Pour la nouvelle présidente de la communauté des DRH, son évolution de carrière est tout simplement un concours de circonstances. Retour sur la trajectoire professionnelle spontanée d'une femme qui se nourrit de persévérance. En novembre dernier, Bouchra Nhaili, directrice des ressources humaines chez Lydec, a été élue présidente de l'AGEF (Association des gestionnaires et formateurs du personnel), l'une des plus anciennes, si ce n'est la plus ancienne association professionnelle au Maroc, créée en 1971. Une première depuis plus de 40 ans après la présidence de feue Aicha Stitou Daoudi (ex-DRH de Lafarge Maroc). Pourtant, rien ne prédestinait cette native de Casablanca à occuper ce poste, ni même à faire carrière dans les ressources humaines. Après avoir sillonné le pays durant son jeune âge, elle pose ses bagages à Settat pour y suivre des études en marketing à l'Ecole nationale de commerce et de gestion (ENCG-Settat). Elle obtient son diplôme en 1999 qui sera suivi d'un master RH et d'un certificat en coaching, obtenus tous les deux durant sa carrière professionnelle. Une carrière riche et atypique comme elle décrit : «Quand je vois le parcours de mes camarades de promotion, j'étais la seule à faire carrière dans les RH. Je n'imaginais pas un jour tracer mon chemin dans ce domaine. Il est vrai qu'en découvrant la psychologie lors d'un cours de soir à l'école, j'ai apprécié l'analyse de l'humain et des relations sociales. C'était peut-être un signe pour l'avenir. Ceci dit, je n'ai jamais tracé ma carrière, ni me suis fixé des objectifs précis. J'ai simplement saisi des opportunités durant mon parcours», raconte Bouchra. De l'audit aux RH Son parcours ? Parlons-en. Celui-ci a démarré dans le secteur des transports, et plus spécifiquement dans le service client, département qu'elle finit par chapeauter. Au hasard d'une formation, elle découvre le monde des RH et plus particulièrement celui du développement des compétences, domaine dans lequel elle se spécialise pendant quelques années. Une opportunité s'est présentée à elle pour changer radicalement de domaine et occuper le poste de directrice de l'audit interne et de l'inspection générale, une offre qu'elle a acceptée afin de devenir la première femme à occuper ce poste au sein de l'entreprise. Un véritable challenge et une expérience formatrice, car cette nouvelle fonction était à la fois passionnante et délicate, d'autant plus qu'elle devait gérer une relation particulière avec les syndicats de l'entreprise. En 2017, elle revient aux RH en acceptant le poste de directrice des ressources humaines chez Lydec. Elle a ainsi pris en charge un effectif de 3.200 salariés et un budget important pour la gestion des ressources humaines. «J'ai le plaisir de gérer le capital humain de l'entreprise avec tous les sujets RH passionnants et stimulants. Nous avons des projets qui nous permettent de développer et de valoriser notre capital humain en renforçant le leadership, en anticipant les compétences, en développant l'intelligence collective, en encourageant l'engagement et le bien-être de nos collaborateurs pour la performance globale de l'entreprise», explique la DRH de Lydec. Selon elle, la gestion des ressources humaines dans un groupe de services aux citoyens est une tâche particulière. «Les principes fondamentaux de la gestion du capital humain sont les mêmes, quel que soit le domaine d'activité. Cependant, il est évident que gérer le capital humain dans un service aux citoyens donne plus de sens à la fonction RH, ainsi qu'à tous les collaborateurs de l'entreprise. Cela me procure une grande satisfaction personnelle que j'essaie de partager avec mon entourage et qui a servi de base à l'élaboration, au développement et à la mise en œuvre de la vision RH de l'entreprise». A quoi ressemble sa journée type ? Pour faire court, c'est du non-stop. Le travail commence très tôt avec une planification rigoureuse des actions à mener. Cela lui permet de traiter efficacement plusieurs sujets simultanément. Ainsi, les journées se suivent mais ne se ressemblent pas, apportant constamment du nouveau, avec de nouveaux sujets à traiter, de nouvelles personnes à rencontrer et de nouveaux challenges à relever. Face à une digitalisation croissante de sa fonction, elle accorde une importance particulière aux relations humaines. «L'humain est le seul élément qu'on ne peut pas digitaliser, bien que certaines entreprises soient dirigées par des robots ailleurs. Il y a des domaines que l'on ne peut pas confier à l'IA, notamment les entretiens annuels. Les rencontres individuelles sont des moments privilégiés pour moi et révèlent une certaine sincérité dans les relations. Il en va de même pour les entretiens de recrutement où le comportement des candidats est un élément clé de l'évaluation», explique-t-elle. Dans la vie d'un DRH, les contextes sont aussi de plus en plus incertains et évolutifs. Chaque expérience difficile était pour elle un apprentissage sur lequel elle a pu capitaliser. «C'est en fait une leçon de vie, nous grandissons dans la gestion des situations difficiles et nous avançons davantage dans les difficultés et moins dans les situations de confort». Madame la présidente En 2022, lorsqu'elle prend la présidence de l'AGEF, elle relève un nouveau défi, avec une forte volonté de faire en sorte que son mandat apporte une réelle valeur ajoutée à la fonction RH. «Avec la constitution du nouveau bureau de l'AGEF, en novembre 2022, nous avons défini notre mission consistant à développer et valoriser la fonction RH, ainsi qu'à anticiper les mutations et les tendances futures». Le mandat de la présidence étant de trois ans, elle s'engage à apporter sa touche personnelle et à fédérer la communauté RH autour de quatre valeurs fondamentales: l'excellence, l'innovation, la solidarité et la passion. Elle vise avant tout à garantir la durabilité de ses actions avec un impact pérenne, en se concentrant non seulement sur les événements phares, mais également en réalisant des études et des enquêtes à forte valeur ajoutée pour la fonction RH, dans une perspective d'avenir. Son projet phare sera sans doute la mise en place de l'AGEF Academy de formation, un projet de longue date qui est resté dans les tiroirs. «Il existe bien évidemment des formations spécialisées en RH sur la place et nous tenons pour notre part à apporter notre pierre à l'édifice en professionnalisant davantage cette fonction au sein des entreprises». Toujours est-il qu'au-delà de l'AGEF, c'est toute l'image d'une fonction qu'elle ambitionne d'améliorer, le DRH n'est pas toujours compris, ni perçu positivement. «La représentation sociétale du professionnel RH est souvent très marquée : bureaucrate, déconnecté du terrain... Les idées reçues ne manquent pas. Parfois, une décision passe mal et c'est tout votre travail qui est remis en cause», regrette-t-elle. Bien que consciente des défis et des idées reçues qui pèsent sur la fonction RH, la présidente de l'AGEF reste confiante quant à sa capacité à faire changer les mentalités et à valoriser le travail de ces professionnels. Elle espère ainsi que son mandat laissera une empreinte positive et durable sur la fonction RH.