Droits de l'Homme, justice, recomposition du champ politique, administration, identité culturelle et diplomatie, ces chantiers marqueront l'année en cours. Revue de ceux qui les porteront à bout de bras. Mohamed Elyazghi Premier secrétaire de l'USFP Le successeur de Abderrahmane Youssoufi à la tête de l'USFP fera beaucoup parler de lui. Et pour cause, il devra conduire son parti à son VIIe congrès national, prévu au cours de cette année. Pour asseoir sa légitimité de Premier secrétaire de l'USFP, Mohamed Elyazghi fait preuve d'ouverture tous azimuts : envers les partisans proches de Abderrahmane Youssoufi, en direction de ses anciens camarades du PADS, du PCNI et de Fidélité à la démocratie, vis-à-vis des autres partis de gauche et, bien sûr, à l'endroit du Parti de l'Istiqlal. Sans oublier des déclarations apaisantes en faveur des islamistes. L'ambition de M. Elyazghi est de faire renaître la Koutla démocratique (USFP, PI, PPS et OADP) de ses cendres et de l'élargir à d'autres forces démocratiques et de gauche, comme la GSU (héritière de l'OADP), le PSD et peut-être même d'autres partis. Des réunions bilatérales entre l'USFP, le PI, le PPS et la GSU se sont multipliées ces dernières semaines et vont s'intensifier encore. Le rêve de Mohamed Elyazghi est de faire de l'USFP la grande maison du socialisme marocain. Y arrivera-t-il ? Driss Benzekri Président de la commission Equité et réconciliation Secrétaire général du CCDH (Conseil consultatif des droits de l'Homme), Driss Benzekri, le président de la commission Equité et réconciliation, sera un homme exposé cette année. Il aura la lourde charge de clore le dossier de la réparation, de l'indemnisation et de la réhabilitation des victimes des graves violations des droits de l'Homme. Le texte créant cette commission ad hoc limite sa durée de vie à neuf mois, prorogeables de trois mois. Son travail consistera à traiter le reliquat des demandes d'indemnisation arrivées hors délai à l'ancienne commission chargée de ce dossier. Un reliquat estimé à près de 12 000 dossiers ! Par ailleurs, elle traitera également les dossiers d'éventuels rattrapages. Notamment la question des morts et disparus pour lesquels les ayants droit demandent un deuil en bonne et due forme et une indemnisation. Un premier pas a été accompli, mercredi 7 janvier. Le Souverain a procédé à l'installation de la commission. Ahmed Boukous Recteur de l'IRCAM Ahmed Boukous est à la tête de l'IRCAM (Institut royal de la culture amazighe) depuis décembre dernier et imprimera son empreinte à l'institut au cours de cette année. L'année scolaire 2003-2004 restera dans l'histoire du Maroc comme celle qui a connu l'introduction de l'enseignement de la langue amazighe dans le système scolaire national. Une introduction lancée dans 317 écoles, avant d'être progressivement généralisée à l'horizon 2010. Le manuel d'enseignement et d'apprentissage de la lecture et de l'écriture de cette langue vient d'être finalisé par l'IRCAM. Par ailleurs, on sait que l'IRCAM a opté pour la graphie tifinagh (modernisée), alphabet originel de la langue amazighe, vieux de plus de 3000 ans. Et s'il y a un projet qui tient particulièrement à cœur à M. Boukous, c'est la validation de cette graphie par l'organisation internationale ISO-Unicode, chargée de la standardisation de toutes les graphies à travers le monde. Ce qui ouvrira la voie à l'informatisation de l'alphabet amazigh (une police de caractères Tifinagh IRCAM a déjà été élaborée par l'institut), et à son adoption universelle. Saâddine Elotmani Secrétaire général adjoint du PJD Depuis les attentats du 16 mai, le PJD est dans l'œil du cyclone. Il est sommé de se normaliser, de remettre en cause la centralité de la religion dans son programme, son discours et sa presse. Une normalisation douloureuse. Une mise au pas politique qui a permis d'écarter certains de ses dirigeants les plus en vue qui avaient franchi les lignes rouges : Ahmed Raissouni et Mostafa Ramid. Le PJD, sous la conduite de Abdelkrim Khatib et surtout de Saâddine Elotmani, est engagé dans un processus de transformation politique. Mais on ne sait sur quoi celui-ci débouchera : un PJD à la turque ou un islamisme un peu délavé et plus soft. La lourde insistance sur le voile (hijab) et son combat contre son interdiction… en