Un vide juridique rend le recours difficile La fédération du BTP milite pour la mise en place d'une garantie décennale Plusieurs difficultés doivent être aplanies pour y arriver. Vous achetez un appartement ou une maison. Deux ou trois ans après votre installation, des dommages liés à des défauts de construction menacent la structure du bâtiment. Vers qui vous retournerez-vous pour réclamer réparation ? Pour beaucoup, la responsabilité décennale incombe au vendeur, en l'occurrence le promoteur. Erreur! L'article 769 du D.O.C. (Dahir des obligations et contrats) précise, en effet, que «l'architecte ou ingénieur et l'entrepreneur, chargés directement par le maître d'ouvrage, sont responsables, lorsque dans les dix années à partir de l'achèvement de l'édifice, ou autre ouvrage dont ils ont dirigé ou exécuté les travaux, l'ouvrage s'écroule, en tout ou en partie, ou présente un danger évident de s'écrouler, par défaut des matériaux, par le vice de construction ou par le vice de sol». Le champ couvert par la garantie décennale est très restreint En clair, contrairement à l'idée reçue, le promoteur immobilier est hors de cause si des problèmes surviennent. Le hic est qu'il sera difficile à la victime (l'acheteur) de faire jouer la garantie si l'entreprise qui a conduit les travaux n'est pas identifiée au registre de commerce. Ce risque est en effet très élevé eu égard à l'importance de l'informel dans les BTP (bâtiments et travaux publics). Les moyens de recours sont donc faibles parce que, comme le constate Lahoussine Sakhaoui, directeur général d'Expertec, «la législation actuelle en matière de responsabilité et de réglementation au Maroc dans le secteur du BTP est maigre». Dans certains cas, c'est le promoteur, quand il est saisi, qui demande à l'entreprise de construction de réaliser les réparations, dans le cadre de la garantie décennale. Il arrive aussi qu'il prenne en charge le coût des travaux parce qu'il avait lui-même la qualité d'entreprise de bâtiment. C'est-à-dire qu'il était à la fois constructeur et vendeur. Mais dans la majorité des cas, quand des vices graves sont identifiés, les promoteurs les prennent directement en charge pour sauvegarder leur image de marque dans le marché de l'immobilier. Autre insuffisance dans la protection de l'acquéreur : le législateur limite la garantie décennale aux seuls défauts de construction ou de conception qui ont entraîné un effondrement ou un risque avéré d'effondrement. Ce risque doit d'ailleurs être justifié par un bureau de contrôle. Les autres vices comme les fissures dans les murs ou les défauts de câblage électrique ne sont pas couverts par la garantie. Le cas de l'étanchéité est plus délicat, car ce défaut n'est couvert par la garantie que dans la mesure où il est démontré qu'il cause un risque de rouille des structures métalliques et donc d'effondrement du bien immobilier. Et encore, cette interprétation n'est pas partagée par tous les professionnels. Les professionnels veulent rendre l'assurance décennale obligatoire Quoi qu'il en soit, il vaut mieux une couverture réduite que rien du tout. Avant cela, il faudra obliger le responsable à respecter ses engagements tels qu'ils sont fixés par la loi, et ce n'est pas gagné. La raison est que les différents corps de métier chargés de la construction (entreprise de bâtiment, architecte et ingénieur) n'ont pas une surface financière leur permettant de faire face aux grosses réparations. M. Sakhaoui souligne que la garantie décennale ne peut réellement remplir son rôle que si elle est assortie d'une assurance contractée auprès d'une compagnie. En fait, aujourd'hui, cette assurance n'est exigée que dans le cas des marchés publics des OST (organismes sous tutelle du ministère de l'Habitat) ou encore de l'ONEP (Office national d'eau potable) lorsqu'il construit un château d'eau. Et pour le privé, le groupe Addoha est l'un des rares promoteurs à en faire un argument de vente pour ses programmes de logements sociaux. La FNI (Fédération nationale de l'immobilier) veut que tout le secteur suive. Du coup, lors des discussions sur le projet de loi sur l'urbanisme, elle a proposé des amendements destinés à rendre l'assurance décennale obligatoire pour les bâtiments recevant du public et pour les constructions destinées aux tiers. L'argument est qu'une telle disposition favorise une amélioration de la qualité des bâtiments puisque l'assureur exige l'intervention d'un bureau de contrôle qui devra vérifier si les normes de construction ont été respectées. C'est également l'avis de Reda Hadji Ahmed, responsable du département risque technique et aviation à la RMA Watanya. Il précise que le coût ne dépasserait pas 0,6 à 1,2 % du coût de la construction en fonction de sa configuration et du risque évalué. Surgit ici un autre problème, celui de l'absence d'un code de la construction et donc de référentiels nécessaires au contrôle technique. Enfin, «parallèlement à l'augmentation de la cadence de la construction, il faut activer la machine de la réglementation pour garantir la qualité au consommateur», ajoute Bouchaïb Benhamida, président de le FNBTP (Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics).