Pas d'indice de remaniement qui permettrait au parti d'accroître sa participation au gouvernement. Le MP maintient son orientation d'alliance avec le PAM, le RNI et l'UC mais estime que le contexte juridique ne favorise pas une véritable alliance. Il vise deux piliers d'action au sein du gouvernement : le monde rural et la culture amazighe. En juillet 2009, le MP faisait son entrée au gouvernement Abbas El Fassi, nommé 19 mois plus tôt. En contrepartie de votre soutien à la majorité gouvernementale, vous avez eu un ministère d'Etat et un secrétariat d'Etat. Un peu maigre, non ? Nous avons connu deux étapes dans la constitution du gouvernement. Il y a eu d'abord la constitution proprement dite du gouvernement. À l'époque, nous n'étions pas satisfaits de l'offre qui nous a été faite pour une question d'équilibre entre le degré de représentation et notre poids politique. Nous l'avons exprimé et nous n'avons pas participé au gouvernement. Deux ans après, ce n'est plus de la constitution du gouvernement qu'il s'agit, mais d'un «accident de parcours» de ce dernier qui a perdu sa majorité. Nous avons donc été sollicités, nous avons pesé le pour et le contre à la fois sur le plan du parti mais aussi sur le plan de la politique générale du pays et nous avons décidé d'apporter notre soutien au gouvernement. Pour nous, c'est un choix raisonné qui a été fait par nos instances et nous estimons que nous ne sommes pas trompés. Nous en sommes satisfaits. Nous sommes également satisfaits de pouvoir agir à l'intérieur du gouvernement pour orienter son action en fonction de nos priorités. Réorienter la politique du gouvernement ? Un peu osé au vu de votre poids relatif en son sein. Vous pouvez nous donner un exemple ? Il y a deux piliers qui nous tiennent à cœur. Le premier est le développement du monde rural. Je fais, justement, partie d'une commission gouvernementale consacrée au développement du monde rural. En je peux vous dire que c'est depuis deux ans seulement que le gouvernement identifie dans son Budget les investissements qui sont consacrés au développement du monde rural. Cela en plus de tout ce qui se fait sous l'impulsion du Souverain dans la campagne et que le gouvernement suit. Le deuxième pilier est celui de la culture amazighe. Notre présence au gouvernement, certes, ne bouscule pas complètement la donne, mais fait que la défense de cette culture reste éveillée et maintenue. Vous ne nierez point que la perception actuelle du MP est celle d'un parti bouche-trou… Le MP a été, pendant très longtemps, et est encore aujourd'hui un parti patriotique et national. Il s'est créé à un moment où le Maroc risquait de virer vers le parti unique. Pourquoi nous avons quitté en 2007 et pourquoi nous sommes revenus en 2009 ? En 2007, nous défendions le parti. En 2009, c'était le pays et la politique du pays qu'il fallait sauvegarder. Nous ne sommes pas un bouche-trou, nous avons peut-être un sens de l'intérêt général beaucoup plus aigu que chez d'autres formations politiques. Nous ne sommes pas non plus celui qui, lorsqu'il reçoit une gifle, tend l'autre joue. Nous représentons une frange de population qui a son mot à dire, qui est bien implantée, et nous sommes décidés à défendre ses droits. Aujourd'hui, on ne sait même plus qui est bouche-trou, nous sommes, depuis 1998, dans un contexte qui n'est pas normal. Cette question pouvait avoir son sens si on quittait cette transition démocratique pour entrer dans un jeu démocratique classique normal. Il n'empêche, le parti est devenu minoritaire… Minoritaire avec 70 parlementaires au sein des deux Chambres ? Je ne crois pas. Je le répète, je crois que nous sommes dans une phase institutionnelle qui manque de visibilité. Il faut attendre que tout se clarifie avant de faire les classements et voir le poids des uns et des autres. Qu'est-ce qu'on peut dire d'un parti qui était à 33 députés au lendemain des élections, et qui en est aujourd'hui à 48 ou même à 60 ? Le vrai poids des partis ce sont les élections qui le donnent. Il faut qu'on passe à une situation plus sereine où les instruments de mesure sont orthodoxes, démocratiques et connus de tout le monde. n Les cadres du parti caressent l'espoir d'un nouveau remaniement et une plus grande participation du MP au gouvernent… Ce ne sont pas les partis qui programment les remaniements. Cela ne dépend pas d'eux. Pour le moment, et à ma connaissance, il n'y a strictement aucun indice d'un éventuel remaniement dans les semaines à venir. Et si remaniement il y a, cela veut dire qu'il va y avoir consultations et discussions entre les partis de la coalition. Et il est évident que le MP fera entendre sa voix. En parlant de faire entendre sa voix, justement, le MP semble invisible. Il se contente de suivre les autres partis… C'est une fausse idée due à un déficit en communication. Je vous donne un exemple très précis. Lors des derniers événements qu'a connus le Maroc, que ce soit depuis l'installation du camp de Agdeim Izik ou lors de son démantèlement, nous étions les premiers à réagir. Mais nos communiqués et prises de position n'ont