France laisse pantois. Alors qu'il y a tant à faire à domicile… Une fuite en avant ? Peut-être. En tout cas, le PJD a décidé de tenir son Ve congrès national les 9, 10 et 11 avril 2004 à Rabat. La phase de préparation de ce congrès et ses résultats donneront des éléments précis sur l'évolution future de ce parti. Mohand Laenser Secrétaire général du Mouvement Populaire Avec la signature de la charte de la Maâmora, en juin 2003 et la naissance de la Mouvance populaire unifiée, en décembre dernier, il semble bien qu'une force politique, avec laquelle il faudra compter, s'imposera en 2004. Si ce tournant vers la réunification du MP, du MNP et de l'UD a été possible, c'est grâce à la modération de la locomotive de la mouvance, le Mouvement populaire de Mohand Laenser. Ceux qui s'attendaient à une fusion des trois formations en un seul parti en sont pour leurs frais. Il ne s'agit pour le moment que d'une structure de coordination aussi bien au niveau national, que régional et local. Chacun des trois partis garde son autonomie et ses structures propres. Ce qui fait plus penser à une nouvelle formule de Wifak ou de Koutla, c'est-à-dire à un cartel électoral, qu'à l'ébauche d'une structure unifiée. Cette initiative des trois partis du pôle haraki a poussé ses dirigeants à demander plus de postes ministériels, voire la primature. Et sur ce registre, Mohand Laenser est le mieux positionné. Najib Zerouali Ministre de la Modernisation des secteurs publics Le ministre de la Modernisation des secteurs publics, Najib Zerouali, sera parmi les plus attendus en 2004 avec, notamment, deux projets de loi, celui du statut de la fonction publique et celui de la lutte contre la corruption. Le premier chantier est apparemment le plus avancé et devrait pouvoir être soumis aux parlementaires lors de la session de printemps. Faire passer cette loi ne sera pas chose aisée pour Najib Zerouali qui s'attaque, en connaissance de cause, à un véritable serpent de mer, surtout dans la partie réservée à l'unification des grilles de salaires et à la suppression de près des 70 statuts de la fonction publique. Pour son second projet-phare, les choses sont également compliquées surtout que le texte est élaboré avec la collaboration du ministère de la Justice et qu'il doit prendre en compte la suppression de la Cour spéciale de justice. Najib Zerouali a promis de faire aboutir ses projets en 2004, mais il faudra compter avec les résistances… Mohamed Sajid Maire de Casablanca A ceux qui l'accusent de brader les principaux services publics de la plus grande ville du pays, le nouveau maire de Casablanca, Mohamed Sajid, répond que sa préoccupation majeure est l'amélioration de la qualité de vie des Casablancais. Cela passe essentiellement par l'application du régime de la gestion déléguée à la collecte et au transport des déchets solides, au transport urbain, à l'éclairage public et aux parcs de jeux et de loisirs. La session du mois d'octobre du Conseil de la ville de Casablanca a validé le principe de la gestion déléguée dans ces domaines. En ce qui concerne la propreté, dans un premier temps, seuls la collecte et le transport des déchets seront donnés en gestion déléguée, le traitement continuera à être géré par le Conseil de la ville. L'éclairage public, qui coûtait la bagatelle de 100 millions de dirhams en consommation, 30 millions de dirhams en maintenance et entretien et enregistrait un taux de panne de près de 70%, sera donné en gestion déléguée à la Lydec. Pour ce qui est du transport urbain, la RATC (Régie autonome du transport de Casablanca) sera d'abord redressée et assainie avant que la gestion en soit confiée au privé. Deux chiffres résument à eux seuls le gouffre financier que cette entreprise représente : elle souffre d'un déficit de 1 milliard de dirhams et coûte annuellement 9 millions de dirhams aux Casablancais. M. Sajid devra prendre les décisions qui s'imposent. Fera-t-il les bons choix ? Mohamed Bouzoubaâ Ministre de la Justice Année également difficile en vue pour Mohamed Bouzoubaâ. Il devra d'abord mener à bien la réforme de la justice, notamment le chantier de la moralisation de la maison justice. Il aura aussi la responsabilité de la modernisation des tribunaux en les dotant des outils informatiques nécessaires. Ensuite, avec