«Le bénévolat est un moyen d'accomplissement de soi» Quel intérêt pour le bénévolat, quel est le profil du bénévole ? L'entreprise encourage-t-elle davantage cette démarche ? Ahmed Al Motamassik, sociologue d'entreprise, apporte des éléments de réponse. Généralement, les cadres portent-ils de l'intérêt au bénévolat ? Selon les dernières statistiques du Haut-commissariat au plan (HCP), il s'avère que 17% des adhérents d'associations est constitué de cadres supérieurs. Je pense que ce chiffre est significatif parce que beaucoup de cadres cherchent un certain équilibre entre le travail et la vie en dehors de l'entreprise. Certains y trouvent un moyen d'accomplissement autre que par le travail salarié. Par ailleurs les études sociologiques sur le bénévolat corroborent cette dimension. Elles ont mis en lumière trois grands leviers de motivation qui «poussent les cadres à se lancer dans le bénévolat». Le premier est d'ordre psychologique. Il permet au cadre d'affermir sa confiance en soi, de se sentir utile et de donner du sens à «l'utilisation de son temps». Le second levier concerne la dimension sociale dans la mesure où il rend possible «l'aide des personnes en difficultés, défendre une cause, partager des projets, œuvrer dans une ambiance» conviviale… Le dernier levier relève de l'ordre «stratégique : aider les autres et participer au mieux-être de la collectivité ; mettre ses compétences à profit dans un cadre nouveau ; acquérir une expérience de travail ; se faire des amis, connaître des gens ; se réaliser et avoir le sentiment de sa propre valeur ; acquérir de nouvelles compétences…». Par ailleurs, à travers une enquête que j'ai réalisée récemment sur les facteurs qui ont favorisé l'adhésion des personnes à des associations telles que les syndicats, les ONG …trois grandes situations sont évoquées : un passé de militantisme politique, l'appartenance à une famille de militants associatifs ou autres. Le sentiment d'injustice sociale pousse souvent les personnes à se mettre dans l'associatif. C'est une forme de réalisation de soi et un moyen de défendre une cause comme je l'ai cité précédemment. Nous avons dressé quelques constats à travers l'enquête en introduisant des facteurs discriminants. Il faut dire que c'est la classe moyenne qui est porteuse des causes sociales. Quel est le profil du bénévole ? En général, il a un âge entre 35 ans et plus, un niveau d'instruction assez élevé, un statut social distinctif (cadre supérieur) et possède un capital culturel important avec une quête soutenue d'acquérir un pouvoir symbolique conséquent. Bref, les caractéristiques correspondent parfaitement au portrait idéal- typique des cadres, ce qui justifie le pourcentage évoqué ci-dessus. Il faut ajouter à cela le nombre important de femmes qui adhèrent aux activités associatives et qui, à travers les actions sociales, cherchent à se réaliser et se protéger contre les discriminations.
Donc, selon vous, travail et bénévolat seraient bien compatibles ? Ils sont compatibles et complémentaires car les bienfaits du bénévolat sur le cadre et l'entreprise sont patents. En effet, les études consacrées au «slow management» ont montré que le temps et l'énergie que le cadre consacre aux activités bénévoles profitent à l'entreprise «tout en lui permettant de vivre une expérience enrichissante sur le plan personnel». Les profits de l'entreprise sont liés à l'élaboration de l'image d'une entreprise citoyenne qui contribue au bien-être de la collectivité et aussi à une plus grande motivation de ses cadres. De ce point de vue il faut faire la distinction entre les cadres de la fonction publique et les cadres des entreprises privées. Les premiers disposent de plus de temps et l'investissent aisément dans les activités sociales. Quant à la deuxième catégorie de cadres, qui vit le sentiment d'un temps compressé, l'activité bénévole est réduite à cause de la charge de travail et des injonctions de l'entreprise qui pense rentabilité et non épanouissement personnel. De ce fait, ces derniers sont plus dans des activités bénévoles ponctuelles et opèrent par intermittence au lieu d'agir d'une manière permanente et continue. L'incompatibilité apparente provient parfois des «mangeurs du temps» non détectés et par le stress vécu dans les situations de pression liées aux échéances et à l'atteinte des objectifs. Pensez-vous que l'entreprise encourage les cadres à s'investir ailleurs ? Je dirais pas assez. Elles n'interdisent pas tout comme le fait qu'elles n'encouragent pas de manière explicite. Dans tous les cas, celles qui le font préfèrent généralement le faire dans une démarche structurée de marketing social ou dans le cadre des actions sociales en interne (clubs pour les cadres par exemple). Certes, elles s'investissent dans le mécénat, mais de telles actions ne sont pas désintéressées. Elles leur permettent de soigner leur image. Pourtant, les dirigeants doivent savoir que le bénévolat est important dans une perspective d'ouverture sur l'environnement conjugué avec une réconciliation entre l'économique et le social. Cette démarche ne peut qu'être bénéfique aussi bien pour l'entreprise que pour ses effectifs qui peuvent s'épanouir et s'accomplir autrement.