pas été repris par la MAP et les autres médias. Nous nous sommes aperçu qu'il y a une logique de classement. On attend que les autres réagissent, parce qu'ils sont classés avant nous, pour faire paraître nos réactions. Il y a aujourd'hui au Maroc deux types de politiques. Une politique responsable, qu'est la nôtre, et qui n'est pas forcément démonstrative parce que nous estimons qu'il y va du sérieux du parti et de l'avenir du pays. Il existe une deuxième politique de démonstration, de déclarations tonitruantes, d'attaques, de faux duels et d'effets d'annonce. Et quand on regarde les choses en face, cette politique peut mener à de grosses erreurs que le pays paie trop cher. En fait, nous, nous faisons la politique, la première, même si on a essayé de nous abattre à plusieurs reprises, et encore plus récemment. Quand vous parlez d'effet d'annonce, d'esprit bagarreur, vous faites allusion au PAM ? Non, je ne cite aucun parti. De toute façon, le citoyen sait très bien de qui il s'agit. Le MP a tenu son congrès en juin 2010. Beaucoup n'en ont retenu que l'intervention d'Abdelilah Benkirane à propos de l'authenticité des partis. Le PJD vous a ravi la vedette… Non et je dirais même que si au MP nous étions égoïstes, nous dirions que c'est tant mieux, puisque le MP a été cité parmi les quatre partis qui sont authentiques. Ce qui nous gêne c'est la manière. Traditionnellement, les personnalités invitées au congrès d'un parti ne devraient pas profiter de l'occasion pour régler leurs comptes avec leurs adversaires politiques. Plus de six mois se sont écoulés depuis ce congrès et le MP n'a pas encore achevé de mettre en place ses structures ! Le parti a mis en place le conseil national et le bureau politique, qui fonctionne régulièrement. Nous venons de tenir la 2e réunion du conseil national dans les délais. Compte tenu des derniers événements de Laâyoune, la première séance de cette session leur a été entièrement consacrée. La deuxième séance va être ouverte dans quelques semaines pour traiter des questions classiques du parti et compléter ses instances. Il y a, en fait, deux commissions qui ne sont pas encore mises en place, la commission disciplinaire et la commission financière. On peut, par contre, noter que nous avons pris du temps pour déclencher la réorganisation des instances dans les régions parce que précisément nous voulions nous appuyer sur des bases plus solides en partant d'un recensement et d'un ré-enregistrement de nos militants, ensuite en réorganisant les instances élues. Cela demande un peu de temps et, surtout, une certaine pédagogie. Car il s'agit d'expliquer les nouveaux statuts et la nouvelle vision à des gens qui étaient habitués, depuis 50 ans, à un autre genre de pratiques. Il ne s'agit pas d'un bouleversement dans nos pratiques, mais d'une normalisation du fonctionnement du parti. Nous voulons passer d'un parti de personnes à un parti d'institutions. Et cela, il faut le faire non seulement au niveau central, mais aussi au niveau des régions. A vous entendre parler, on croirait avoir affaire à un parti de l'administration ou une petite formation de création récente. Avec ses 52 ans d'existence, le Mouvement populaire ne devrait plus tenir ce genre discours… Nous n'avons aucune honte à le tenir parce que c'est une pratique encore présente dans tous les partis. Qu'on ne se fasse pas d'illusion, aujourd'hui quand on demande à un parti le nombre de ses adhérents, rares sont ceux qui sont capables de donner le nombre exact. Le système de cotisation et des cartes est une pratique que les partis ne mettent pas en œuvre. Cela d'une part. D'autre part, lors des élections, on l'a vu même chez les partis qui se disent organisés ou progressistes, les règles ne sont pas fixées et les campagnes sont gérées au coup par coup. Aujourd'hui, nous au MP, nous voulons passer à une pratique beaucoup plus assise sur des données fiables, à commencer par le nombre exact de nos adhérents. Ainsi, au moins, quand on constitue des instances, on sait qui y participe et qui élit qui. Par le passé, le MP s'est toujours considéré comme une grande famille et les gens pouvaient venir, nous quitter et revenir. Nous voulons mettre fin à cela. Et combien de militants le Mouvement populaire compte-t-il aujourd'hui ? Sur ce plan, je serai très honnête. Comme tous les partis marocains, nous comptons beaucoup plus en voix électorales qu'en militants. Néanmoins, il y a un chiffre qui revient assez souvent. Nous estimons que le nombre d'adhérents encartés est compris entre 110 000 et 120 000 militants. Mais il est bien évident qu'en voix électorales nous nous situons entre 800 000 et un million de votants, sachant que le premier parti politique au Maroc [NDLR : le Parti de l'Istiqlal] est à 1,2 million de voix. Vous avoisinez le million de voix et le premier parti est à 1,2 million seulement. Comment se fait-il que vous soyez à la 5e position ? Au lendemain des élections de 2007, nous n'étions pas à la 5e, mais à la 3e position. En 2009, tout le monde sait ce qui s'est passé. Nous étions donc 3e et nous avons raté la première