Palestine / Israël Malgré les menaces grandissantes de part et d'autre, coïncidant avec la fin de la 5ème année d'Intifada, la reprise des négociations entre Palestiniens et Israéliens a, aujourd'hui, de fortes chances de refaire surface. Un climat de réalisme semble s'installer. La position des Etats-Unis qui craignent de nouveaux revers dans la région y est certainement pour quelque chose. La rencontre prévue, dimanche dernier, entre le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et, le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a été annulée ; ce, sans pour autant fixer une autre date. D'autre part, la visite attendue, du roi Abdallah II de Jordanie à Ramallah et Al-Qods, s'est avérée prématurée. La décision de la direction du Likoud de prolonger le “mandat” de son patron, ne veut pas dire que la crise au sein de ce parti au pouvoir est close. De ce fait, il ne faut pas s'attendre à des initiatives politiques durant cette période transitoire allant jusqu'au mois de mai 2006, date prévue des élections israéliennes. Quoi qu'il en soit, tous ceux qui sont concernés par la “feuille de route” doivent maintenant réagir pour endiguer les dérapages qui ne servent, d'après le quarted, que les objectifs des extrémistes dans les deux parties. Les Etats-Unis commencent, par la voix de ses différents portes parole, à rappeler Ariel Sharon de ses engagements pris concernant le retrait des villes de Cisjordanie et les colonies. Ils rappelleront également Mahmoud Abbas des réformes sur le plan sécuritaire et des résultats réalisés jusque-là dans la lutte contre le terrorisme chez lui. Cependant, ces deux belligérants se sont occupés de trancher politiquement à travers les élections dans les prochains mois. Obsessions et contestations Le comportement aussi bien du gouvernement israélien que de l'autorité palestinienne, prouve que les deux sont “pris à la gorge”. La hantise qui dicte les folles répliques de l'armée israélienne, à l'heure actuelle, consiste à réduire l'influence du Hamas sur le terrain. Les tractations qui ont accompagné les événements des derniers jours ont montré l'existence de deux “formes” de Hamas à Gaza. Ce, au moment où l'autorité palestinienne hésite à intervenir par la force pour contenir la poussée de ce mouvement à deux têtes. Mahmoud Abbas est allé se plaindre auprès des Egyptiens afin que ces derniers exercent leurs pressions traditionnelles sur ces islamistes. Mais, en tout état de cause, au cours des prochaines semaines, la règle du jeu s'éclaircira. Par là, Sharon et son ministre de la Défense, Chaoul Motaz, sauront plus, sur les rapports de force chez les Palestiniens à Gaza comme en Cisjordanie. Sur le plan politique, l'establishment israélien, toutes tendances confondues, lutte contre la participation du Hamas aux élections législatives. Il pose comme condition sine qua non de le désarmer ainsi que le changement de son pacte comprenant la destruction de l'Etat d'Israël. De plus, Sharon a déclaré que son gouvernement perturbera le déroulement des élections en Cisjordanie. Propos qui ont contrarié le secrétaire d'Etat américain, Condoleezza Rice. Cette théorie du Premier ministre israélien ne semble pas être de l'avis de la majorité des décideurs à Tel-Aviv. Deux grands généraux ayant préféré gardé l'anonymat avaient déclaré, la semaine dernière, au quotidien Haaretz que la participation du Hamas aux élections a des côtés positifs. Ils estiment que si ce mouvement entre dans la légalité législative, il sera de plus en plus à l'écoute de l'opinion publique internationale. Il sera plus responsable, comme cela a été le cas lorsqu'il annonça dans un communiqué l'arrêt de l'utilisation des missiles “Al-Qassam”. Ce point de vue qui commence à gagner du terrain fait déjà peur au gouvernement de coalition en Israël. C'est pourquoi Sharon a dépêché son vice-premier ministre, Shimon Pérès, à Londres pour convaincre Tony Blair de demander à l'Autorité palestinienne de désarmer Hamas, comme cela a été le cas en Irlande du Nord avec l'armée républicaine. Une tentative qui n'aura pas trop de chances d'aboutir. L'autre obsession avant la fin du mandat de l'Exécutif de Sharon, la finalisation du mur de séparation. Plus particulièrement, la partie la plus contestée par la Communauté internationale connue sous le nom “enveloppe d'Al-Qods”. Car c'est avec la mise en place de cette étape que dépend l'avenir du tracé des frontières définitives de l'Etat hébreu. Là, Sharon sera contraint d'utiliser toute son expérience et son habileté pour compléter cette dernière phase sans avoir une confrontation avec l'opinion publique internationale. Sur le fil du rasoir Mahmoud Abbas, tout comme Ariel Sharon, craignent que si les dérapages ne sont contenus avant les élections, la bande de Gaza risquera de se transformer en Sud Liban. Avec la seule différence