SCOTT CARPENTER, Adjoint du Sous Secrétaire d'Etat américain, chargé du Middle East Partnership Initiative : Scott Carpenter, Adjoint du Sous Secrétaire d'Etat Américain, chargé du Middle East Partnership Initiative " MEPI " nous a livré " cette interview lors de sa participation au colloque international du pluralisme politique et des processus électoraux qui a eu lieu à Rabat. Il a mis la lumière sur la volonté des Etats-Unis de promouvoir l'instauration de la démocratie en Moyen-Orient et en Nord d'Afrique, tout en saluant l'expérience politique et démocratique marocaine en tant qu'acteur de première ligne. La Gazette du Maroc : Quel rôle peuvent jouer les Etats-Unis pour aider à établir une véritable démocratie dans certains pays arabes encore dépourvus de ce mode de gouvernance ? Scott Carpenter : Je pense qu' à l'instar de ce que le président des Etats-Unis a dit auparavant, et comme l'a répété la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice au Caire il y a de cela quelques mois, durant 60 ans les Etats-Unis ont centré leurs actions sur la stabilité et la démocratie. Nous voulions une région stable avec laquelle nos intérêts nationaux seraient protégés. Ce que nous avons réalisé nous a permis de nous rendre compte que nos intérêts nationaux sont intrinsèques avec le degré de liberté dont jouit la région. Des besoins se font ressentir, à présent, nous devons travailler côte à côte avec des gouvernements partenaires et les guider vers plus d'ouverture pour les gens et les aider à forger leur futur. Vous n'êtes pas sans savoir que la pression exercée par les Etats-Unis sur ces pays a donné ses fruits, les gens font entendre leurs voies, et l'espoir renaît, en Egypte, au Liban. Ces gens forgent désormais leurs destinées. Quelle est votre opinion sur les réformes démocratiques entreprises au Maroc ? Je pense que le Maroc a été en première ligne quant aux réformes démocratiques dans la région, d'ailleurs le fait que le Maroc abrite ce colloque est très significatif en ce sens. Les sujets débattus sont très sensibles et tous les gouvernements de la région sont représentés ici, pour vous dire combien le choix du Maroc fut bénéfique à ce colloque. Les Etats-Unis sont ici en tant qu'observateurs pour écouter tous les intervenants, jordaniens, palestiniens, libanais, irakiens, afghans, etc.., parler des modes de scrutins et élections diverses, et tous les sujets relatifs comme permettre ou non à des observateurs internationaux de veiller au bon déroulement des élections etc…, Le gouvernement du Maroc et son expérience en la matière offrent une matrice à ce genre de dialogue. Pensez-vous que les pays contrôlés ou fortement influencés par des idéaux religieux ou des intérêts tribaux sont aptes à l'établissement de modes gouvernementaux démocratiques sachant que l'Irak vit une situation semblable ? Je pense que les valeurs démocratiques sont universelles. Tous les peuples ressentent le besoin de s'exprimer librement, individuellement et collectivement. Nous devons nous libérer de cette idée selon laquelle les élections égalent la démocratie. Les élections ne sont en fait qu'une infime partie de la démocratie. Il faut aussi créer des instances qui protègent les droits des minorités, et tous ceux qui participent au processus de démocratisation doivent accepter certaines règles du jeu démocratique selon lesquelles les minorités sont égales devant la loi. Elles ont le droit d'expression, et ce droit doit leur être accordé et protégé. Les femmes aussi doivent avoir les mêmes droits car elles représentent une part importante de la société civile, leurs voix doivent être écoutées tout comme leur participation dans les prises de décisions importantes. La presse libre est aussi un garant des libertés et doit pouvoir surveiller le rendement des gouvernements de la région tout comme le rendement des partis et autres acteurs de la société. Toutes ces choses sont élémentaires et importantes pour l'existence d'un système démocratique. Certains pays sont à des degrés moindres de développement et la mise à niveau de leurs systèmes de gouvernance prendra plus de temps et demandera plus d'efforts et de volonté, mais le plus important est comment pousser ces systèmes à adopter un mode de gouvernance plus libéral. Les Etats-Unis d'Amérique sont une nation démocratique depuis plus de 200 ans. Lorsque notre démocratie a vu le jour, elle fut fondée sur de mauvaises bases dont l'esclavagisme comme un fait accompli. Notre constitution stipulait que les noirs n'étaient pas des citoyens américains à part entière et qu'ils n'avaient pas droit au vote. Les débuts du processus démocratique américain étaient loin de la perfection, d'ailleurs notre système démocratique n'a toujours pas atteint ce degré d'excellence et de perfection. J'ai eu l'occasion d'entendre le représentant italien parler des problèmes rencontrés dans ce sens en Italie, ajoutant par là même le besoin pressant d'un dialogue interrégional afin d'apprendre l'un de l'autre . Il est donc important de chercher à s'améliorer, mais le plus vital est de savoir que l'idée selon laquelle certaines cultures ne sont pas compatibles avec l'esprit de la démocratie tient du mythe. Certains ont exprimé cette fausse idée à propos de pays asiatiques, sud américains, le Japon, d'autres ont nié toute possibilité de voir un jour l'Allemagne régie par la démocratie car avaient-ils dit à l'époque, le caractère du citoyen allemand était à l'opposé de la démocratie. Ceci s'est avéré n'être qu'un mythe en fin de compte. Que pensez-vous du processus démocratique en marche au Qatar, au Bahreïn, et en Arabie Saoudite ? Je pense que le cas de l'Arabie Saoudite est à part, leurs efforts dans le processus de réformes démocratiques sont très faibles. Dans d'autres pays du Golfe, au Koweït par exemple, le droit de vote fût accordé aux femmes, un parlement est élu suivant un processus démocratique, la presse jouit d'une liberté relativement positive. Au Bahreïn, des efforts sont déployés afin de mettre un terme à certaines divisions tribales. Au Yémen et à Oman aussi, ces petits pays sont sur la bonne voie, bien sûr il n'ont pas à faire face aux mêmes contraintes que les Saoudiens. Toutefois même en Arabie Saoudite, le Roi Abdellah a exprimé sa volonté d'entamer sérieusement ce processus depuis son accession à ce jour.