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La Syrie : Les Véritables Enjeux
Publié dans Lakome le 25 - 08 - 2011

Depuis des années, le peuple syrien vit sous la férule implacable du parti Baath qui a mis en place un régime totalitaire basé sur une politique sécuritaire tous azimuts, un régime donc qui n'accepte aucune contestation, aucune opposition, un régime dominé par le clan alaouite d'où sont issus les Assad.
C'est dire combien est légitime l'intifada du peuple syrien. C'est dire combien sont justes ses revendications.
C'est dire combien sont justifiées ses aspirations à la justice, à la démocratie, à la liberté, à la dignité.
C'est dire aussi combien est condamnable, et avec la plus grande vigueur, la répression féroce menée par le pouvoir qui n'a pas cessé de commettre des erreurs dont, aujourd'hui, en convient le président Bachar Al Assad lui même.
Soutenir les revendications de ce peuple est un devoir pour tout démocrate, pour toute être épris de liberté, de dignité et respectueux des droits humains.
Ceci étant, il convient aussi de ne pas se laisser aveugler par les larmes de crocodiles que ne cessent de verser les USA et l'Europe qui se présentent comme les défenseurs patentés du peuple syrien et de ses revendications.
Il serait naïf de croire qu'américains et européens sont intéressés par l'instauration d'une réelle démocratie dans ce pays.
Il y a bien longtemps qu'ils se sont fixés pour objectif de se débarrasser du régime syrien. Non qu'ils le trouvaient dictatorial, mais uniquement parce qu'il était l'allié de l'Iran, du Hizbollah, de Hamas, du Jihad Islamique et parce qu'il refusait toute paix injuste avec l'Etat sioniste.
En 2003 déjà, Colin Powell, secrétaire d'Etat américain, posait comme conditions à toute véritable normalisation des relations syro américaines, la fin de l'alliance de Damas avec Téhéran, la fin du soutien au mouvements palestiniens de résistance et la conclusion d'une paix avec Tel Aviv aux conditions israéliennes.
Aujourd'hui Washington réitère ces mêmes conditions et n'hésite pas à le proclamer haut et fort.
C'est ainsi que le 24 avril, c'est-à-dire 40 jours après les premières manifestations, la secrétaire adjointe américaine à la défense Michele Fournay affirmait : « La solution à la crise en Syrie passe par la rupture de son alliance avec l'Iran, le Hezbollah et le Hamas, et son ralliement au bloc stratégique des pays du Golfe afin de faciliter le relancement du processus de paix avec Israël. C'est ainsi que se calmeront la crise et la violence en Syrie ».
Et pour réaliser ces objectifs, les USA ont mis en place une stratégie dont le but est d'affaiblir la Syrie en la noyant dans des problèmes internes et des luttes interconfessionnelles. Bien entendu pour mener à bien cette stratégie, nécessaire sera la participation de complices arabes, à savoir les pays du golfe, Arabie Saoudite en tête, connus pour « leur grand attachement » à la démocratie, et de la Turquie, sans oublier l'ancien premier ministre libanais Saad el Hariri.
C'est ainsi que dans une câble de wikileaks, ce dernier déclare : « Il faut en finir définitivement avec le régime syrien ». Et pour ce, il propose un partenariat entre les frères musulmans et d'anciens responsables du régime, ajoutant que la branche syrienne de la confrérie « Ressemble dans ses caractéristiques aux musulmans modérés de Turquie. Ils acceptent un gouvernement civil et ils appuient même la paix avec Israël ». Saad Hariri informe ses interlocuteurs américains qu'il maintient une relation solide avec le guide spirituel des frères musulmans en Syrie (aujourd'hui remplacé) Ali Al-Bayanouni, insistant pour qu'ils « Discutent avec Bayanouni. Observez son comportement et vous verrez des miracles » précise t-il.
Les USA ne se limitèrent pas aux paroles. Ils y joignirent les actes.
Preuve en est que d'autres câbles diffusés, toujours par wikileaks, montrent que le département d'Etat a secrètement financé des groupes syriens d'opposition.
Selon ces notes, publiées le 18 avril dernier par le Washington Post, Washington aurait fourni près de 6 millions de dollars depuis 2006 aux groupes d'exilés syriens pour qu'il gère une chaîne de télévision, « Barada TV ».
Cette TV a commencé à émettre en avril 2009 et a renforcé ses activités depuis le début du mouvement de contestation (1).
Bien entendu, à ces groupes, il est demandé, qu'en cas de chute du régime, de conclure une paix avec Israël. C'est ce qu'ont affirmé des opposants syriens à des experts du haut commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies.
Pour sa part, l'un des opposants, « chéri » par Washington, l'ancien vice président syrien Abdelhalim Khaddam, un des bourreaux des massacres de Hama en février 1982 qui ont fait 35000 morts, a confirmé ces exigences américaines lors d'une déclaration à la 2ème chaine israélienne. Dans cette interview, il a ainsi affirmé que « Les manifestations en Syrie étaient soutenues par les USA et avaient pour but de renverser le régime de Bachar El Assad afin d'établir un nouveau régime dont la priorité serait la paix avec Israël ».
