« J'ai le regret de vous informer que, pour ma part, j'ai décidé de rompre toute relation d'allégeance vis-à-vis de vous » C'est par ses mots qu'Ahmed Benseddik commence sa missive à l'intention de Mohammed VI. Cette lettre que publie Lakome est celle d'un homme désespéré qui n'estime n'avoir plus rien à perdre. Elle contient deux révélations qui valent le détour. La première a trait à la nomination de Saad Kettani, fils de moulay Ali Kettani, fondateur du groupe Wafabank, en qualité de haut-commissaire à la célébration du 1200ème anniversaire de Fès. Ahmed Benseddik affirme que Brahim Frej, Chambellan de Mohammed VI au moment des faits, lui aurait affirmé que la nomination de Kettani était sous-tendue par « la docilité dont il avait fait montre lors de la vente de Wafabank » à la holding du roi. Il faut rappeler que de cette opération est né Attijari Wafabank, pilier du conglomérat du roi et véritable tour de contrôle de l'économie marocaine. Benseddik affirme aussi que Abdeslam Aboudrar, président de l'Instance de Prévention Contre la Corruption, lui avait avoué que le Cabinet Royal lui avait demandé de ne pas « ouvrir » le dossier Moulay Yacoub. Une révélation qui met à mal la crédibilité de l'appui du palais à la lutte contre la corruption. Coupable d'avoir dénoncé un peu trop bruyamment la mauvaise gestion et la corruption qui gangrénait la société dont il venait d'être chargé, la société thermo-médicale de Moulay Yacoub filiale de la CDG, Ahmed Benseddik fut démis de ses fonctions. Il avait pourtant été jugé assez fiable pour que le roi lui confie la direction exécutive de l'association du 1200ème anniversaire de la ville de Fès Marginalisé, Ahmed Benseddik, a vu toutes les portes se fermer devant lui. Diplômé de l'Ecole Centrale, l'une des écoles d'ingénieurs les plus prestigieuses de France, il a pourtant des états de service qui lui permettent de prétendre aux plus hauts postes de responsabilités. Lettre de Ahmed Benseddik à Mohammed VI Au nom de Dieu le Clément le Miséricordieux De : Ahmed Benseddik, Ingénieur de l'école centrale de Paris, Ancien directeur général de la société thermo-médicale de Moulay Yacoub, Concepteur du projet et ancien directeur exécutif de l'association du 1200ème anniversaire de la ville de Fès. Après la lettre de la dignité, la responsabilité et la clarté datée du 05 07 2010 adressée au: Roi du Maroc Mohamed VI La présente lettre s'adresse au même destinataire. Paix et salut sur vous, Si, après le 20 février, le concept de l'allégeance au roi garde encore quelque signification, j'ai le regret de vous informer que, pour ma part, j'ai décidé de rompre toute relation d'allégeance vis-à-vis de vous. Et ce, en raison de ma profonde déception née des suites de votre injustice, mais, aussi, parce que j'ai perdu tout espoir de vous voir me rendre cette justice que je ne cesse de revendiquer, à juste titre, depuis… Un contrat ne devient-il pas caduque, donc nul et non avenu, dès lors que l'une des parties contractantes n'en remplit pas, avec entêtement, les obligations ? Je me suis adressé à vous par divers moyens, et via divers canaux, pour vous faire part de certains actes éminemment graves commis par ceux qui ont votre confiance ou avec qui vous avez conclu des transactions. Ainsi, ceux-là, n'ont pas hésité à tisser des accusations mensongères, à bafouer le droit, à mépriser le patrimoine, l'histoire et la civilisation, à détourner l'argent public et à s'approprier, comme de vulgaires pirates, les idées et les efforts des autres. En l'occurrence, les miens. Aussi, ont-ils parjuré et détourné le nom du roi pour en faire une arme de destruction massive, sans se soucier, le moins du monde, des conséquences morales, matérielles, professionnelles, sociales et psychologiques, toutes tragiques