Toutes les banques ont réduit les taux des crédits aux professionnels et aux particuliers depuis le début de l'année. Cet effort s'explique par la baisse du taux directeur, l'amélioration des liquidités bancaires et l'accentuation de la concurrence. Le repli est amorcé depuis le troisième trimestre 2014. Une rude bataille est en cours dans le secteur bancaire. Tous les établissements de la place ont revu à la baisse les tarifs de leurs crédits depuis le début de l'année. Alors qu'elle s'était laissée distancer en 2015, Attijariwafa bank a déclenché les hostilités en réduisant ses taux fixes pour le crédit immobilier de 0,25 point pour la clientèle à fort potentiel. Un client premium (percevant un salaire mensuel de plus de 50 000 DH selon la classification interne de l'établissement) peut aujourd'hui emprunter à partir de 5%. Les salariés touchant entre 15 000 DH et 50 000 DH peuvent négocier leurs prêts à partir de 5,25%. Mieux encore, selon la grille de la banque, ces deux segments peuvent accéder à une décote supplémentaire pouvant aller jusqu'à 0,5 point sans que le taux puisse descendre en dessous de 4,5%. Ce même taux est accordé d'office aux fonctionnaires les plus privilégiés alors qu'ils ne bénéficiaient dans le meilleur des cas que de 4,99%. En revanche, la clientèle standard (moins de 15 000 DH de revenus) reste soumise à l'ancien tarif compris entre 5,75 et 5,95%, selon la durée du financement. Notons toutefois que la banque réduit ses taux variables pour tous les segments de manière notable. Ils vont aujourd'hui de 3,99% pour la clientèle haut de gamme à 4,99% pour les emprunteurs standards alors qu'ils se situaient entre 5 et 5,5% auparavant. BMCE Bank Of Africa se montre aussi sélective dans son effort de promotion qu'elle a commencé à fournir il y a moins d'un mois. Seule la clientèle de fonctionnaires est concernée et les plus privilégiés bénéficient de 4,5%, tandis que les employés d'offices et d'administrations (OCP, ANAPEC...) supportent tout au plus 4,75%. Ces deux cibles ne pouvaient prétendre dans le meilleur des cas qu'à 4,99%, auparavant. La Banque Populaire et CIH Bank ratissent plus large. Depuis près de deux mois, la première a diminué son taux pour la clientèle standard de 5,15% à près de 5%. Cependant, l'effort du groupe est plus important sur les prêts conventionnés et en faveur des emprunteurs haut de gamme. Le tarif pour cette cible démarre désormais à 4,5% au lieu de 4,8%. De son côté, CIH Bank fait bénéficier la clientèle standard d'un taux entre 5,25% et 5,75%, selon la durée du financement, au lieu de 5,9%, sachant que la banque appliquait jusqu'à 6,4% il y a près d'un an. Elle s'aligne aussi sur les 4,5% qui semblent être devenus la norme pour les fonctionnaires. Traitement de faveur pour les hauts revenus et les fonctionnaires Crédit du Maroc qui a habitué le marché depuis quelques mois à des opérations coup de poing a bouclé tout juste en mars dernier une campagne promotionnelle avec des financements immobiliers accessibles à 4,5%. La banque compte renouveler l'exercice sur les prochains mois, apprend-on auprès du management. Cette action agressive s'étant avérée payante en termes de recrutement de nouveaux clients. Sur les traces de CDM, BMCI applique actuellement un taux promotionnel jusqu'à fin mai. Si ces deux établissements accordent la même réduction indifféremment à tous les segments de clientèle, ils se montrent un peu plus exigeants que le reste du marché pour l'octroi de leur financement. Même Al Barid Bank s'y est mise depuis mars dernier avec des taux de crédit immobilier revus pour toutes les catégories d'emprunteurs. Ils sont ramenés jusqu'à 5%, spécifiquement pour les fonctionnaires, afin d'accompagner la baisse généralisée. La banque postale envisage en outre d'abaisser prochainement ses taux de crédit à la consommation là aussi pour aller dans le sens du marché. Sur ce type de financements, AWB a abaissé ses taux de 0,75 point, mais pour les seuls hauts revenus. Ils peuvent bénéficier de 7,5% au-dessus de 50 000 DH de salaire et de 8,5% en dessous de ce seuil, alors qu'il n'était possible d'obtenir au mieux que 8,25%. Ils peuvent en outre négocier jusqu'à un point de décote, soit un taux qui peut chuter jusqu'à 6,5%. Traitement de faveur aussi pour les fonctionnaires dont les tarifs sont abaissés jusqu'à 5,75%, pour les plus privilégiés. La banque peut en plus aller jusqu'à un financement de 400 000 DH pour cette clientèle réputée sans risque. Du reste, le groupe garde inchangé son taux pour la clientèle standard à 10,95%. La Banque Populaire choisit au contraire de concentrer tout son effort sur cette dernière cible dont les tarifs sont descendus à 6,90% depuis le début de l'année au lieu de 7,5% auparavant. Et une autre révision pourrait suivre dans les prochaines