Juger des civils devant le tribunal militaire est contraire à la constitution et aux engagements internationaux du Maroc, reconnaît le CNDH dans un rapport salué ce week-end par Mohammed VI mais passé sous silence lors du procès Gdim Izik. Le roi Mohammed VI « s'est félicité de l'esprit de la démarche et de la teneur » des rapports thématiques présentés récemment par le Conseil national des droits de l'homme (CNDH), indique un communiqué du cabinet royal publié ce week-end. Parmi ces rapports présentés au souverain, figure une proposition de réforme du tribunal militaire qui doit permettre, selon le cabinet royal, « la mise en conformité des textes actuellement en vigueur avec les dispositions de la nouvelle Constitution et les engagements internationaux du Royaume. Le rapport préconise notamment que les civils ne soient plus poursuivis devant le tribunal militaire et que la compétence de ce dernier soit rétrécie.» Cette annonce intervient deux semaines à peine après le verdict du tribunal militaire de Rabat dans le procès Gdim Izik, où 25 civils sahraouis ont été condamnés à des peines allant de deux ans de prison à la perpétuité. Le rapport du CNDH a pourtant été élaboré avant le début du procès. Selon le communiqué du cabinet royal, il a été adopté lors de la 4e session ordinaire du CNDH, le 14 février dernier, soit trois jours avant le verdict. Aucune annonce n'avait été faite à ce moment-là. Droit à un procès équitable Ce rapport du CNDH fait suite à plusieurs demandes de l'ONU, dont celle du Comité sur la torture qui appelle le Maroc dans son rapport périodique 2011/2012 à « modifier sa législation afin que toutes les personnes civiles soient jugées exclusivement par des juridictions civiles ». Il repose sur un principe fondamental, inscrit dans les traités internationaux ratifiés par le Maroc et dans la nouvelle constitution : le droit de tout individu à un procès équitable et impartial. Ce droit peut difficilement être garanti par le tribunal permanent militaire des FAR, sachant que ses magistrats ne sont pas tenus de justifier les verdicts rendus (aucun jugement écrit n'a été publié à l'issue du procès Gdim Izik, malgré les lourdes peines prononcées) et qu'il est impossible pour les personnes condamnées de faire appel de cette décision ; seul un pourvoi en cassation est prévu par le code de justice militaire. Vu l'importance et la portée symbolique du procès Gdim Izik, une question se pose alors : pourquoi avoir maintenu le jugement de civils sahraouis par le tribunal militaire si cette procédure n'est conforme ni à la nouvelle constitution ni aux engagements internationaux du royaume ? Critiquées par l'ONU et les organisations non-gouvernementales, les autorités marocaines s'étaient justifiées en invoquant les dispositions de l'actuel code de justice militaire (qui date de 1956). Pendant la semaine d'audience, des experts en tout genre s'étaient relayés dans les médias nationaux pour tenter de démontrer la pertinence du choix du tribunal militaire et l'exemplarité du procès (exemples ici, ici et ici). Une épine dans le pied Il faut dire que la pression internationale s'était accentuée sur le Maroc l'année passée pour juger – ou libérer – les détenus sahraouis incarcérés depuis fin 2010 à Salé. Le procès avait déjà été reporté à plusieurs reprises, sans explications officielles, depuis la fin de l'instruction en novembre 2011. L'incarcération prolongée des 24 sahraouis était devenue une épine dans le pied pour la diplomatie marocaine. Certaines échéances à venir - la publication du rapport Mendez en mars suivi du débat sur la Minurso en avril - s'annonçaient compliquées à gérer pour Rabat. Les autorités marocaines ont choisi de les juger devant le tribunal militaire au mois de février. L'accusation reposait quasi-exclusivement sur les aveux des prévenus, obtenus pendant leur détention et sous la torture selon certains d'entre eux. Le verdict est tombé après une semaine d'audiences ; les juges n'ont pas motivé leurs décisions. L'Etat a ainsi « soldé » l'épisode Gdim Izik rapidement : au-delà de la condamnation des 25 sahraouis, aucune responsabilité politique, administrative et sécuritaire n'a été recherchée par la justice malgré les conclusions du rapport parlementaire de 2011 et les appels répétés de l'ONU, à l'instar de Juan Mendez qui demande dans son rapport présenté ce lundi à Genève l'ouverture "d'enquêtes sérieuses et impartiales pour établir les faits exacts dans cette affaire ».