La nouvelle session parlementaire qui vient de s'ouvrir, la cinquième depuis les élections du 8 septembre, marque le mi-mandat du gouvernement Akhannouch. L'heure du bilan pour cette étape clé de l'action gouvernementale et législative. Suivez La Vie éco sur Telegram Il n'est jamais tard de rappeler les conditions dans lesquelles le gouvernement a pris en main les affaires. Le pays venait de sortir du confinement, l'économie était presque à l'arrêt, le tourisme agonisait et la pluie tombe de moins en moins. Quelques mois après son investiture, la guerre éclate en Ukraine (en février 2022) et alors que le gouvernement n'a pas encore bouclé sa deuxième année, un tremblement de terre dévaste la région d'Al Haouz. Entre-temps, certaines régions, principalement du nord, ont connu des feux de forêt particulièrement virulents. Il y a quelques mois, la reprise des tensions au Moyen-Orient venait aggraver la situation avec des perspectives non encore totalement cernées. L'expérience l'a montré, à chaque fois que la situation s'enlise dans la région, c'est la facture énergétique qui explose. À ce sujet justement, à peine une semaine après l'investiture du gouvernement, l'Algérie décide de fermer le gazoduc GME. Voilà pour le topo. La complexité du contexte fait dire à cet analyste politique qu'au moment de son investiture, le gouvernement aurait dû se dupliquer : un premier Exécutif pour appliquer le programme sur lequel il s'est engagé devant le Parlement, d'un côté, et de l'autre, son clone pour gérer les effets de ces différentes crises qui frappent de plein fouet le Royaume. Même s'il y a été fait référence à plusieurs reprises, cette situation conjoncturelle inédite et particulièrement défavorable – le mot n'est pas assez fort – l'Exécutif ne s'en est pas plaint pour autant ni s'en excuse pour justifier ses éventuels retards dans la mise en œuvre de son programme ou incapacité d'y faire face. Ce qui plus est, il a fallu rattraper les retards de ses prédécesseurs sur plusieurs domaines, celui de l'eau en l'occurrence. L'on imagine l'ampleur des efforts fournis et sa capacité à agir avec célérité et efficacité tout en menant à bien ses chantiers prioritaires que sont la santé, l'école et l'emploi. Des réformes majeures d'une ampleur que le Royaume n'a jamais connue, dont le déploiement a nécessité d'importantes rallonges budgétaires pour les départements concernés et un effort financier colossal pour l'Etat. On retiendra que pour les deux Lois de finances, de l'exercice 2022 et 2023, malgré les dépenses engendrées par les mesures anti-crises et pour atténuer les effets de la conjoncture, ce qui a rendu caduques les hypothèses de base, le gouvernement, non seulement n'a pas eu recours à une Loi de finances rectificative, mais il a refusé catégoriquement de procéder à des coupes dans le budget d'investissement, solution pourtant facile que ses prédécesseurs n'ont jamais hésité à mettre en œuvre à plusieurs reprises. Le boom industriel pour bientôt Evidemment, il est difficile de faire l'inventaire des réalisations de ces deux années et demie. Mais les citoyens auront noté que par exemple il n'y a pas eu de délestage électrique après la mise à l'arrêt de deux centrales électriques, Tahaddart et Béni Mathar, privées du gaz. Les citoyens, au bout de cinq années de sécheresse, n'ont relevé aucune pénurie en matière de produits agricoles, même si le gouvernement a dû faire recours au marché extérieur, notamment pour les viandes rouges. Le blé n'a pas non plus manqué, sachant que deux de nos grands fournisseurs sont entrés en guerre. Il n'y a jamais eu, non plus, de coupure programmée d'eau potable dans les agglomérations urbaines et même rurales. À la deuxième année du mandat, l'économie nationale s'est presque totalement remise de la crise du Covid. Le gouvernement a été depuis le début aux côtés de l'entreprise, créatrice de richesse, de croissance et d'emploi. Le secteur touristique, qui a bénéficié d'une attention particulière du gouvernement, s'est relevé d'un seul coup, l'effet Coupe du monde 2022 y est certainement pour quelque chose. Nous parlons ici de plus de 500.000 emplois, soit 5% de la population active et 7 à 8% du PIB. Le secteur agricole a été mis à nouveau sur les rails, en prenant en compte les effets du changement climatique et les ressources mobilisables en eau. De nouveaux contrats-programmes ont été signés. Le secteur industriel, avec ses trois branches les plus dynamiques, à savoir l'automobile, l'agroalimentaire et la chimie et parachimie, affiche une croissance remarquable, avec une percée notable du «made in Morocco». Le secteur s'apprête même à accueillir deux nouveaux arrivants, l'écosystème des batteries électriques dont l'implémentation a été actée officiellement, il y a quelques jours, de l'hydrogène vert qui fera du Maroc un acteur régional dans le domaine des énergies propres. Cela au moment où on évoque déjà le Royaume comme une «centrale électrique de l'Europe». Que ce soit pour l'industrie des batteries, pour le stockage, pour la mobilité électrique ou pour l'hydrogène vert, on assiste à l'implantation de l'intégralité d'un écosystème qui, il faut le préciser, intègre toute la chaîne de valeur d'un seul coup et non des taux d'intégration progressifs, comme c'est le cas de l'automobile et de l'aéronautique, par exemple. Ce qui fait dire au ministre de l'Industrie et du commerce, Ryad Mezzour, que le Maroc «est en train de franchir un troisième palier dans l'industrie». Mobilisation des RH Tout cela n'est pas venu tout seul. Il y a eu tout un