semaines, apprend-on auprès du réseau de la banque. Comme pour le crédit immobilier, BMCE Bank of Africa n'abaisse les taux du crédit conso que pour les fonctionnaires et les employés d'administrations conventionnés. Leurs tarifs sont désormais compris entre 5,75% et 5,95% au lieu du minimum de 6,5% qui avait cours auparavant. La réduction est généralisée à tous les segments au niveau de CIH Bank. Un client standard peut obtenir 8,75% et même 8,5% s'il dispose déjà d'un crédit immobilier alors que le tarif montait jusqu'à 9,5% auparavant. S'il est conventionné via son employeur, le taux appliqué est de 7% contre 7,5% par le passé. La banque allège enfin le taux aux fonctionnaires d'un point, à 6,5%. Les banques à capitaux français déclinent des promotions ponctuelles et universelles sur le crédit conso aussi. Société Générale a ainsi bouclé en mars dernier une campagne avec un financement au taux de 5,90%. Ce même tarif continue d'être proposé par CDM jusqu'à fin juin prochain. Et ce n'est pas tout. Les établissements font aussi un effort palpable sur les financements aux entreprises, même s'ils prennent en compte la situation de chaque client. Les taux moyens des crédits de trésorerie pour les PME ressortent autour de 6,5%, soit un niveau moindre que ce qui était pratiqué depuis tout juste le début de l'année, selon les réseaux des banques, qui rapportent aussi des conditions d'octroi plus souples. Pour les plus grandes entreprises qui disposent de leviers de négociation importants, le tarif baisse même jusqu'à 4%. La chute est plus marquée encore sur le crédit à l'équipement qui descend actuellement jusqu'à 5%, tandis qu'il démarrait à plus de 6% il y a un an. La concurrence va s'accentuer En réalité, les taux de tous les types de crédit ont commencé à reculer depuis le troisième trimestre 2014. Entre cette date et fin 2015, la moyenne des taux débiteurs calculée par Bank Al-Maghrib est passée de 6% à 5,5%. Dans le lot, les taux des crédits de trésorerie et ceux à l'équipement qui se situaient à 6% en début de parcours ont chuté respectivement à 5,5% et 4,8%. Les crédits immobiliers (incluant les financements aux promoteurs immobiliers) et à la consommation reculent pour leur part de près de 0,2 point à 5,8% et 7,1%. L'élément déclencheur de ces révisions a été la baisse du taux directeur en septembre 2014 (suivie de 2 autres baisses en décembre 2014 et mars 2016). D'autres facteurs sont venus accélérer le mouvement. «Il y a moins de demandes de financement (l'encours de crédit bancaire est en baisse de 2,6% sur les 2 premiers mois de l'année après une hausse contenue à 2,7% en 2015). Il s'agit donc de capter à tout prix celles qui se manifestent pour maintenir les parts de marché», résume simplement un directeur de banque. Une initiative révélatrice de l'importance qu'accordent les établissements au moindre prospect : AWB a mis en place une procédure pour permettre un second examen des dossiers de crédit immobilier et conso refusés de prime abord. S'ajoute à cela l'amélioration significative des conditions de liquidité des banques dans un contexte où les placements intéressants se font rares, ce qui pousse à redoubler d'effort sur la distribution de crédits. «Les réserves de change de BAM enregistrent une hausse de plus de 30% sur une année glissante, à lier à la contraction du déficit de la balance des paiements financé a fortiori par des ressources non monétaires», explique un spécialiste. Cela fait que les banques bénéficient de plus de disponibilités, ce qui ressort d'ailleurs aussi à travers la contraction des avances à 7 jours et la chute des taux sur le marché interbancaire. «Le placement de prédilection de ces disponibilités court terme est le crédit de trésorerie», assure un banquier. La surliquidité des banques et la concurrence étant appelées à s'accentuer sur les prochains mois, beaucoup parient sur de nouvelles baisses de taux à court et moyen terme, pour le bonheur des clients. [tabs][tab title ="Faible impact sur la reprise de la demande"]Même si elles se donnent des chances de maintenir leur activité en abaissant les taux du crédit, les banques ne s'estiment pas tirées d'affaire pour autant. «La baisse des taux induit un coût que l'on espère compenser par un effet volume. Or, cette dynamique est compromise lorsque la chute est généralisée comme c'est le cas actuellement», analyse un directeur de banque de détail. Qui plus est, «ce n'est pas parce qu'on baisse les taux que la demande va se reprendre», ajoute un professionnel. Cela est particulièrement vrai pour le crédit aux acquéreurs dont l'atonie est liée à l'inadéquation de l'offre de logements. Aussi, les banquiers voient mal le crédit à l'équipement se reprendre sur une année où le taux de croissance du PIB ne devrait pas dépasser 2%.[/tab][/tabs]