La nomination de Larbi Belkheir fait des vagues en Algérie. Selon la presse algérienne, il aurait refusé le poste dans un premier temps. La désignation d'un des hommes forts du régime marque-t-elle une volonté algérienne de résoudre le conflit du Sahara ? Dès le mois prochain, Rabat verra un ancien général succéder à Boualem Bessaieh en tant qu'ambassadeur «extraordinaire et plénipotentiaire» de l'Algérie. La nomination du directeur de cabinet de Abdelaziz Bouteflika à Rabat a été bien accueillie par le Maroc qui voit en lui un interlocuteur relativement plus ouvert au dialogue. Côté algérien cependant, le changement n'a pas manqué de susciter des interrogations : Le Quotidien d'Oran avait, le 10 août, donné l'information. Quelques jours plus tard, Al Akhbar en même temps qu'il donnait la nouvelle, annonçait que le général major à la retraite avait initialement refusé le poste ; et ce dernier de répliquer via un article du journal français Le Monde, daté du 25 août : «La réalité est que Rabat est un poste sensible et qu'on en a conscience de part et d'autre. Ma priorité sera d'établir des relations de confiance avec le Maroc, et surtout une véritable communication entre les deux pays. Cela fait trop longtemps que nos relations passent par des hauts et des bas. Or, le Maroc est notre voisin et le restera. Nous sommes condamnés à nous entendre». «Le grand chambellan» Pendant toute la période où il a occupé le poste de directeur de cabinet du président algérien, Belkheir s'est essentiellement consacré à suivre les affaires diplomatiques et politiques. L'évolution récente de l'affaire du Sahara – sa spécialité dès l'époque du président Chadli – justifie sa nomination. Tout cela n'a rien de bien surprenant : il semble bien que c'est le profil même de Belkheir qui a suscité la réaction des médias. A 67 ans, Belkheir est considéré dans son pays comme un «faiseur de rois», le dernier n'étant ni plus ni moins que le président Bouteflika lui-même. Intimement lié aux arcanes du pouvoir algérien dès les années 70, Larbi Belkheir a entamé sa carrière militaire dès 1960, devenant capitaine deux ans plus tard puis chef d'état-major en 1965. Nommé commandant de l'ENITA (Ecole nationale d'ingénieurs et de techniciens aujourd'hui devenue l'Ecole militaire polytechnique) en 1975, il accède au poste de conseiller du président Chadli Benjedid – dont il a même été le chef de cabinet – en 1979. En coulisses, affirme la presse algérienne, il se murmure qu'il a été à l'origine de la nomination du président algérien. En 1985, il sera nommé secrétaire général de la présidence sous Liamine Zeroual avant d'entrer au ministère de l'Intérieur, en 1991, l'année qui le verra intégrer les rangs des «janviéristes», ceux qui ont décidé l'annulation des élections alors que ces dernières menaçaient d'être remportées par le FIS, mais on le comptera aussi parmi ceux qui négocieront avec les rebelles islamistes ensuite. Il réapparaîtra en 1998, après un court retrait de la politique, alors que Bouteflika arrive au pouvoir. Exil déguisé ou espoir de paix ? Aujourd'hui, cependant, le départ de Belkheir du Palais de Mouradia (siège de la présidence algérienne) pourrait être justifié, selon la presse locale, par des désaccords entre les deux hommes. Bouteflika, réélu, chercherait à s'éloigner des généraux qui l'avaient originalement porté au pouvoir. Il serait même en train de chercher à briguer un troisième mandat en 2009. Larbi Belkheir ne serait d'ailleurs pas le seul dans son cas puisque, depuis le départ à la retraite du général-major Mohamed Touati, ancien conseiller militaire du président, plusieurs militaires hauts placés ont été nommés à l'étranger ou sont sur le point de l'être. Vers une nouvelle déception pour le Maroc ? La nomination de Belkheir est-elle alors un faux signe de bonne volonté ? La question du Sahara restera «du ressort des Nations Unies, pas du nôtre», avait déclaré Belkheir au Monde. Cette déclaration là, on l'attendait déjà, ne fait que répéter la position officielle de l'Algérie, contredite de facto par les Etats-Unis lorsque ces derniers ont envoyé des messages aux leaders algériens et marocains, leur enjoignant de faire un effort pour la paix, peu après la libération des derniers soldats marocains emprisonnés à Tindouf. Peu importe, même du côté algérien, on commence à croire à une résolution du conflit : «C'est bien la première fois dans l'histoire des relations entre l'Algérie et le Maroc qu'un décideur algérien se retrouve en poste à Rabat. On peut supposer raisonnablement que Larbi Belkheir ne se contentera pas de la routine des diplomates en poste», commente Le Quotidien d'Oran dans son édition du 25 août. Mais tout le monde n'est pas d'accord : «Belkheir sait très bien qu'il ne pourra rien faire pour rapprocher Rabat et Alger car Bouteflika ne cédera rien sur le Sahara occidental, soucieux de garder cette carte de négociation avec les Etats-Unis et la France», écrit le quotidien français Libération, en citant ce que le journal appelle «un connaisseur du dossier». A défaut de pouvoir interpréter les intentions véritables de Belkheir ou de Bouteflika, on ne peut s'empêcher de penser que le pouvoir du premier reste suffisamment conséquent en Algérie pour qu'il puisse avoir un impact sur l'évolution du conflit. L'espoir persiste donc, même s'il reste bien faible après des décennies de déceptions pour le Maroc. La nomination de Larbi Belkheir à l'ambassade de Rabat est-elle un signal de la volonté algérienne de renouer le dialogue ?