effort en termes de préparation de terrain au sens propre et figuré. Le foncier destiné à accueillir des zones d'accélération industrielle a été mobilisé de même que des centaines de milliers d'hectares devant accueillir les stations de dessalement, les éoliennes, les fermes solaires..., pour l'émergence de l'industrie de l'hydrogène vert, ont été recensés. Un travail colossal a été fait également sur le plan législatif et réglementaire, que ce soit en matière de facilitation des démarches ou de l'acte d'investissement. Une nouvelle Charte de l'investissement a été adoptée, en un temps record, le réseau des CRI a été mis à niveau, de même qu'une nouvelle loi, première du genre, a été promulguée en juin 2021. La loi 10-20 relative aux matériels et équipements de défense et de sécurité, aux armes et aux munitions est entrée en vigueur, annonçant par la même occasion la mise en place des bases de la nouvelle industrie militaire qui est en train d'émerger discrètement. Bref, on devine bien que le gouvernement mise fort sur l'industrie, sans pour autant renoncer aux secteurs primaire et tertiaire. Naturellement, l'essor industriel ne peut être réalisé sans l'énergie et les infrastructures nécessaires. Sur le premier point, le gouvernement a entrepris d'abord de créer un cadre juridique propice à l'investissement, notamment dans les énergies vertes. De même que des travaux d'infrastructure ont été lancés, que ce soit pour le transport ou le stockage et, depuis quelques jours, le plan gazier est finalement mis en marche. Pour ce qui est de la logistique, que ce soit les ports, les routes ou encore le chemin de fer, c'est un chantier à ciel ouvert partout. L'élément humain est également très important, avec la réforme de l'enseignement supérieur, de nouvelles filières et passerelles ont été créées pour former les cadres et ingénieurs en nombre suffisant qui vont accompagner et porter sur leurs épaules ce développement industriel sans précédent. En parlant justement de l'enseignement supérieur qui a connu le lancement de sa réforme au début de cette année, son objectif est de rendre les diplômés universitaires marocains, après le cycle de la licence, autonomes et ayant les capacités techniques, linguistiques et comportementales pour s'adapter aux mutations du marché de travail. De même qu'une nouvelle génération d'établissements de formation professionnelle a vu le jour. Presque toutes les régions sont en train d'être dotées de leur propre cité des métiers et des compétences (CMC). La formation professionnelle va, en effet, de pair avec la formation universitaire. Le social n'est pas en reste En évoquant le bilan du mi-mandat, comment ne pas signaler la prouesse de généraliser, en une année, l'assurance maladie obligatoire à tous les Marocains et mettre en place, l'année suivante, un dispositif d'aide directe moderne, transparent et efficient. Un véritable chantier social qui a nécessité la mise en place de moyens techniques performants et des ressources financières importantes. L'étape suivante sera «la retraite pour tous» et puis la généralisation de l'accès à l'indemnité pour perte d'emploi au profit des Marocains ayant un emploi régulier. Nul doute que là encore le gouvernement sera au rendez-vous. La retraite pour tous est tributaire de la réforme des régimes de retraite alors que l'indemnité pour perte d'emploi appelle à une refonte du Code du travail, deux chantiers sur lesquels planche l'Exécutif avec les partenaires sociaux dans le cadre du dialogue social. Un dialogue que le gouvernement s'est justement impliqué pleinement dans l'institutionnalisation, tout en instaurant, en même temps, un climat de confiance et sérieux avec ses partenaires, les syndicats et le patronat. Nous n'allons pas nous attarder sur la réforme de la santé, désormais sur les rails, ni sur celle de l'école, également sur la bonne voie, après justement la fin, via le dialogue, des tensions dans le secteur. Il serait également impossible d'énumérer toutes les avancées diplomatiques réalisées au cours de ces deux dernières années ni non plus les évolutions sociales, avec en premier lieu la réforme du Code de la famille, actuellement en cours, et la réforme de la justice qui est également sur le bon chemin. De même, la question identitaire a également connu une évolution remarquable avec l'intérêt particulier accordé par le gouvernement à la promotion de la langue et de la culture amazighes. En définitive, une seule équipe, trois missions en même temps : exécuter le programme gouvernemental sur lequel elle a reçu le vote du Parlement, en respectant tous ses engagements, faire face aux multiples crises qui s'abattent sur le pays et rattraper le retard et les ratés de gestion des précédents gouvernements. Dans de telles conditions, on le comprend, un gouvernement, aussi dévoué soit-il, ne peut pas tout faire. On aurait ainsi pu, vu qu'on en était à la sortie de la crise sanitaire, voir le chantier de la digitalisation avancer davantage, avec une nouvelle vision. On s'attendait de même à de plus grands progrès dans le domaine de la réforme de l'administration et de la simplification des procédures, et donc de moins de corruption. Telle qu'elle a été annoncée, la réforme des entreprises publiques semble également trainer quelque peu. De même que la réforme de la justice qui, et cela tout le monde en convient, fait du surplace. Plusieurs textes d'envergure sont attendus depuis l'avènement du gouvernement. Rares sont ceux qui ont pu franchir l'étape du Parlement, pour ne citer que ces quelques exemples.