l'adoption du nouveau Code de la famille, il devra s'appliquer à doter les 70 tribunaux de première instance du Royaume d'une juridiction de la famille (il en existe 13 aujourd'hui), de préciser les procédures applicables devant ces tribunaux. Deux événements le mettront incontestablement au devant de la scène en 2004. D'une part, la suppression maintes fois annoncée de la Cour spéciale de justice (CSJ)et désormais acquise, dont le caractère de juridiction d'exception a été unanimement dénoncé. Le conseil de gouvernement du mardi 6 janvier 2004 a adopté un projet de loi dans ce sens. D'autre part, le conflit qui l'oppose aux juges qui demandent plus d'indépendance devra forcément trouver une issue. Sur tous les fronts, Mohamed Bouzoubaâ doit agir avec prudence tant les dossiers sont délicats. Nabil Benabdellah Ministre de la Communication Nabil Benabdellah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, sera sous les feux des projecteurs en 2004. L'année qu'on vient d'accueillir verra l'installation de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), le changement de statut de la RTM, la libéralisation du secteur de l'audiovisuel, la conclusion du contrat-programme avec la presse écrite et la naissance d'un organisme marocain de contrôle de la diffusion des journaux. M. Benabdellah exerce une autre fonction officielle, celle de porte-parole du gouvernement, pour laquelle il monte fréquemment au créneau et passe à la radio et à la télévision. Cette médiatisation poussée l'a conduit parfois à certaines déclarations à l'emporte-pièce provoquant des levées de boucliers. Il a suffi d'à peine un an pour que Nabil Benabdellah devienne le mal-aimé du gouvernement et celui qui prend les coups à la place de tous les autres. Or, l'année qui a commencé s'avère riche en chantiers… Taïeb El Fassi-Fihri Ministre délégué aux Affaires étrangères Taïeb El Fassi Fihri est l'homme-orchestre de l'équipe de négociateurs marocains pour la conclusion d'un accord de libre-échange (ALE) avec les Etats-Unis. Un accord qui devra impérativement être conclu avant la fin du mois de janvier 2004. Pour éviter toute cacophonie dans la gestion de ce dossier sensible, M. El Fassi Fihri avait été désigné comme l'interlocuteur unique de la partie américaine dans ces négociations. L'autre grand dossier supervisé par le ministre délégué aux Affaires étrangères est celui de la mise sur pied d'une véritable diplomatie économique marocaine. On sait, depuis quelques années déjà, que l'ère de la diplomatie politique est révolue. Aujourd'hui, un diplomate est d'abord un agent de promotion des investissements. C'est dans cet esprit qu'on a cherché à doter toutes les ambassades marocaines d'attachés économiques formés à cet effet, actifs sur le terrain et ayant le sens de l'initiative. Enfin, avec son ministre de tutelle, M. El Fassi Fihri aura sur sa table le dossier du Sahara. En effet, le Maroc devra, à la fin de ce mois-ci, répondre aux propositions contenues dans le Plan Baker II et/ou proposer une solution alternative. Un événement très attendu. Hamidou Laânigri, Directeur général de la DGSN Quelques mois après son arrivée à la tête de la DGSN (Direction générale de la sûreté nationale), Hamidou Laânigri n'a pas tardé à lancer les premiers signaux à travers la nomination de nouveaux responsables. Des sources à la DGSN révèlent que le nouveau patron a en fait commencé la mise en œuvre d'une stratégie longuement réfléchie. Premier objectif : une police opérationnelle et efficace. Hamidou Laânigri compte également revoir la cartographie et le découpage des zones de manière à mieux quadriller le terrain. Il s'agit en d'autres termes d'assurer une plus grande proximité. Il vient de commencer par Casablanca. Mais ce n'est pas tout, car le nouveau patron de la police entend faire de la lutte contre la corruption son autre cheval de bataille. Sur le plan interne, Hamidou Laânigri est très attendu car, au moment de sa nomination, S. M. le Roi avait insisté sur l'amélioration des conditions de travail et le volet social. En 2004, il devrait donc donner le ton. Du moins c'est ce qu'espèrent ses troupes qui ne demandent pas plus que d'être «motivées et estimées à leur juste valeur au regard de leur mission», comme l'explique un haut cadre à la DGSN.