il va sans dire, qui allaient en découler. Je me suis adressé à votre cabinet, à toutes les institutions de l'Etat et à toutes les personnalités impliquées, d'une manière ou d'une autre, dans le scandale de la station thermale de Moulay Yacoub et dans celui du 1200ème anniversaire de Fès. L'absence de réaction et l'assourdissant silence qui sanctionnèrent mes multiples requêtes m'ont conforté dans l'idée que le manque de responsabilité morale, l'impunité et le manque de courage sont des points communs que partagent certains membres de votre entourage. Le silence des lâches n'est-il pas le meilleur encouragement à la corruption et le meilleur soutien à l'injustice ? Pourtant, votre chambellan, Mr Brahim Frej, m'a bien expliqué, sans détour aucun, que votre décision de nommer Mr Saad Kettani en qualité de haut-commissaire à la célébration du 1200ème anniversaire de Fès était sous-tendue par la docilité dont il avait fait montre lors de la vente de Wafabank à votre holding. Une manière de le récompenser en somme. Dois-je rappeler aussi, que votre conseiller, Mr Abbès Jirari, avait fait une déclaration retentissante sur les « clous de votre table » et sur ces vautours qui vous entourent et dont l'influence a fini par vous rendre pratiquement dans l'incapacité d'assumer votre obligation d'équité et d'être à même de pouvoir réparer leurs dégâts. Aussi, d'aucuns s'accordent à admettre qu'ils ont, désormais, plus de pouvoir que vous. Pour sa part, Mr Abdesslem Aboudrar, président de l'Instance de Prévention Contre la Corruption, a fini par avouer, pour sa part, que le Cabinet Royal lui a demandé de ne pas « ouvrir » le dossier Moulay Yacoub. Je vous rappelle également que cette « affaire » de Fès avait fait l'objet d'une question posée au Premier Ministre le 22 mai 2008 dans le cadre des débats parlementaires...Mais, celle-ci, ne suscita, encore une fois, aucune réaction. Il n'y eu, pour ainsi dire, ni enquête, ni délimitation de la responsabilité des uns et des autres dans ce scandale. Encore moins de réhabilitation à mon égard… Par ailleurs, je suis au regret de constater qu'au terme de votre douzième année de règne votre ligne de conduite est restée désespérément la même ; une ligne de conduite qui consacre l'impunité des lobbys qui menacent grandement, faut-il le préciser ?, l'avenir de notre pays. Un constat que corrobore votre persistance à laisser délibérément la corruption ronger la société et l'Etat. Cette gangrène fait classer notre pays dans un rang peu honorable au titre de l'indice de la corruption. C'est dire, ô combien est malheureux le fait que vous n'avez tenu aucun compte du sage conseil d'Ibn Khaldoun sur la question de l'incompatibilité entre l'exercice du pouvoir et celui des activités économiques. Aussi, avais-je écrit, dans ma précédente lettre, ceci :"Votre majesté n'ignore pas qu'après le refus des Institutions, de la Justice entre autres, d'assumer leur plein rôle, votre devoir est de faire triompher le Droit, d'ordonner la réparation des torts et de redonner, aussi, de la crédibilité et de la légitimité à vos royales décisions en réhabilitant notamment la dignité qui a été bafouée en votre nom, et en sanctionnant de manière juste et équitable, il va sans dire, les responsables des dérives et des abus quand bien même ceux là font partie de votre sérail ». Je privilégiais alors, l'hypothèse que « le roi ne saurait céder au chantage ou se laisser instrumentaliser par les comploteurs et ne se laisserait pas aller à encourager la lâcheté et le piratage des idées ; et que le roi, n'ayant besoin ni d'hypocrites ni d'obséquieux, ne peut, non plus, fermer les yeux face à autant de mépris de l'histoire et de la moralité. Où se situe le problème alors ? » Votre silence face à cette interrogation est venu