place à cause de nos erreurs. Des erreurs dues au fait que l'intégration des trois partis (NDLR : le MP le MNP et l'UD) n'était pas encore tout à fait digérée. N'empêche, nous étions à 8 ou 10 sièges du premier parti et à trois sièges du deuxième. Depuis 2007, il s'est produit quelque chose d'artificiel et de complètement aberrant, puisqu'on a détourné, tout simplement, la loi sur les partis politiques qui ne permet pas de débaucher les élus chez les autres partis. Cette loi a été complètement détournée, ce qui a fait que nous avons perdu un certain nombre de grands élus, des parlementaires et qui ont entraîné dans leur sillage un certain nombre de communes. La transhumance a quand même toujours existé ! C'est la première fois, depuis 50 ans, que le phénomène prend une ampleur démesurée. Il y a eu «encouragement» du nomadisme par l'abandon de la loi et de l'éthique parlementaire. Pourquoi les autres partis, l'Istiqlal ou le PJD, n'ont pas été autant touchés que le MP? Parce que ces partis n'ont pas été visés. Le Mouvement populaire a été visé par certaines formations. On a cherché à l'atteindre et spécialement entre 2007 et 2009. On ne peut s'empêcher de penser, là encore, que vous faites allusion au PAM… Je ne fais pas allusion particulièrement au PAM. Il y a eu des gens, parmi nos élus, qui sont partis au RNI, à l'Istiqlal, comme il y en a eu des autres partis qui sont venus chez nous. Bien sûr que le PAM a bénéficié de ce phénomène parce que c'est quand même un parti qui a pu constituer un groupe à la première Chambre alors qu'il n'a même pas participé aux élections législatives de 2007. Aujourd'hui, ce qui nous préoccupe c'est l'image dégradée de l'instance parlementaire. Depuis 2007, près de 45% des parlementaires ont changé au moins une fois de couleur politique. Et 45% c'est quand même plus de 130 parlementaires. L'USFP vient de proposer d'annuler le mandat des députés transhumants, est-ce que vous pensez que c'est une solution envisageable ? C'est une proposition que nous avions nous-mêmes faite, il y a une dizaine d'années, mais elle n'a pas été retenue. Cela a été fait auparavant, dans des pays qui ont essayé de moraliser la vie politique et ils l'ont supprimé lorsqu'ils ont atteint une maturité politique. La Turquie l'a fait pendant très longtemps, elle ne l'a supprimé que depuis une dizaine d'années. Nous estimons que c'est une action morale par respect à l'électeur. Cela ne nous gêne, donc, pas. n Il a été question que le MP rejoigne l'alliance PAM-RNI-UC, où en êtes-vous aujourd'hui ? Nous continuons nos discussions avec le PAM, le RNI et l'UC. Mais, dans le contexte juridique actuel, dans le cadre de l'actuelle loi sur les partis, de l'actuel mode électoral, on ne peut pas parler d'alliance au vrai sens du terme. Parce qu'une alliance, ce n'est pas seulement de se mettre ensemble, après une élection, pour aller constituer une majorité ou une opposition. Une alliance se bâtit stratégiquement à long terme et les accords sont pris avant même les élections. Or dans le contexte juridique actuel, on ne peut pas le faire. Vous l'avez combattu au début, vous êtes son allié aujourd'hui. Quelle est la nature de vos relations avec le PAM ? Il ne faut pas confondre relations avec combativité. Nos relations ont toujours été bonnes avec le PAM et/ou avec ses membres, parce qu'il prône la moralisation de la vie politique. Les divergences concernent l'inapplication des lois sur les partis. C'est cela que les gens considéraient comme un litige avec le PAM. Ce n'en est pas un. C'est un litige constitutionnel parce que nous estimons que les premiers qui doivent respecter le droit ce sont eux qui le produisent, c'est-à-dire les parlementaires. Quand on parle du MP, c'est forcément de scission ou de préparation de scission. Pourquoi cette image ? C'est d'abord à cause d'un déficit de communication chez le MP, c'est ensuite à cause d'un excès de communication intempestive sur ce qu'est le mouvement populaire chez ses détracteurs. Pourquoi y a-t-il cette surcommunication ? Je me le demande. Car le Parti de l'Istiqlal a connu une scission l'année dernière, avec la création d'un nouveau parti. L'USFP a connu des scissions, il y n'a pas longtemps. En fait, en dehors du moment où cela s'est produit, personne n'en parle. Au MP, il suffit qu'une personne dise ou laisse entendre qu'elle va quitter le parti pour que cela fasse l'actualité pendant longtemps. Nous faisons tout pour garder la cohésion du parti, mais pas à n'importe quel prix. Il se dit que le clan Laenser a mis la main sur les instances du parti ? D'abord, je n'ai pas de clan. Si on appelle clan les anciens du Mouvement populaire, avant l'intégration, je suis prêt à démontrer, au tableau noir, que ce sont eux qui ont fait les frais de cette unification parce qu'à l'ancien Mouvement populaire, nous n'avons pas cherché à marchander cette réunification. Il n'y a absolument pas de clan. Aujourd'hui il y a un bureau politique composé de 32 membres qui prend ses décisions de façon collégiale et qui vote lorsqu'il faut voter. Je ne vois vraiment pas de clanisme.