et du Moyen-Orient. Pour cela, il peut capitaliser sur sa place dans le nœud des échanges mondiaux et sur sa position aux confluents de deux continents, Europe et Afrique. Il peut également mettre à profit, pour ses partenaires du Golfe, le véritable hub économique qu'il est devenu et qui ouvrira de nouvelles perspectives à ces partenaires en quête de grands projets mutuellement bénéfiques. Au delà de sa dimension de hub économique, le Maroc offre également des potentialités d'investissement intéressantes pour les capitaux issus de ces pays, notamment dans les secteurs du pétrole, les énergies renouvelables, la finance et les affaires, sans oublier l'agroalimentaire, l'automobile et les nouvelles technologies. L'autre dimension de ce Sommet, et non des moindres, consiste en la consécration du rôle et de l'aura du Royaume sur la scène diplomatique aux plans continental, régional et international. Des liens privilégiés avec l'Union européenne, des rapports étroits avec les pays d'Afrique, une ouverture sur la Russie, la Chine et l'Inde, mais aussi les pays de l'Amérique Latine le prédisposent à jouer un rôle clé dans la diplomatie régionale et en fait un intermédiaire entre les pays enclavés par des puissances régionales émergentes et le reste du monde. Pour la promotion du vrai visage de l'Islam Le Sommet Maroc-Pays du Golfe se tient, en effet, confirment les observateurs, dans un «contexte marqué par des mutations importantes au niveau de la carte géostratégique, notamment le recul du rôle central de certains pays dans la région du Moyen-Orient, et par l'intérêt grandissant que portent les pays du CCG, à l'instar d'autres pays du monde, à la question sécuritaire afin de faire face aux dangers terroristes qui guettent la région». Ce partenariat permettra, au même titre, au Royaume d'immuniser son positionnement diplomatique et de renforcer sa vocation de plateforme géostratégique entre les différents espaces géopolitiques, de l'Euro-Méditerranée à l'Asie de l'Ouest, en passant par le Maghreb et l'Afrique. Sur le plan interne, ce sommet donne aux pays du CCG l'opportunité de s'inspirer de l'expérience du Maroc qui a eu l'audace de traiter le dossier des changements sociaux et politiques dans un cadre de stabilité. Un pays qui a su explorer et mettre en œuvre les moyens à même de concrétiser la transition dans la durabilité et a pu développer une approche proactive dans le domaine sécuritaire et social et en matière de répartition des richesses, faisant du Royaume un modèle à suivre. Le Maroc qui, au lieu de continuer à renier sa richesse et sa diversité culturelle et sociale, en fait aujourd'hui un socle de son développement. Le Maroc qui a fait du choix démocratique l'une de ses constantes fondatrices. Ce Maroc offre aujourd'hui une alternative et un exemple à suivre pour ces pays dont certains sont en passe de connaître des transitions sociales majeures. De même, sur le volet sécuritaire, le Maroc met à disposition de ses partenaires stratégiques son expérience reconnue dans le domaine du renseignement pour les assister dans la lutte anti-terroriste, tout en leur assurant son appui militaire en cas de besoin. Le Maroc, tout en développant une stratégie sécuritaire efficace, a également déployé une politique religieuse visant la promotion de l'Islam modéré, à travers notamment le Centre de formation des imams. Ce qui a eu un impact considérable et permet de renforcer les liens avec les pays désireux de s'attaquer de manière radicale à l'extrémisme à la racine, c'est-à-dire en formant ceux qui seront potentiellement au contact de jeunes radicalisés. C'est ainsi que la déclaration finale du Sommet Maroc-CCG a insisté sur le fait que le Maroc et les Etats du Golfe «œuvrent, de manière significative, à faire face de façon stricte au phénomène du terrorisme et de l'extrémisme religieux qui menace la région, à travers une approche basée sur la coordination et l'échange d'expériences, d'informations et de moyens, pour assurer la sécurité et la stabilité qui constituent un levier de développement global et durable». La coopération sécuritaire est, également, selon ce document, «un élément important et un facteur clé dans les relations stratégiques et géopolitiques liant les deux parties, étant donné les défis communs auxquels est confronté le monde arabe, et la nécessité de barrer la route à ceux qui attisent le conflit et les tensions dans la région». En somme, comme le souligne le Souverain dans ce discours, «le partenariat entre le Maroc et les pays du Golfe n'est pas le produit d'intérêts conjoncturels ou de calculs éphémères. Il puise plutôt sa force dans la foi sincère en la communauté de destin et la concordance des vues concernant nos causes communes». [tabs][tab title ="La coopération Maroc-CCG en chiffres"]Le volume global des investissements des pays du Golfe au Maroc a atteint, au cours des 10 dernières années, 5milliards de dollars dont 2,5 milliards en cours de réalisation, selon les statistiques officielles. Cela sans compter la contribution des Fonds du CCG à des projets dans l'agriculture, le tourisme, l'immobilier et la construction. En plus, les échanges commerciaux entre le Maroc et les pays du CCG ont augmenté de 11% en moyenne annuelle pour atteindre 28,6 milliards de DH en 2014. Ce qui représente 4,9% des échanges totaux du Maroc contre 3,6% en 2000. L'Arabie Saoudite est le premier client du Maroc dans la région du Golfe, avec environ 920 MDH, soit 52,4% du total régional, suivie des Emirats Arabes Unis (EAU), avec 589 MDH et une part de 33,5%. Concrètement, les flux d'IDE en provenance du CCG ont atteint 10,2 milliards de DH en 2014, marquant une hausse de 82% par rapport à 2013. Leur part dans l'ensemble des IDE entrants au Maroc est ainsi passée à 28% en 2014 contre 14% en 2013. Entre 2006 et 2014, les IDE en provenance des pays du Golfe ont cumulé près de 57 milliards de DH, représentant 19% des IDE totaux à destination du Maroc durant la même période. Ces investissements sont essentiellement originaires des EAU (44% des flux reçus du CCG en 2006-2014) et de l'Arabie Saoudite (38%) et sont notamment destinés aux secteurs du tourisme, de l'immobilier et de l'énergie. Ces chiffres ne cessent d'augmenter tirant profit de la volonté commune des deux parties de rehausser leurs relations économiques. Dans cette perspective, la Fédération des Chambres du CCG s'attend à ce que les investissements du Golfe au Maroc dépassent les 120 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. Ces investissements seront destinés, notamment, aux secteurs de l'industrie, du tourisme, de l'agriculture et de l'énergie. Outre les hydrocarbures et les télécoms, le tourisme et l'immobilier sont les deux autres secteurs qui attirent les fonds des pays du Golfe, notamment avec les émiratis Al Qudra Holding, le qatari Diar Real Estate Investment Company, le Fonds bahreïni Gulf Finance House (GFH) et le groupe koweïtien Aref Investment. Les investissements directs des pays du Golfe ont touché récemment de nouveaux secteurs tels l'agriculture, le transport aérien ou encore la santé. Pour des experts, le Maroc gagnerait aujourd'hui à réorienter l'investissement des pays du CCG vers d'autres secteurs porteurs et à fort potentiel économique tels l'agroalimentaire, l'automobile ou encore les nouvelles technologies. Le Maroc gagnerait aussi en favorisant les conditions idoines facilitant un meilleur positionnement du secteur privé marocain, lui permettant de s'introduire dans les marchés du CCG et du Moyen-Orient, forts de près de 49 millions d'habitants.[/tab][/tabs]