qu'elle n'aura pas un soutien direct de la part de la Syrie et de l'Iran qui lui assure la protection politico-militaire. Cela dit, la résistance ne pourra, le cas échéant, que compter sur elle-même ; que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie. En d'autres termes, elle aura son dos au mur. Et, par là, elle devra trouver les moyens pour se défendre tout en essayant de déstabiliser l'ennemi. Malgré ces faits, cette résistance trouvera certainement les issus adéquats comme l'avait toujours fait. La preuve, elle est arrivée à obliger les Israéliens à se retirer de la bande de Gaza. La nouvelle stratégie de Sharon, qui ne durera que de quelques mois, n'arrivera pas à faire plier les différentes organisations palestiniennes ; moins encore, à rassurer les colonies en Cisjordanie. Cette stratégie de court terme finira par relancer la 6ème année de l'Intifada. Car tant que les Palestiniens ne seront pas en sécurité et vivront en paix, les Israéliens ne le seront jamais eux non plus. Les cinq années de lutte pacifique et armée l'ont démontré. D'anciens responsables militaires tentent, en vain, de convaincre les dirigeants israéliens du fait que la résistance les a obligés à quitter Gaza, elle les contraindra aussi à sortir de Cisjordanie. L'engagement pris par les organisations palestiniennes d'appliquer la trêve pourrait, selon ces militaires à la retraite, être une tentative afin de gagner du temps. Ce qui leur permettra de transférer leur nouvelle technique de résistance. Cela dit, les Palestiniens changent, tout comme Sharon, leur stratégie de confrontation. Ce qui prouve que les deux parties mènent ce bras de fer sur le fil du rasoir. Réalisme exige A cet égard, force est de constater que l'administration américaine est consciente de la gravité de la situation ainsi que de ses éventuelles répercussions sur les intérêts des Etats-Unis dans la région. C'est pour cette raison que le président Bush a demandé un “coup de main” au souverain Hachémite. Ce dernier devra rencontrer Abbas et Sharon pour remettre le train des négociations sur les rails. Washington, trop enlisée en Irak, ne pourra supporter des échecs politiques supplémentaires, notamment, après l'avancée, insuffisante certes, enregistrée sur le front du conflit israélo-palestinien avec le retrait de Gaza. La Maison-Blanche ne peut que cautionner les élections législatives palestiniennes ; ce, même si Hamas va y participer et arracher un nombre significatif de sièges. Les Etats-Unis qui, depuis des mois, font un forcing, allant jusqu'à exercer des pressions sur les régimes dans le but d'introduire les réformes politiques et économiques nécessaires et imposer la démocratie, ne peuvent logiquement s'opposer à la participation d'une quelconque formation politique. Cela, même si cette dernière est considérée comme hostile et non grata. Les plus avisés des observateurs savent parfaitement que les contacts directs et indirects, n'ont jamais cessé entre les émissaires de l'administration américaine et les représentants du Hamas à l'étranger. Des rencontres explicites ont été organisées depuis six mois à Beyrouth, au Caire et à Amman. Cela dit, les portes n'ont jamais été fermées, même si Israël accuse la Syrie et l'Iran de pousser Hamas à saboter les efforts de paix. La marche arrière du Hamas est la réponse aux accusations d'Israël. En effet, le mouvement islamique aurait voulu passer le message à qui de droit à Washington pour lui faire comprendre qu'il était, avant tout un mouvement politique; et, par là, connaît les règles du jeu pour atteindre ses objectifs. En d'autres termes, le mouvement jouit d'une bonne capacité d'adaptation. Il est prêt à être plus flexible, à ajuster le tir le moment venu. Pour preuve, sa décision en 24 heures d'arrêter le lancement des missiles sur les colonies juives. Réalisme exige. Ce qui a été apprécié, dit-on dans la capitale jordanienne, par Washington. Dans cette foulée, Sharon commence à réaliser que le gel des négociations pourrait avoir des effets négatifs sur sa stratégie, voire sur son image. Notamment, après le “triomphe gonflé” à l'ONU, plus précisément, après les percées enregistrées publiquement, cette fois, dans le front arabe. Ce qui l'a incité, jeudi dernier, à demander l'aide du roi de Jordanie et de certains Etats arabes –sans les nommer- pour remettre les pendules à l'heure. C'est pour la première fois qu'Ariel Sharon, qui a, par le passé, rejeté l'initiative du roi d'Arabie Saoudite, Abdallah ben Abdel Aziz, votée à l'unanimité au sommet arabe de Beyrouth, veut bien associer les Etats arabes aux négociations avec les Palestiniens. Y-a-t-il vraiment un changement de fond chez les dirigeants israéliens ? Ou bien, s'agit-il d'une simple tactique pour atténuer les pressions des Etats-Unis ? Les réponses ne vont pas à tarder à venir. Car la situation l'exige.