Entretien exclusif avec l'américaine Tamara Wittes, sous-secrétaire d'Etat-adjointe pour les Affaires du Proche-Orient Entretien réalisé par Najib Chaouki De passage au Maroc, où elle a eu des entretiens avec Latifa Akharbach, la secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, T. Wittes nous accorde cet entretien exclusif. La diplomate américaine revient sur les sujets chauds de l'actualité politique marocaine. La diplomate américaine est une universitaire respectée. Elle a rédigé l'un des articles académiques les plus influents sur la classification des mouvements islamistes. Elle a aussi publié un article sur la situation politique au Maroc à la suite des élections législatives de Septembre 2007 dans la revue Journal Of Democracy (janvier 2008). Contre la répression de "manifestations pacifiques qui exigent des changements démocratiques" Cette visite du sous-secrétaire d'Etat-adjointe pour les Affaires du Proche-Orient s'inscrit dans le suivi que fait l'administration américaine des chantiers de reformes annoncés par le gouvernement marocain. La responsable américaine n'a pas caché ses inquiétudes quand à la répression des marches en mai dernier: «Les autorités américaines ont transmit, par voie officielle, leurs inquiétudes et leurs craintes face à l'usage de la violence à l'égard des manifestations pacifiques par les forces de l'ordre marocaines. Surtout que ces actions étaient pacifiques et exigé des changements et des réformes démocratiques. Notre ambassade à Rabat et toute l'administration américaine suit de près aussi l'enquête en cours sur les circonstances de la mort de Kamal Ammari, l'activiste du Mouvement du 20 février. Pour T. Wittes «le dernier discours du président Obama a été très clair. Il soutient les revendications de la rue arabe, sa volonté de rompre avec le népotisme et l'absolutisme politique et d'aller vers la construction d'une démocratie et réaliser le développement. Des régimes démocratiques sont les seuls à garantir nos intérêts dans la région». Benkirane, Al Adl et la démocratie Interrogée par Lakom sur les dernières déclarations ( peut-être un renvoi en hyperlien vers la traduction de sa vidéo) d'Abdelilah Benkirane, le SG du PJD, la diplomate américaine se dit «étonnée par ces propos. Son parti participe dans le jeu politique de l'intérieur des institutions depuis une longue période et il accepte le jeu démocratique. Le processus électoral peut mener au pouvoir aussi des personnes qui ne croient pas dans la démocratie. La démocratie ne peut être réduite aux élections. La démocratie c'est surtout des valeurs comme la liberté, la justice et la dignité. C'est aussi donner des garanties à la minorité comme à la majorité, garantir les droits des femmes et les droits humains en général dans leur universalité». Sur le rapport qu'entretient l'administration US et le Mouvement justice et spiritualité, elle affirme que «ces rencontres sont normales et s'inscrivent dans le cadre de l'écoute des différents acteurs politiques et associatifs au Maroc. Elles n'ont pas pour objectif de mettre de la pression sur les Marocains pour imposer les islamistes. Ce sont les citoyens qui choisiront qui gouvernera à travers des élections et des institutions». Niny et le soutien américain La situation de la liberté de la presse au Maroc a été évoquée par la diplomate américaine qui nous déclare : "nous suivons de près le dossier de l'arrestation du journaliste Rachid Niny. Cette affaire constitue un test pour les autorités marocaines et leur volonté de concrétiser les réformes annoncées dans le discours royal du 9 mars. Pour soutenir la liberté d'expression, nous consacrons un budget pour les bloggeurs et les cyber-activistes du monde arabe. Les bloggeurs marocains ont eu aussi profité du soutien américain en matière de formation pour défendre les droits civiques et politiques à travers les outils numériques". Et le sahara ? Interpellée sur la position américaine sur le dossier du Sahara, elle nous répond : «notre position n'a pas changé. Nous considérons la proposition marocaine d'autonomie comme sérieuse. L'Amérique continuera à soutenir et respecter les efforts onusiens dans le processus de négociation autour du Sahara».