Les prix du mètre carré bâti ont augmenté en moyenne de 50% au cours des deux dernières années. En cause, la hausse de la demande suite à l'accès plus facile au financement, l'amélioration de la qualité du bâti et la rareté du foncier. Les professionnels prévoient une stagnation des prix dans les deux prochaines années et refusent de parler de bulle. Ceux qui cherchent un logement ces derniers mois se seront certainement rendu compte de la difficulté de la tâche. Dans la quasi-totalité des grandes villes du Maroc, les prix du mètre carré construit ont flambé, et ce quel que soit le standing. Les professionnels estiment l'augmentation à 50% sur les deux dernières années. A Casablanca, par exemple, l'offre d'appartements neufs va de 10 000 à 15 000 DH le mètre carré couvert. A Rabat, l'offre est tellement réduite que les prix ne cessent de grimper, au fil des mois. «Les deux villes sont pénalisées par le manque de terrains. A Casablanca, les promoteurs attendent toujours les plans d'aménagement. A Rabat, la ceinture verte a freiné le développement urbanistique», souligne un cadre du département de l'urbanisme. En revanche, «à Tanger, on n'arrête pas de construire». Ces propos, tenus par un promoteur du Nord, illustrent l'ampleur des chantiers d'habitat ouverts dans la ville du Détroit pour accompagner le développement socio-économique dans la perspective de l'ouverture du port Tanger-Med. Actuellement, la cadence de production de logements dans la ville du Détroit se situe entre 6 000 et 8 000 unités par an. Les besoins se chiffrent eux à près de 9 000 unités de logements par an sur les dix prochaines années. Les grands groupes immobiliers nationaux l'ont d'ailleurs compris et ont pratiquement tous lancé des opérations dans la région. Pour sa part, Marrakech a été la première ville à connaître ce mouvement de hausse des prix, et ce, en raison de son positionnement touristique. «Mais pour Marrakech, les analystes et les professionnels prévoient un tassement pour les années à venir», souligne cet agent immobilier de la ville qui étaye ses propos par deux raisons. La première se rapporte à la nouvelle offre immobilière à Tamansourt et la seconde à la montée en flèche de Fès en matière d'offres en riads. A Agadir, la hausse est expliquée par l'attrait touristique de la ville, essentiellement auprès des retraités européens. La multiplication des dessertes aériennes proposées par des compagnies low-cost, reliant la capitale du Souss à de nombreuses villes européennes, a encouragé cette tendance. Les professionnels expliquent la flambée par une correction du marché suite à une dizaine d'années de stagnation La tendance à la hausse est donc quasi globale à tel point qu'elle commence à susciter quelques inquiétudes, certains observateurs craignant un retour de manivelle. Mais peut-on pour autant parler de bulle immobilière ? La question a été posée à des banquiers, agents et promoteurs immobiliers. Ils ont été unanimes à répondre par la négative. «Ce mouvement de croissance que connaît le secteur du bâtiment ces dernières années a entraîné une hausse des prix qui, à mon sens, ne représente qu'une correction du marché», souligne un responsable d'une grande banque de la place. Et d'ajouter : «Si l'on fait une petite comparaison, par exemple, entre le marché national et celui américain, qui connaît régulièrement des crises, on constatera que le seul élément qui fait la différence est la composition démographique de la société. Au moment où la demande stagne aux Etats-Unis, elle ne fait que se développer au Maroc en raison d'une structure démographique jeune ». «Les prix étaient stationnaires pendant plus de dix ans. La hausse des prix n'est pas synonyme d'une bulle immobilière, au contraire, elle traduit l'évolution normale d'un marché où la demande dépasse de loin l'offre existante», explique pour sa part Saïd Sekkat, secrétaire général de la Fédération nationale de la promotion immobilière (FNPI). William Simoncelli, directeur général de Carré Immobilier Maroc, abonde dans le même sens, estimant que «pendant longtemps les prix sont restés trop bas». Pour ce conseiller en investissements immobiliers, il n'est donc pas opportun de parler de bulle dans le contexte actuel. Mais il insiste, en revanche, sur l'impact que cette hausse a eu sur le moyen standing. «Ce qui se vendait à 5 000 DH, il y a une année, se vend à 8 000 DH actuellement. Ceci n'a pas handicapé la vente de ces logements mais a poussé les classes moyennes à s'endetter davantage», explique-t-il. Une régulation est nécessaire pour atténuer les risques de spéculation massive Cette analyse n'est pas totalement partagée. «L'accès au financement de la propriété immobilière