Le ROE (retour sur fonds propres) du marché se situe à 27% contre une moyenne de 25% pour la région Mena, selon Attijari Intermédiation. Une rentabilité qui se justifie par une forte croissance des bénéfices, par un niveau élevé de distribution de dividendes et par un recours plus marqué au levier financier. La Bourse de Casablanca est-elle en crise ? Si certains professionnels sont tentés de faire le lien avec le krach vécu par la place casablancaise entre 1998 et 2000 ou avec la dégringolade des Bourses mondiales en 2008 pour expliquer la tendance actuelle des cours, d'autres écartent carrément l'hypothèse de la crise et parlent d'une simple phase de réajustement technique entre les prix du marché et les fondamentaux. C'est le cas notamment des analystes d'Attijari Intermédiation qui expliquent, dans une récente étude, que contrairement au contexte de perte de confiance des investisseurs dans les fondamentaux des entreprises dans plusieurs pays, suite à la crise économique qui y sévit, la situation au Maroc n'est que passagère, qu'elle est due au caractère cyclique des marchés boursiers, et que la rentabilité financière que dégagent les sociétés cotées au Maroc, élément qui intéresse le plus les investisseurs, est à un niveau élevé qui, de plus, est appelé à croître durant les prochaines années. En effet, la capacité d'une entreprise à réaliser des profits avec les fonds des actionnaires se mesure par la rentabilité financière, appelée aussi ROE (Return on Equity ou Retour sur fonds propres). «Ce ratio est la résultante de deux facteurs : le niveau de la rentabilité économique, d'une part, et la structure du passif, d'autre part», précise Attijari Intermédiation. Concrètrement, il s'agit du rapport entre les bénéfices dégagés et les capitaux qu'ont investi les actionnaires. Entre 1996 et 2002, dans une conjoncture nationale peu porteuse et dans un contexte boursier perturbé, la rentabilité financière des sociétés cotées marocaines ne dépassait pas les 15% et suivait une tendance baissière causée par un essoufflement de la croissance des bénéfices (-0,3% en moyenne par an). «Le ROE de la place avait atteint en 2002 8,4%, soit son plus bas niveau historique», affirment les analystes de la société de Bourse. Cela dit, depuis 2005, et grâce à des conditions économiques nationales en nette amélioration, cette rentabilité s'est fortement consolidée pour atteindre 27% en 2007 et elle devrait s'établir au même niveau en 2008. IAM est le plus gros contributeur à la rentabilité financière de la cote L'ensemble des secteurs de la cote contribuent à ce niveau de ROE. Néanmoins, «en raison de sa rentabilité financière particulièrement élevée et de son poids important dans la capitalisation, Maroc Telecom est le principal contributeur au ROE de la place», précise Attijari Intermédiation. En effet, le ROE estimé pour l'année 2008 de l'opérateur télécom s'élève à 52%. Il est suivi par celui des assurances (30%), des sociétés de distribution (29%), des matériaux de constuction (27%) et des industies agroalimentaires (25%). La rentabilité financière des banques se situerait pour sa part à 17%, devant celle des minières et des immobilières qui s'établirait à 15%. Ce niveau élevé de ROE est issu, d'une part, d'une croissance bénéficiaire élevée de 19% par an, en moyenne, entre 2005 et 2008, avec des résultats nets, passant de 16,4 milliards de DH à 27,7 milliards, selon les chiffres d'Attijari Intermédiation. D'autre part, il résulte d'une croissance moins importante des capitaux propres, qui s'établit, en moyenne, à 13,8% par an sur la même période, en raison d'un taux élevé de distribution de dividendes (76% en moyenne sur la période). «L'opération de réduction de capital de Maroc Telecom de 3,5 milliards de DH y est également pour quelque chose», souligne un analyste. Ainsi, la place casablancaise s'affiche parmi les plus rentables de la région Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Au titre de 2007, en effet, la moyenne de la région s'établit à 25%. Les sociétés marocaines font mieux de 2 points (27%) et se placent quatrièmes après l'Egypte (32%), le Koweït (30%) et l'Arabie Saoudite (29%). Elles devancent par ailleurs le Sultanat d'Oman et le Bahreïn (26%), le Qatar et les Emirats Arabes Unis (23%) et la Jordanie (14%). Outre la forte progression des bénéfices, le niveau élevé de la rentabilité financière de la place de Casablanca est dopé, il faut le noter, par un effet de levier en hausse. Les dettes financières des sociétés du Masi sont en effet passées de 9 milliards de DH en 2006 à près de 15 milliards à fin 2007, soit une progression de 65,2% qui exprime le recours de plus en plus important des sociétés cotées au levier financier. Cette situation optimise leur structure financière car, d'un côté, les taux d'intérêt sur le marché sont largement inférieurs à leur rentabilité économique, et de l'autre, la proportion des dettes dans leurs passifs est passée de 4% en 2005 à 20% fin 2007. Qu'en est-il enfin de la durabilité de cette rentabilité financière ? Les sociétés marocaines privilégient-elles la rémunération à court terme des actionnaires plutôt que l'investissement et la création de valeur à long terme ? Il faut savoir que malgré un taux de distribution élevé, les principales sociétés de la cote sont engagées dans d'importants plans d'investissement qui devraient maintenir leur rentabilité à des niveaux élevés (le ROE du marché estimé pour l'année 2009 est de 28,8%). Pour ne citer que quelques exemples, la Samir est lancée dans son projet de modernisation qui porte sur plus de 9 milliards de DH, les cimenteries dans l'augmentation de leurs capacités de production pour 10,5 milliards, l'Ona dans le démarrage de sa filiale télécoms Wana pour plus de 6 milliards et Maroc Telecom dans l'extension de ses réseaux pour près de 6 milliards.