R ien. Pas un tressaillement. Pas une supposition. Pas un doute. Au contraire, une assurance inébranlable, un optimisme planétaire et une foi à toute épreuve. Stupéfiant, Cheikh Biadillah. Au moment où la grippe aviaire fait courir toute la planète, lui, notre ministre de la Santé, n'en a cure et éprouve une confiance sans limite, frôlant la gratitude, envers notre volaille. Ferme, catégorique. Biadillah, il porte bien son nom, dans un pays où la santé des citoyens est davantage un don du ciel qu'une politique assumée. Et c'est pourquoi, lit-on dans Assabah du vendredi 28 octobre, il croit dur comme fer « que notre volaille se porte bien » ! Très, même. Il n'y a pas une poule, un faisan ou une autruche dans quelconque ferme ou domicile qui souffre de quoi que ce soit. Tout baigne, et quand c'est un ministre de la Santé, matiné d'un ancien fonctionnaire de l'Intérieur qui l'affirme, on ne court, évidemment pas le risque d'y laisser des plumes ! Et ce n'est pas une poule qui empêchera un si flegme commis de l'Etat de dormir, et vous de faire un vrai rôti ! La grippe aviaire, cela n'arrive qu'aux autres, oui, ces pays qui ont des ministres qui, vite, s'enrhument chaque fois qu'un bec éternue ! Des chefs de départements comme ça ne vous donnent pas l'appétit. Sûr ! Rien à signaler donc. De toute manière, ce n'est pas la première fois que les bêtes affolées de la mondialisation sèment une telle panique partout dans le monde. Sauf au Maroc. La vache folle n'est en fait qu'un vieux souvenir dont on parle ailleurs, de l'actuelle dinde enrhumée qui, toutes les deux n'arrivent pas à s'infiltrer chez nous. Nos basses-cours, moins que les grandes banques certes mais plus que la plupart des Caisses nationales, sont très bien gardées. Les volatiles, contrairement à ce que l'on pensait, ont vraisemblablement des « fiches sanitaires », jalousement sériées, ordonnées et déposées dans des lieux sûrs par le ministre qui, depuis le mois de juillet, s'est découvert une passion brute pour l'ornithologie ! A y voir de plus près, c'est une discipline qui servira bien par les temps qui courent : quand on a « libéré » les hôpitaux, les CHU et même les dispensaires des petits patelins perdus, de leur personnel, on n'aura que plein temps à occuper son agenda des énigmes volatiles. D'ailleurs, la santé du Marocain n'a plus de secret pour le ministre. Il cherche ailleurs, pour mieux servir ses concitoyens. La preuve : faute de s'attaquer aux problèmes de votre santé, il s'attaque à celle des volatiles. Y a-t-il meilleure manière de vous séduire que de penser aux canards et aux poules ? Plus, même. Quand votre santé bat de l'aile, ne serait-il pas plus “ docte” de chercher du côté de ces “objets volants” ? Davantage quand on est, à l'image du ministre, certain que nos volatiles se portent à merveille. Le virus, affirme mordus Biadillah, n'est pas dans l'air. Ni dans l'aile ? Une question à laquelle, il doit répondre. Les oiseaux migrateurs, accusés d'avoir propagé le virus (H5N1, bizarre non?) depuis la Russie, risquent de lui donner de la fièvre. Les mises en quarantaine, ce fameux bouclier que Biadillah a monté au sol, rien ne prédit qu'elles seront d'un grand secours à notre chère volaille terrestre. Avec 5 milliards d'oiseaux qui font l'aller-retour entre l'Europe et l'Afrique (source FAO) on voit mal comment on parviendra, sinon à contrôler, du moins à prévenir contre une éventuelle contamination. D'autant plus qu'on est en pleine saison, et “la chute brutale des températures sur l'Europe centrale” risque de “dévier les itinéraires des oiseaux migrateurs”, comme l'a indiqué l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Résultat, somme toute probable : ces oiseaux peuvent nous tomber sur la tête. Pan, sur le bec fin de monsieur le ministre !