Les promoteurs jugent la base du fisc insuffisamment affinée. Les notaires et les agents immobiliers rapportent que plusieurs quartiers et types de biens sont mal évalués. Il n'aura pas fallu bien longtemps aux intervenants sur le marché immobilier pour dresser un premier bilan de l'application du nouveau référentiel des prix de l'administration fiscale. Les promoteurs, les agents immobiliers et les notaires parlent déjà de plusieurs failles constatées depuis l'entrée en vigueur de ce système de taxation des transactions immobilières le 27 janvier dernier à Casablanca. La première faille, relevée par la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), qui a pourtant participé à l'élaboration du référentiel, porte sur le niveau de détail du dispositif. Selon les promoteurs, la base des prix de l'administration gagnerait à être affinée pour mieux coller à la réalité. «Le principe est que plus le territoire est couvert de manière fine, avec le maximum de quartiers recensés, plus les chances de retenir les prix effectivement pratiqués sont grandes», explique-t-on auprès de la FNPI. Quand on sait que les promoteurs estiment que le nombre de quartiers figurant dans le référentiel est trois fois moindre que ce qui aurait dû être couvert pour bien cerner le territoire de Casablanca, on devine que d'importants écarts entre les prix du référentiel et ceux du marché peuvent exister. Ces écarts sont effectivement constatés par les notaires et les agents immobiliers dans les deux sens, avec des cas de prix du marché en dessous de la base du fisc et inversement. Un notaire donne l'exemple des terrains à Bouskoura et Médiouna auxquels l'administration attribue un prix minimum autour de 3 000 DH le mètre carré alors qu'ils sont vendus au bas mot à 6 000 DH. Les agents immobiliers citent encore les cas de villas, appartements et terrains à Ibn Tachfine, 2 Mars… où le référentiel du fisc surévalue les prix du marché de 25 à 30%. «L'on anticipait bien ces situations mais l'on s'attendait à ce que ce soit des cas isolés. Au lieu de cela, on constate que le phénomène concerne plusieurs zones et différents types de biens», explique un agent immobilier. Les dérapages qui en résultent sont nombreux. L'on devine, en effet, que la tentation est grande parmi les propriétaires dont les biens sont sous-estimés de réclamer une part au noir lors de la vente. L'administration ne réclame en effet au vendeur que les droits calculés sur la base du prix du référentiel. Ce dernier peut s'en tirer sans redressement sur l'excédent non déclaré. Même si cela constitue une fraude fiscale, une majorité de propriétaires dont les biens sont sous-évalués par l'administration réclament systématiquement du noir. Dans l'autre cas de figure, où les prix du référentiel sont au-dessus des tarifs du marché, c'est le volume de transactions sur le marché qui est impacté. Les ventes de biens de seconde main en baisse de 18,5% à Casablanca Selon les témoignages concordants des agents immobiliers et des notaires, un propriétaire qui souhaite vendre son bien et qui ne reçoit que des offres en dessous du prix du référentiel, préfère dans la majorité des cas ne pas conclure pour éviter un redressement fiscal. Notons à ce titre que le volume de transactions sur les biens immobiliers de seconde main au niveau de Casablanca s'est replié de 18,5% au premier trimestre 2015 en comparaison à la même période de 2014 et de 11,8% en glissement trimestriel, selon la dernière enquête conjointe de Bank Al-Maghrib et la Conservation foncière. Il va de soi que l'on ne peut attribuer cette baisse à la seule introduction du référentiel des impôts, la conjoncture du marché étant à la base monotone. Les vendeurs contraints d'annuler leurs transactions sont d'autant plus frustrés qu'ils peuvent facilement justifier le niveau de prix qu'ils exigent. «Lorsqu'il s'agit de vendre un terrain devant accueillir un immeuble, la pratique sur le marché consiste à déterminer son prix en fonction du tarif du mètre carré des futurs appartements. Or, en appliquant cette démarche dans plusieurs quartiers, l'on tombe sur des prix en-dessous des niveaux du référentiel», explique un agent immobilier. Ces écarts peuvent s'expliquer par les corrections de prix survenues ces derniers mois sur le marché de l'immobilier à Casablanca, étant aussi à préciser que le fisc a planché sur son référentiel il y a deux ans, ce qui fait que sa base n'est pas forcément en phase avec les récentes évolutions du marché. Hormis ces éléments, les agents et les promoteurs rappellent que la valeur d'un bien est immanquablement inférieure au prix du marché si l'étage ou l'exposition sont défavorables, si le vendeur est pressé de conclure… Autant de facteurs que ne prend pas en considération le référentiel. Les vendeurs peuvent contester, mais… Tous ces écueils n'échappent pas à l'administration où l'on dévoile que des transactions ont bien été conclues en-dessous des seuils du référentiel depuis son introduction. Même si cette situation peut paraître défavorable pour les contribuables, l'on insiste surtout sur le fait que le référentiel limite grandement le pouvoir discrétionnaire du fisc, étant donné que l'intéressé sait à l'avance sur quelle base il sera redressé. L'on s'attend en outre à ce que les cas de contribuables pénalisés soient progressivement limités avec de prochaines corrections et actualisations périodiques du référentiel. Hormis tout cela, l'on précise auprès de l'administration que le référentiel n'est opposable qu'à elle seule. Autrement dit, les contribuables ont toujours la possibilité de contester les prix du fisc, à travers les commissions de taxation locales et nationale ou encore les tribunaux administratifs. Cependant, les notaires et les agents immobiliers avertissent de la lourdeur de la procédure qui exige de fournir de solides moyens de preuves qui ne sont pas nécessairement à la portée des particuliers. En plus, à supposer que l'on obtienne gain de cause, les majorations de retard à payer peuvent annuler l'économie d'impôt issue de la contestation…