D'origine anglo-saxonne et née dans les années 40, la méthode n'a pris son essor dans les entreprises que depuis le milieu des années 90. Son coût élevé et ses effets secondaires font que l'outil doit être utilisé avec précaution. Pour qu'elle soit efficace, il est utile de l'associer à des entretiens directs. «Vous avez deux heures pour faire un bilan de la situation commerciale de nos ventes en régions, voir ce qu'on peut développer comme produits et vous devez établir une stratégie pour chaque région». Karim Ramzi, jeune lauréat d'une école de commerce, est loin de se douter qu'il s'agit d'un simple test psychotechnique. «C'est sur un véritable cas d'entreprise que j'ai été testé. Nous étions une équipe de quatre personnes dont chacune devait développer sa stratégie à part et la confronter à celle des autres. Même si cela a été amusant, nous avons réellement appris ce qu'est la stratégie d'entreprise», affirme-t-il. Il vient de passer ce qu'on appelle, en langue technique, un «assessment center». En français, on appelle cela une mise en situation ou un centre d'évaluation. D'origine anglo-saxonne et née dans les années 40, la méthode a été utilisée à l'origine pour évaluer le comportement des candidats espions aux Etats-Unis. Elle ne prendra son essor dans les entreprises qu'à partir du milieu des années 90. Déjà, en 1993, L'Oréal, leader mondial des cosmétiques, a su innover pour attirer les meilleurs talents en lançant le «L'Oréal Brandstorm», jeu d'entreprise consacré au marketing. L'objectif était de gérer une marque, en partant de l'élaboration de la stratégie générale et jusqu'à la conception du produit, de son packaging et de sa promotion. Quelques années plus tard, la multinationale lance le «e-Strat Challenge», une nouvelle compétition internationale dédiée à la gestion stratégique d'une entreprise virtuelle. Depuis le démarrage de cette compétition en l'an 2000, ce sont quelque 17 000 candidats qui y participent chaque année. Le groupe en recrute un millier. Le principe de l'assessment center est simple : mettre les candidats en situation et observer leur comportement grâce à des tests et des jeux de rôle. «Nous pouvons ensuite déterminer si leur profil correspond à nos attentes. Nous essayons d'analyser leurs compétences comme le leadership, le relationnel, la capacité d'analyse…», explique Abdelkrim Sekkak, DRH de la société Shell du Maroc, société qui en organise régulièrement pour ses recrutements ou pour pourvoir un poste en interne. Tout d'abord, l'entreprise doit impérativement définir ses besoins en termes de compétences. «Pour cela, il faut bien cerner le poste mais aussi l'environnement et la culture d'entreprise», continue la même source. Ainsi, chez Shell Maroc, par exemple, les qualités recherchées sont avant tout la capacité d'analyse, le relationnel et les réalisations. Chacun de ces critères sera minutieusement observé par les évaluateurs. Pourtant, de tels exercices ne sont pas simples. «Il ne suffit pas d'être au top dans son domaine ou d'avoir de l'expérience pour pouvoir réussir ces exercices. L'important est de savoir si le candidat parvient à se faire accepter dans un groupe et à imposer ses idées s'il ne fait, tout simplement, qu'adhérer aux idées des autres. C'est exactement le problème central lors des exercices de groupe. Les assesseurs veulent savoir quel rôle les candidats adoptent quand ils travaillent avec d'autres et de quelle façon ils se comportent», précise le DRH de Shell Maroc. Une technique aussi utilisée pour l'accompagnement des changements stratégiques Il faut souligner également que la démarche a été au départ considérée comme l'apanage du top management. «Les premiers assessment centers coûtaient une fortune, alors qu'aujourd'hui le coût d'une telle prestation a considérablement diminué», explique un spécialiste des ressources humaines. Désormais, elle tend à s'élargir à bon nombre de collaborateurs, quelle que soit leur position hiérarchique… De même, si à l'origine ce dispositif a longtemps été utilisé uniquement pour le recrutement et la détection des hauts potentiels ou des jeunes diplômés, il semble aujourd'hui s'étendre à de nombreux actes de gestion des ressources humaines. Comme l'explique Salim Ennaji, DRH de Veolia Environnement Maroc, «l'intérêt d'une telle démarche doit être justifié. On doit y recourir pour des postes importants qui touchent les cœurs de métier de l'entreprise et non pas se limiter à des postes d'encadrement». C'est pourquoi une telle démarche doit répondre à différents objectifs. Si, pour beaucoup, la mise en situation est utilisée essentiellement pour le recrutement, elle peut également y recourir pour la gestion de carrière (mobilité interne, développement des compétences, définition d'un parcours professionnel…) ou pour accompagner des changements stratégiques de l'entreprise (changements techniques, organisationnels, sociaux…). Toutefois, si l'outil séduit de plus en plus et permet une fiabilité du recrutement, il présente cependant certaines limites. Parfois, il est nécessaire de le coupler à d'autres méthodes (l'entretien, par exemple) selon les spécialistes. Pour Nawal Jai, consultante senior à LMS ORH, «les motivations ou l'ambition, par exemple, peuvent difficilement être décelées à travers un assessment». Il faut préciser par ailleurs que ces différentes méthodes sont la plupart du temps le fait des grandes entreprises. Coûteuses en temps comme en argent, elles ne deviennent rentables que pour un volume de recrutements conséquent. «Passer par un assessment center est une démarche trop lourde pour le recrutement de quelques personnes», note le DRH de Shell Maroc. Comme dans tout système d'évaluation, la part de subjectivité est toujours présente. La multiplicité des assesseurs peut parfois compliquer les décisions lorsque chacun essaie de défendre son poulain. Toujours est-il qu'aujourd'hui un recrutement coûte cher. Un recrutement raté coûte encore plus cher. A terme, la pratique de l'outil permettra de mieux l'appréhender et le maîtriser.