me conforter dans l'idée que le problème réside justement dans mes hypothèses naïves et dans ma conception idyllique des choses. Vous avez, en effet, consciemment ou inconsciemment je ne saurais le dire, encouragé la lâcheté et la déliquescence de la morale. Et vous avez, malheureusement, ô roi, protégé des escrocs et des malfrats. Tout comme vous avez abandonné, à leur triste sort, bien avant moi, le capitaine Mustapha Adib qui, comme tout un chacun le sait, a été emprisonné au seul motif qu'il avait dénoncé abus et corruption, et Mr Khalid Oudghiri, le président d'Attijariwafabank, injustement condamné par un appareil de Justice instrumentalisé par votre secrétaire particulier, Mr Mounir Majidi, qui tenait à assouvir une vengeance. Dois-je comprendre que j'ai commis l'erreur, lors de votre visite à Moulay Yacoub, de ne pas avoir été assez obséquieux, et de vous avoir exposé un projet scientifique que vous aviez alors encouragé ? Je tiens à rappeler, avec quelque insistance, que je n'avais alors rien sollicité pour moi-même. Par contre, je vous ai offert la photo du drapeau national planté, pour la première fois, en haut de l'Everest, sur le toit du monde, le jour de votre mariage ! Je me souviens que ce geste vous a particulièrement touché. J'avais aperçu alors une flamme de joie, non feinte, dans les yeux de l'homme que vous êtes avant celles du roi. Mais une telle audace, pour innocente qu'elle fût, n'était pas du goût des tenants de la machine à broyer qui vous entoure. Dois-je comprendre aussi, que j'ai commis l'erreur de prendre une autre initiative, celle-là plus osée encore, devait penser votre entourage, en proposant qu'une commémoration historique exceptionnelle soit intelligemment exploitée pour renforcer la fierté nationale et mettre en lumière des aspects de la civilisation du Maroc ? Un projet dont vous aviez approuvé non seulement le concept mais auquel vous aviez ordonné la budgétisation de 350 millions de DH pour sa mise en œuvre. Il est clair qu'un tel budget est de nature à attirer les rapaces et à aiguiser bien des appétits. Ce n'est que récemment que j'ai réalisé, avec beaucoup d'amertume, que, dans mon pays, en vertu d'une constitution, celle-là non écrite, il est formellement interdit de réfléchir ou de suggérer des initiatives. Aussi sanctionne-t-elle l'acte de rêver d'un Maroc fier de sa culture, fier de son histoire et irrévocablement réconcilié avec ses talents, honnêtes et méritants. Vous avez été terriblement injuste à mon égard et m'avez fait beaucoup de tort. Aussi, cette injustice et ce tort deviennent-ils chaque jour que Le Bon Dieu fait, un peu plus douloureux. Et aujourd'hui cette douleur est à son paroxysme. A ma loyauté envers mon pays et à mon patriotisme vous avez répondu par le mépris, par l'humiliation et par une insoutenable indifférence. L'avenir de mes enfants s'est ainsi trouvé détruit par votre silence, que je qualifie, sans réserve, de honteux, et par celui, non moins honteux, de vos institutions et organes. Néanmoins, je m'efforce de ne pas avoir de ressentiment vis-à-vis de votre personne. Tout comme d'ailleurs, et je tiens à le souligner, je n'ai pas d'appréhension particulière par rapport à la monarchie parlementaire. Je demande à Dieu à ce que mon cœur reste pur et ne devienne pas proie à la haine et à la rancœur. Pour toutes ces considérations, je romps donc l'allégeance envers vous. Et je me libère de tout lien et de tout engagement à votre égard. Faites ce que bon vous semblera. Tuez-moi autant de fois que vous le voudrez ! Sans vous soucier des conséquences...Comme, malheureusement, cela est dans votre habitude. Paix sur celui qui connait sa valeur et se soumet à son Dieu. Ahmed Benseddik Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. GSM 0661330941