Rappelons que Khaddam qui a créé un groupe d'opposition « Le national Salvation Front » en exil est un proche parent du roi abdullah d'Arabie Saoudite, de même que de feu l'ancien premier ministre libanais Rafiq Hariri. Toute la famille de Khaddam bénéficie, d'ailleurs, de la nationalité saoudienne et on estime les investissements de ses fils Jamal et Jihad en Arabie Saoudite à plus de 3 milliards de dollars !!!.
Autre raison majeure des USA de pousser à un changement de régime en syrie, est d'obtenir la liquidation de la base navale russe installée dans le port syrien de Tartous. C'est la seule base russe en méditerranée. Une base qui réalise un rêve de Moscou vieux de 300 ans.
Il apparait donc clairement que les USA et l'Europe ne sont guère motivées par une réelle démocratisation de la Syrie, mais que leur préoccupation première est de garantir la sécurité et la pérennité de l'entité sioniste.
Quant à l'Arabie Saoudite et les pays du golfe ils sont hantés par le « péril » iranien et par la possibilité que le printemps arabe ne les contamine.
La Syrie pays laïc et alaouite, donc chiite, les a toujours inquiétés. Aussi, comptent-ils mettre à profit les revendications légitimes du peuple syrien pour introduire leur cheval de Troie, à savoir le mouvement salafiste d'obédience Wahhabite afin d'en finir avec cette « menace ».
Et pour ce, tout est bon à commencer par la promulgation de fatwa telle celle du cheik Saleh El Lahhidan qui a appelé le peuple syrien au Djihad contre son gouvernement, quand bien même cela devrait coûter à ce pays le tiers de sa population, soit 8 millions de citoyens
Autre Fatwa, celle du Cheikh Adnan Ar'ar qui a exhorté les habitants d'Alep (dans le Nord) à faire face au pouvoir même si cela devait coûter 100.000 morts.
Sans oublier cheikh youssef Quardaoui qui a pressé, sur « Al Jazira », les syriens à se soulever et à se débarrasse des athées et des laïcs dans des prêches de haines confessionnelles et sectaires.
Ces salafistes jihadistes ont recours aux armes lesquelles leur ont été fournies par leurs commanditaires saoudiens, américains, libanais, jordaniens.
Il est d'ailleurs fort révélateur de constater que les communes et villes qui ont été le théâtre de troubles sont situées dans des zones frontière avec la Turquie, le Liban, la Jordanie, l'Irak : Déraa (point de départ de la contestation) est à 10 km de la Jordanie, Tell Kalakh est à moins de 5 km du Liban, Banias est une vitrine maritime, Homs est à proximité du désert, Idlib est à 40 km de la Turquie …
Rappelons aussi que les frères musulmans fers de lance de cette opposition armée ont pour objectif, comme le stipule leur charte, l'installation d'un califat islamique, une charte qui stipule que tout ceux qui n'adhérent pas à leurs dogmes sont considérés comme athées, laïcs ou d'obédience maçonnique (voir les articles 4 et 5 de cette charte). Une perspective qui ne peut que déclencher l'ire des autres composantes confessionnelles du peuple syrien à savoir : sunnite, alaouite, ismaélite, chiite, druze, mourchidite Kurde, syriaque catholique et syriaque orthodoxe, grecque catholique et grecque orthodoxe, arménienne catholique et arménienne orthodoxe, maronite, chaldanite, latin et protestant. Un cocktail on ne peut explosif ! Ce qui pourrait aboutir à une atomisation de la Syrie en micros états. Ce qui répondrait aux vœux américains et sionistes.
Ceci dit, il semble que lors de la dernière réunion de l'opposition en Turquie, les « Frères » auraient fait des concessions à ce sujet et auraient accepté l'établissement d'un Etat civil.
Concession tactique ou évolution idéologique ?
Quant à l'opposition syrienne en tant qu'ensemble, elle est loin de constituer un tout homogène. Elle est plurielle, disparate, incluant des parties au service de puissances étrangères. A cela, il faut ajouter l'antagonisme entre l'opposition intérieure et celle résidant à l'étranger.
D'où cette question, qu'adviendra-t-il de la Syrie au cas où le régime de Bachar Al Assad venait à s'effondrer ?
Une transition douce pacifique pourra-t-elle se produire et aboutira-t-elle à l'instauration d'un régime démocratique et tolérant ? Il faut l'espérer.
Le régime arrivera-t-il, quant à lui, à faire sa révolution interne, réalisant des réformes en profondeur ?
Une chose est sûre, USA et Europe n'ont qu'un but renverser le régime syrien et lui substituer un autre qui leur serait entièrement affidé, n'hésitant pas pour ce faire à instrumentaliser et à dévoyer une noble cause telle celle de la lutte pacifique du peuple syrien.
1- Dans ce sens, les média occidentaux, BBC, France 24 entre autres, ainsi que ceux des pays du golfe : El Arabia, Al Jazira, mènent une campagne hystérique contre la Syrie, n'hésitant pas à violer toutes les règles qu'impose l'honnêteté journalistique. (voir la diffusion par France 24 d'une interview fictive de l'ambassadrice syrienne à Paris).


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