«Nous, les employées de maison, n'avons pas encore tous nos droits» Suivez La Vie éco sur Telegram Pas alerte, pensive, Souad remonte la rue, déserte comme tous les matins, qui la mène au domicile de ses employeurs. «Tous les jours, je me réveille à six heures, je m'occupe de mes enfants et mon mari qui est malade avant de rejoindre mon travail en taxi», indique Souad, employée de maison depuis toute petite. De son enfance, elle ne dit rien, parce qu'elle n'en a simplement pas eu. Arrivée de son patelin de Oulad Said, elle est placée, à huit ans, chez une famille. Elle y effectue les tâches ménagères en contrepartie d'un modeste pécule encaissé, chaque fin de mois, par son père. De l'école, elle ne sait rien. «Je n'ai jamais été en classe, je ne sais pas ce que c'est une école !», dit-elle la gorge serrée. Larmes aux yeux, elle regrette une enfance qu'elle n'a pas vécue et une école à laquelle elle n'a pas eu droit. «Ma vie, je l'ai passée allant de maison en maison sans objectif aucun», regrette cette mère de trois enfants qui se dit prête à tous les sacrifices pour que ses enfants réalisent leurs rêves. Et en particulier sa fille qui a décroché le bac l'an dernier : «Je veux qu'elle fasse ce que je n'ai pas pu faire et qu'elle ait les droits que je n'ai pas eus», espère Souad, qui ne sait faire aucun autre travail. Son actuelle patronne, traiteuse, lui a appris à faire la cuisine et la pâtisserie, et ses petits-enfants lui ont appris le français. «C'est une consolation pour moi», dit-elle avec un sourire éphémère. Et rapidement, son regard s'assombrit, «maudite soit la pauvreté !», lance-t-elle en appelant vivement les familles à ne pas priver leurs enfants de la scolarisation. «Et même en cas d'échec ou d'abandon scolaire, il ne faut pas baisser les bras. Il y a l'apprentissage des métiers. C'est une porte de sortie pour une vie meilleure». Une vie que Souad souhaite «tranquille, réussie et avec tous les droits». Jouant le rôle de mère, du père et de cheffe de famille, elle dit «vivre pour les siens et pour leur bonheur». Quant à sa propre personne, elle souhaite jouir de tous ses droits. «À ce niveau, je pense qu'il reste encore beaucoup à faire, car les femmes, en particulier nous les employées de maison, le combat est encore long»...