Le décret sera examiné au prochain conseil de gouvernement. L'entreprise devra s'acquitter d'une prime d'anticipation. Les pensions seront équivalentes à celles proposées pour une retraite normale. Démarrage probable le 1er mai. Après l'opération de départs volontaires initiée par le ministre de la Modernisation des secteurs publics, Mohamed Boussaïd, dans l'administration, c'est au tour du secteur privé d'emboîter le pas à la fonction publique. Le décret sur la retraite anticipée de la CNSS, en projet depuis un an et adopté par le dernier conseil d'administration de la caisse, tenu le 24 décembre dernier, sera à l'ordre du jour du prochain conseil de gouvernement. Lui restera alors deux étapes à franchir avant d'entrer en vigueur : le conseil des ministres et, ensuite, la publication au Bulletin officiel (BO). L'aboutissement de ce projet est un point de plus à l'actif de l'équipe dirigeante qui a dépoussiéré la caisse, en quelques années seulement. Selon plusieurs parties prenantes à cette opération, l'entrée en vigueur de cette disposition est prévue, symboliquement, le 1er mai En vertu de ce texte, la CNSS offre aux entreprises la possibilité de proposer à leurs salariés l'option d'un départ volontaire à la retraite à partir de 55 ans. Cependant, il est important de souligner qu'il ne s'agit pas là d'une baisse de l'âge légal de la retraite, qui reste fixé à 60 ans, mais d'une mesure de flexibilité offerte à l'entreprise marocaine. Harmonisation avec le dispositif de la CIMR Pour la CGEM, il s'agit davantage d'une mise à niveau juridique. «Ce texte permettra une harmonisation entre les dispositions de la CNSS et celles de la CIMR. Ce dernier régime de retraite, facultatif, offrait la possibilité d'un départ à la retraite anticipée à partir de l'âge de 55 ans. Cette option, absente à la CNSS, compliquait souvent la situation des personnes optant pour ce départ. L'alignement qu'offre cette nouvelle loi permettra de dépasser ce blocage», souligne Rachid Ghzali, vice-président de la commission sociale de la CGEM. Une harmonisation juridique mais surtout une mesure d'accompagnement pour les entreprises engagées dans des restructurations. «Lorsque nous négocions un départ, dans le cadre d'une restructuration ou d'une mise à niveau, nous disposons de différentes options, dont celle de la retraite anticipée pour les personnes proches de l'âge légal de retraite. Le fait de pouvoir offrir aux salariés une double pension de la CIMR et de la CNSS facilitera les négociations», ajoute M. Ghzali. Dans tous les cas, ce sera une opération d'envergure vu le nombre des bénéficiaires potentiels. Selon les statistiques de la caisse, 34 102 personnes sont aujourd'hui éligibles à ce programme. Deux conditions sont toutefois émises pour en bénéficier. La première est relative au salarié. Ce dernier doit justifier d'un cumul d'au moins 3 240 jours de travail, soit 10 ans et 6 mois, à raison de 26 jours par mois. La deuxième condition établie concerne, quant à elle, l'employeur. L'article 1er du projet de décret indique clairement que «le bénéfice de la retraite anticipée est conditionné par le paiement d'une prime par l'employeur à la Caisse nationale de sécurité sociale, en un seul versement». Cette prime est, en quelque sorte, une compensation du manque à gagner que subirait la caisse en acceptant de payer une pension de retraite similaire à celle versée à l'âge de 60 ans, tout en abandonnant les revenus de 5 ans de cotisations. Le patronat estime que la prime à verser à la CNSS est trop élevée Le calcul de cette prime est fonction de l'âge du salarié à la date de la liquidation de la pension, du montant de cette dernière et de l'ancienneté en entreprise. Prenons le cas par exemple d'un employé dont le salaire est de 2 000 DH et disposant du cumul minimum de 3 240 jours de travail. Sa pension de retraite sera de 50% (voir encadré) soit 1 000 DH. Son employeur devra quant à lui s'acquitter d'une prime de 54 788 DH. Cette dernière passe à 137 000 DH pour un employé dont le salaire à 55 ans est de 5000 DH. Le paiement de la prime, comme l'explique Abdelouahid Khouja, directeur de stratégie à la CNSS, a pour objectif d'assurer l'équilibre du régime. «La mise en retraite anticipée d'un assuré éligible entraînera une charge additionnelle pour le régime sur la durée anticipée, à savoir la période restant à courir entre la date de liquidation par anticipation et la date de mise en retraite légale, c'est-à-dire le 60e anniversaire. Pour garantir l'équilibre, nous étions au départ face à deux options. Soit augmenter le taux de cotisation de l'ensemble des affiliés, soit faire supporter cette charge uniquement aux entreprises bénéficiaires. L'équité voulait que l'on opte pour cette dernière possibilité en instaurant une prime dont doit s'acquitter l'employeur», explique-t-il. Selon des membres du conseil d'administration de la CNSS, les discussions avaient longtemps buté sur ce point. Le patronat ayant estimé les montants des primes très élevés. D'ailleurs, la CGEM ne lâche pas encore prise. Rachid Ghzali émet clairement le souhait d'assouplir encore les conditions de départ. «Le coût associé ne doit pas être une donnée figée. Il faut que le montant de la prime soit à chaque fois adapté aux réalités du terrain». Pour les syndicats, le dispositif permet d'éviter les licenciements déguisés Reste que la grande question à se poser aujourd'hui est de savoir si cette mesure, une fois entrée en vigueur, rencontrera un réel succès auprès des chefs d'entreprise. En dépit de l'absence d'études ou d'enquêtes sur l'accueil que lui réservera le patronat, le vice-président de la commission sociale de la CGEM reste confiant. «On s'attend à un franc succès de la mesure. La retraite anticipée permettra, entre autres, de libérer des postes et donc de rajeunir les effectifs des entreprises qui le souhaitent. Encore faut-il s'assurer des conditions d'accompagnement nécessaires à la réussite de cette mesure». L'accent devra être mis principalement sur la sensibilisation et la communication auprès des membres. L'engouement de la CGEM est loin d'être partagé par les syndicats. A l'UMT, Abderrahim Handouf, également membre du conseil d'administration de la CNSS, ne cache pas son scepticisme. «Le départ à la retraite, même s'il est souhaité par le salarié, restera conditionné à l'accord de son employeur». N'empêche que sur le fond, et concernant une mesure de flexibilité, une fois n'est pas coutume, les syndicats, de tout bord, affichent leur appui à cette nouvelle réglementation qui, au moins, «permettra d'éviter les licenciements déguisés», notent-ils avec satisfaction.