Non-vérité, contre-vérité, demi-vérité : le mensonge peut prendre plusieurs formes. Mentir pour gagner du temps est l'une des formes de mensonge la plus courante en entreprise. Plus l'entreprise gère de façon efficace sa communication interne et externe, plus elle met en place un mode de gouvernance axé sur la transparence et moins les notions de mensonge ou de rumeur ont leur place. Et inversement, plus il existe une mauvaise gestion de communication, plus le mensonge s'installe. Mohcine Ayouche, DG du cabinet BMH Coach, nous éclaire un peu plus sur ce phénomène au travail. Comment analysez-vous le mensonge dans l'entreprise ? Avant de parler de cette problématique, il est important de parler du processus de circulation de l'information au sein des entreprises. Plus l'entreprise gère de façon efficace sa communication interne et externe, plus elle met en place un mode de gouvernance axé sur la transparence et moins les notions de mensonge ou de rumeur ont leur place. Et inversement, plus il existe une mauvaise gestion de communication, d'absence de vision et de valeurs, plus les mauvais comportements vont devenir la règle. De ce fait, le mensonge peut se manifester par la non-vérité, la contrevérité ou la demi-vérité. Cela conduit à des relations peu saines au sein de l'entreprise que ce soit au niveau des salariés, des actionnaires, clients, fournisseurs…et même l'Etat. In fine, c'est la culture d'entreprise qui est prise en otage. Quels sont les types de mensonges les plus courants ? Au niveau de l'entreprise, le mensonge le plus récurrent concerne l'organisation. Par exemple, beaucoup d'entreprises travaillent avec des tableaux de bord, qui ne représentent qu'une vision pourtant très partielle de la réalité. On manipule les chiffres pour cacher certaines défaillances. Il en est de même des systèmes de rémunération où beaucoup d'entreprises ne sont pas transparentes. Le mensonge peut aller aussi jusqu'aux fausses promesses. Mentir pour gagner du temps est l'une des formes de mensonge managérial les plus courantes. Par exemple, un supérieur qui n'a pas répercuté la demande d'augmentation ou de promotion de son subordonné auprès de la direction générale. Pour une multitude de raisons, bonnes ou mauvaises, le supérieur trouve souvent des subterfuges du genre : «Ce n'est pas encore le moment d'en parler à la hiérarchie». Il existe aussi la rétention d'information qui peut être une forme de mensonge. Elle permet aux détenteurs de préserver leur savoir, et du moins d'avoir un ascendant sur leurs subordonnées, parfois plus intelligents ou plus compétents qu'eux… En fait, elle est largement pratiquée par ceux qui craignent pour leur place. Au niveau des salariés, le mensonge est également bien présent. On ment pour éviter d'éventuels problèmes au travail. Si on recourt au mensonge, c'est pour se préserver de certaines sanctions ou certaines réalités qui nuisent. Quels sont les pires mensonges auxquels vous avez eu à faire face ? En tant qu'ancien manager dans une entreprise de textile, les salariés avaient pour habitude de me dire qu'un de leur proches est malade quand ils voulaient s'absenter. Comme cette population est très volatile dans le secteur, ils évoquaient souvent cette contrainte pour aller chercher du travail ailleurs. Il y a eu également la mésaventure d'un manager d'une grande entreprise BTP de la place qui a découvert, il y a quelques années, qu'il n'était pas déclaré au niveau de la CNSS. Son patron le lui avait toujours caché jusqu'au jour où, étant malade, il avait besoin d'une prise en charge pour effectuer une opération chirurgicale importante. Quelles sont les conséquences de tels actes sur l'organisation ? Pour l'entreprise, les conséquences sont nombreuses : crise de confiance, démotivation, méfiance des partenaires, perte de clientèle, perte des meilleurs éléments mais aussi perte de crédibilité. On peut y gagner sur le court terme mais c'est une perte sur le long terme en termes de relationnel, d'efficience… Comment un manager doit-il gérer les menteurs ? Le comportement du manager doit être assertif dans le sens où il remplit sa fonction sans recourir à aucun subterfuge. A priori, cette attitude n'est pas toujours naturelle chez l'homme. Face à une situation délicate, il est plus enclin à éviter l'affrontement, manipuler l'interlocuteur ou faire preuve d'agressivité. Ces trois postures sont des sources de perte de temps, donc contre-productives. L'idéal est que l'on soit dans l'assertivité le plus possible. Selon les spécialistes en la matière, une seule personne qui l'adopte permet d'enclencher une dynamique positive dans un groupe. Cette attitude est importante dans toutes les situations de la vie. Et pour se limiter au monde de l'entreprise, on peut dire qu'elle est essentielle aussi bien pour le management que pour les autres membres. Souvent, sous prétexte de ménager son interlocuteur ou parce que l'on redoute sa réaction, beaucoup sont tentés de se réfugier derrière des promesses sans lendemain. C'est le cas dans notre environnement où les notions d'«inchallah», «je vais le faire»… cachent au fond un refus non exprimé ouvertement. Cette attitude est tout à fait contraire à ce que l'on voit dans certaines organisations où la culture du non est facilement acceptable. Acceptez-vous le mensonge ? Jamais ! Car au-delà du fait caché, c'est le mode relationnel biaisé qui s'installe qui va me déranger. Le problème va s'avérer plus sérieux quand le mensonge devient récurrent.