a été facilité pour un plus grand nombre de citoyens et la baisse des taux d'intérêt y était pour beaucoup. C'est pour cette raison qu'il faudrait faire attention à cette évolution pour les années à venir. C'est à mon sens le seul danger qui puisse guetter le secteur sur le plan financier», commente un banquier. Mais les promoteurs immobiliers, eux, ont d'autres préoccupations. «L'un de nos soucis principaux au sein de la FNPI est de pérenniser la bonne santé du secteur. Cela ne pourrait se faire qu'à travers la prise de plusieurs mesures», souligne le secrétaire général de la FNPI. En premier lieu, il cite le maintien des incitations fiscales pour le logement social. Ensuite, il insiste sur la nécessité d'une politique d'ouverture de l'assiette foncière pour remédier à la rareté du terrain. Mais qu'en est-il des marges bénéficiaires des promoteurs, souvent pointés du doigt ? «On parle de marges avoisinant les 30 %. Cela paraît beaucoup dans l'absolu, mais il ne faut oublier qu'un projet immobilier s'étale sur deux années au minimum», explique Saïd Sekkat, également DG du groupe immobilier Al Mawlid. «En France, les marges sont en moyenne de 3%, mais le retour sur fonds propres est important. Les projets sont en majorité financés par le biais des crédits acquéreurs. Au Maroc, le promoteur finance la totalité de son projet en fonds propres». D'ailleurs, les professionnels, agents immobiliers, conseillers à l'investissement, banquiers et promoteurs s'attendent à une stagnation des prix pour les deux ou trois prochaines années. «Il n'y a pas de risque de chute brutale pour les prochaines années. Mais il faudrait tout de même rester vigilant», souligne ce banquier. Voilà qui rassurera peut-être les acheteurs potentiels. Mais encore faut-il que les spéculateurs ne s'en mêlent pas car c'est là, et à l'unanimité, le seul risque qui peut embraser davantage les prix notamment ceux du foncier. Baromètre Casablanca Jusqu'à 15 000 DH le m2 construit Entre 10 000 DH et 15 000 DH le mètre carré bâti à Casablanca. C'est la fourchette des prix actuellement appliqués par les promoteurs immobiliers pour des appartements neufs. A Racine, Gauthier et Anfa, le prix moyen est de 15 000 DH. Au Mâarif, au Quartier des Hôpitaux et Palmiers, il varie entre 12 000 DH et 15 000 DH le m2. A Mers-Sultan, le mètre carré, vendu il y a quelques mois à près de 6 000 DH, atteint des pics de 8 000 à 9 000 DH. Et au fur et à mesure que l'on se dirige vers la périphérie, les prix baissent. A Oulfa, la moyenne est de 5 000 DH/m2 contre 3 500 DH l'année dernière. RABAT 16 000 DH le m2 à Hay Riad A Rabat, même quand on dispose d'un budget important, on a du mal à trouver un logement. L'offre est tellement réduite et la demande d'autant plus forte que les prix atteignent les sommets : 14 000 DH/m2 dans le Haut-Agdal ou le Haut-Hassan, entre 12 000 et 16 000 DH à Hay Ryad, entre 10 000 et 12 000 au Bas-Agdal, 7 000 DH à Hassan et Diour Jamaâ et autant pratiquement à l'Océan, quartier pourtant typique de la classe moyenne. Cette hausse frénétique a même gagné les villes voisines comme Salé et Témara. Les prix du moyen standing à Tabriket, par exemple, sont de 7 000 DH/m2 alors que Témara s'est quasiment alignée sur Rabat avec des appartements de moyen standing vendus à 9 000 DH le m2 à Hay Wifak ! Du jamais vu. TANGER Le front de mer devient cher A Tanger, ce sont les logements sociaux et moyen standing qui ont la cote. Sur les nouvelles zones urbaines (route de Tétouan ou de Rabat), ce sont surtout des complexes sociaux à 200 000 DH le logement avec une avance allant de 30 000 à 50 000 DH qui sont les plus prisés. Un opérateur espagnol offre même des logements avec une avance de 10 000 DH seulement. Au centre-ville, les prix se situent entre 5 000 DH et 8 000 DH le m2. Sur le front de mer, le prix a atteint 10 000 DH. MARRAKECH 4 MDH minimum pour une villa Le mètre carré en habitat social coûte entre 2 500 DH et 3 000 DH. Le moyen standing est pour sa part cédé entre 5 500 DH et 7 500 DH le mètre carré alors que le haut standing dépasse les 10 000 DH. Les villas construites dans la périphérie de la ville, en pleine palmeraie, demeurent, à côté des riads de la vieille médina, les produits les plus prisés. Pour les villas, il faut compter un budget de 4 MDH. AGADIR 16 000 DH le m2 dans la marina 16 000 DH/m2 à la Marina, entre 10 000DH et 14 000 DH à Sonaba et pas moins de 10 000 DH au centre-ville : Agadir a connu une hausse spectaculaire des prix de l'immobilier. Dans des quartiers comme Hay Dakhla, les appartements nouvellement construits se vendent autour de 8 000 DH le m2. A Al Houda, le nouveau produit est vendu sur plan entre 7 500 DH et 8 000 DH.