Le pas-de-porte est pratiqué habituellement pour les vieux immeubles dans des quartiers de différents standings au niveau de tout le Maroc. Le loyer peut être quatre fois moins cher que pour une location classique. La revente des contrats par les locataires dynamise le marché. Si le versement d'un pas-de-porte, connu sous le nom de saroute (littéralement clé), est encadré par la loi en ce qui concerne le bail commercial, il est interdit pour les locaux à usage d'habitation. «Cette pratique ne repose sur aucune base légale au Maroc», assure Me Mohamed Alami, notaire à Casablanca. Pourtant, ce type de transactions reste largement répandu parmi les propriétaires et locataires de logements. Difficile à vrai dire de se faire une idée précise sur l'ampleur du phénomène, tant cette pratique demeure intimement liée aux circuits informels, notamment les réseaux d'intermédiaires (semsara). Cependant, la tendance sur ce «marché» semble être à la désintermédiation. Sur les sites d'annonces immobilières sur Internet, justement, de rapides recherches par mots clés font ressortir de nombreuses annonces qui dénotent bien du dynamisme de l'offre et de la demande du saroute. Un dynamisme qui semble d'ailleurs concerner plusieurs villes du Royaume (Casablanca, Rabat, Marrakech, Fès…). De manière générale, «la pratique du saroute demeure répandue dans les immeubles anciens», observe Me Mohamed Alami. Et même certaines annonces relevées sur Internet concernent des biens neufs à Casablanca dans des quartiers recherchés tel Gauthier ou sur le boulevard Zerktouni. Ce système du pas-de-porte, appliqué essentiellement aux appartements, consiste pour le locataire à verser au propriétaire une indemnité afin de bénéficier d'un loyer réduit par rapport à une location classique. A titre d'exemple, un propriétaire d'appartement propose sur un site d'annonces le pas-de-porte d'un 60 m2 au centre-ville de Fès au prix de 70 000 DH, pour un loyer de 750 DH par mois contre 1 700 DH pour la location classique d'un appartement comparable. Dans d'autres cas, les loyers sont trois voire quatre fois moins chers que ce qui est demandé pour la location classique, et ce, dans des quartiers aussi demandés que Mers Sultan ou Bourgogne à Casablanca. Acheté 90 000 DH, un pas de porte a été revendu à 140?000 DH cinq ans plus tard En fait, ce sont les reventes de pas-de-porte par les locataires eux-mêmes qui dynamisent ce marché. En effet, l'occupant d'un bien, lorsqu'il souhaite mettre un terme à sa location, a le choix entre récupérer le pas-de-porte versé au propriétaire ou revendre lui-même ce pas-de-porte à un autre locataire. Et c'est cette deuxième option qui est généralement préférée, car elle permet au locataire d'empocher une plus-value appréciable, étant donné que le prix des pas-de-porte suit la tendance du marché à l'acquisition. «J'ai vendu un pas-de-porte pour un salon deux pièces au boulevard Mustapha Al Maani à Casablanca à 140 000 DH, alors que je l'avais acquis à 90 000 DH il y a cinq ans», témoigne Omar J. qui a effectué sa transaction, il y a un mois, et qui dit avoir été contacté par une vingtaine de repreneurs en cinq jours. Là encore, tout le monde y trouve son compte. D'une part, le locataire fait fructifier un capital qu'il détient (le pas-de-porte) et qui, à la sortie, peut éventuellement lui faciliter l'accès à la propriété. Et, d'autre part, le propriétaire du bien touche lors de la transaction un «dessous de table» de la part du locataire, compris en règle générale entre 10 000 et 15 000 DH. Cette somme est en fait versée au propriétaire pour qu'il consente à modifier le nom figurant sur le contrat de bail et d'y inscrire l'identité du nouveau locataire. Sans quoi, ce dernier n'aurait aucune sécurité vis-à-vis du propriétaire qui pourrait l'expulser à tout moment. En effet, comme précisé auparavant, le mécanisme du pas-de-porte dans le résidentiel ne s'appuie sur aucune base légale. Dès lors, il présente plusieurs risques pour les différentes parties. Pour n'en citer que quelques-uns : d'abord, le versement du pas-de-porte par le locataire au propriétaire se fait au noir, ce qui n'exclut pas une perte pure et simple de cette somme pour celui qui la verse. Un acte peut être éventuellement dressé pour attester du versement du pas-de-porte, mais les propriétaires y sont habituellement réticents étant donné que cette démarche accroît leur risque de se faire imposer sur la somme perçue. En outre, l'intérêt du mécanisme du pas-de-porte repose sur le fait que le locataire bénéficie de la promesse d'un loyer qui restera fixe tout au long de la location. Or, rien ne peut empêcher un propriétaire d'augmenter le loyer de 10% tous les trois ans comme le prévoit la loi. Malgré ces risques, le business du saroute semble encore promis à un bel avenir.