La liberté de transmission aux conjoints, parents et ayants droit strictement limitée. Toute cession de parts doit être soumise à l'agrément des associés et notifiée au gérant. Si les associés refusent la cession, ils doivent dans un délai de 30 jours acquérir ou faire acquérir les parts. La SARL est la forme sociale la plus répandue au Maroc. Elle a pour principale caractéristique d'être une forme juridique «hybride», c'est-à-dire qu'elle emprunte aux sociétés de personnes leur caractère «intuitu personae», mais les associés, au même titre que les sociétés de capitaux, ne sont responsables qu'à hauteur de leurs apports. «En principe, les parts sociales sont librement cessibles entre conjoints, parents et alliés jusqu'au deuxième degré. Toutefois, les statuts peuvent stipuler qu'une des personnes précédemment indiquées ainsi que l'héritier ne peuvent devenir associés qu'après avoir été agréés», explique Mohamed Koudane, professeur de droit commercial. En effet, la notification de l'acte de transfert des parts sociales à la société dans les conditions prévues par la loi ouvrira en même temps droit aux associés pour préempter sur cette opération. Cette faculté de préemption permet aux associés d'acquérir, par préférence à toute autre personne, les parts sociales dont un associé souhaiterait se défaire, et leur donne la faculté d'augmenter leur participation actuelle dans la société (dans les conditions financières soumises par le vendeur). Et c'est ce que rappelle une jurisprudence symptomatique de la Cour de cassation, rendue en février 2014 et reprise dans une dizaine d'autres arrêts rendus la même année. En l'espèce, une associée dans une SARL a cédé ses parts à son mari sans avoir informé le gérant. S'estimant lésé, l'autre associé a présenté au tribunal de première instance de Casablanca une requête du fait du non- respect par la cédante des dispositions des statuts qui imposent de saisir le gérant pour ces opérations par lettre recommandée. Le plaignant a ainsi sollicité auprès du tribunal la radiation de la cession conclue entre la cédante et l'acquéreur, puis d'approuver l'offre réelle, de l'autoriser à bénéficier du droit de préemption et de déclarer que le jugement vaut un contrat à inscrire au Registre de commerce. Même si le tribunal a rejeté la requête du plaignant, la Cour d'appel a quant à elle accédé à sa requête. Le pourvoi en cassation formé par la cédante, il s'agissait donc pour la plus haute juridiction du Royaume de répondre à la question de savoir si les associés dans une SARL ont un droit de préemption face à une opération de cession de parts sociales au profit d'un conjoint, même en présence de règles complémentaires dans les statuts. L'argumentaire soumis par les avocats de la cédante n'a pas été reconnu par la Cour de cassation, qui décide de rejeter la demande et de confirmer ainsi la décision de la Cour d'appel en ce qui concerne la confirmation du droit de préemption reconnu aux associés en vertu de l'application combinée des statuts et de la loi sur les SARL. Equilibre des pouvoirs entre associés Cet arrêt présente un double intérêt : il définit la procédure de cession de parts sociales dans une société à responsabilité limitée et cherche à déterminer les effets d'une telle procédure en présence des statuts de la société et de la législation en vigueur. En effet, si la cession des parts sociales d'une SARL à un tiers étranger n'est possible qu'avec le consentement de la majorité des associés, elles sont cependant librement transmissibles par voie de succession et librement cessibles entre conjoints, parents et alliés jusqu'au deuxième degré. «Désormais, les statuts peuvent prévoir une clause d'agrément, afin notamment de contrôler l'équilibre des pouvoirs entre les associés», indique Mohamed Mernissi, avocat et arbitre. Après la procédure de notification aux associés, et si ces derniers refusent de consentir à la cession, ils sont tenus dans un délai de 30 jours, à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts. Un principe que la Cour de cassation considère comme impératif, en estimant que «toute clause contraire est réputée non écrite». Elle a également ordonné la consignation à la caisse du tribunal du montant de l'acquisition pour en faire l'offre à l'acquéreur, afin de faire jouer son droit de préemption. La SARL est plus que jamais une société fermée Cependant, si cette tendance jurisprudentielle fournit une protection aux associés non cédants, elle alourdit la procédure pour ceux qui souhaitent transmettre leurs parts à leurs conjoints, parents, ou via leur succession. Les règles de forme imposées aux cessions sont désormais de mise. Selon l'article 16 de la loi 5-96 relative à la société à responsabilité limitée, il est impératif de formaliser la cession de parts sociales, et ce, par écrit. Le non-respect de cette disposition est sanctionné par la nullité de la transaction. Parmi les points les plus importants à vérifier lors de l'opération de cession, s'assurer que les parts sociales à céder sont entièrement libérées. Cela veut dire qu'il faudrait vérifier si les associés ont bel et bien versé la totalité de la valeur requise lors de la souscription au capital de la SARL. La cession n'est rendue opposable à la société que si elle observe les formes prévues à l'article 195 du dahir formant code des obligations et contrats. Toutefois, la signification peut être remplacée par le dépôt d'une copie de l'acte de cession au siège social contre remise par le gérant d'une attestation de ce dépôt au déposant. Elle n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités et, en outre, après publicité au Registre de commerce. Il paraît donc clair que les associés d'une SARL sont devenus les «maîtres absolus» de l'avenir de leur structure. Ainsi, le juge, en leur permettant d'aménager ce droit de préemption, a voulu les protéger contre toute intrusion possible, même venant des familles des autres associés. En effet, lors de la constitution de la société et avant tout engagement de sa part, tout associé d'une SARL prend en considération les qualités de son cocontractant (sa compétence, son imagination, son savoir-faire, son habileté, sa réputation, son appartenance à une profession, voire sa moralité). C'est pour cette raison que s'il omet d'insérer une clause d'agrément couplée à une clause de préemption, même en cas de cession à un parent, le juge désormais pourra le protèger.