3 questions à Bouchaïb Karoumi Psychologue La Gazette du Maroc : comment s'explique l'augmentation de la consommation des psychotropes par les Marocains ? Bouchaïb Karoumi : on constate effectivement une augmentation de la consommation de toutes sortes de psychotropes qu'on peut expliquer par deux phénomènes. Le premier est dû à l'augmentation des symptômes dépressifs dans le milieu urbain, en réaction au stress que provoque chez les citadins la pression du milieu professionnel, familial, de la rue, etc. Il y a en réalité beaucoup de facteurs liés à l'environnement dans lequel on évolue, notamment dans les grandes villes comme Casablanca. Tout cela se répercute sur la santé de la personne par des troubles psychologiques, des troubles du sommeil, parfois par le simple fait de se sentir triste. Ceci explique le fait que les gens se rendent de plus en plus en consultation chez les psychologues, alors qu'avant seuls les malaises purement physiques motivaient les consultations médicales chez les Marocains. Le deuxième facteur qui contribue à l'augmentation de la consommation des psychotropes est que, de nos jours, le diagnostic des dépressions est plus facilement reconnaissable et la solution est incontestablement dans la consommation de ces substances. LGM : un psychologue ou un psychiatre est-il le seul praticien apte à prescrire un psychotrope ? B.K : souvent, en cas de fatigue excessive, d'angoisse, ou de troubles du sommeil, les gens vont consulter en premier un médecin généraliste. C'est une approche tout à fait logique, mais qui augmente la prescription des antidépresseurs par les généralistes et même par d'autres spécialistes. Ceci n'est pas forcément une mauvaise chose, si ce n'est le fait qu'on ne peut pas traiter une dépression rien qu'avec les seuls médicaments. Son traitement nécessite l'évaluation de l'intensité et de la gravité de cette dépression pour en identifier la démarche adéquate pour sa guérison, si l'on peut se contenter d'un traitement médicamenteux ou s'il faut, en plus, recourir à une psychothérapie. LGM : quel est le risque d'un traitement avec des psychotropes sans suivi thérapeutique ? B.K : le risque dans le cas d'une dépression traitée uniquement par le médicament est que le patient s'adonne généralement à une "automédication" qui peut être très dangereuse si elle se développe. Elle débouche sur une consommation excessive et non contrôlée qui développe chez le malade une dépendance de plus en plus difficile à guérir. Ce risque d'automédication chez la personne dépressive est d'autant plus accentué et encouragé par certains pharmaciens qui continuent, malheureusement, de vendre ce genre de médicaments sans aucune surveillance médicale. Une thérapie basée sur la consommation de psychotropes devrait répondre à des règles très strictes dont la détermination est réservée aux seuls médecins, de préférence psychologues ou psychiatres.