Cesaria Evora, Susana Baca, Youssou N'dour, Célia Cruz, Mory Kanté... autant de célébrités conviées à fêter la joie, le chant, la musique et la vie, en colorant Rabat aux tons lumineux des différentes cultures latino-africaines, aux rythmes du monde : Mawazine. Il est minuit. Parés de lumières, les remparts de Rabat abritent une agitation inhabituelle, qui investit les ruelles, insuffle un air de fête et initie les “mawazinis” à la vie nocturne. Le premier festival Mawzine, rythmes du monde, organisé par l'association Maroc Culture, a parsemé des graines de fêtes dans les différents recoins des villes de Rabat et Salé. Aussi, grâce à une vingtaine d'espaces aménagés devient-elle le théâtre des rythmes du monde et de ses arts. “L'ambition du festival étant d'apporter un grand moment de joie et de fête à la population de Rabat et à ses visiteurs et d'animer la capitale cinq jours durant”, le programme concocté par les organisateurs prévoyait une animation tout au long de la journée, à commencer par des ateliers de peintres marocains et des colloques autour de l'Afrique et de l'Amérique latine, organisés en début de matinée. Les spectacles en plein air, dans le jardin des Oudayas, le Théâtre de verdure ou encore la Grande Scène mise en place en face du Théâtre Mohammed V, ouvraient le bal aux fêtes nocturnes. 19h00 marquera le début des concerts à Chellah, au Théâtre Mohammed V, à Dar Mrini, à Dar El Bathoul et à Dar Hakam, où l'ambiance intimiste des vieilles maisons, aménagées dans l'ancienne médina de Rabat, exalte le parfum des rencontres inédites avec les artistes. Déambulant dans les rues de Rabat et offrant aux spectateurs des parades colorées de chants et danses, des troupes africaines rompaient, par leur joie, la platitude de la circulation quotidienne. La Diablada du carnaval d'Oruro de Bolivie, classée patrimoine immatériel de l'humanité par l'Unesco, déferla avec ses insectes géants porteurs de masques colorés dans les rues de Rabat, teintant l'ambiance de rouge sang, de jaune citron, d'or et d'argent. La fanfare escortant la Diablada investira prochainement la place Jamâa El-Fna. Quant aux danseurs échassiers Dogons, ils quittèrent les falaises de Bandiagara, au Mali, pour répandre une féconde culture d'échanges, où les liens avec la terre s'ancrent aux rythmes des pas et des représentations. Les vagues migratoires venues de Chiraz, d'Arabie, du Yémen et d'Irak, accueillies à l'île d'Anjouan à partir du XIIème siècle, brassèrent les cultures arabe, musulmane et africaine en un métissage singulier, représenté par la troupe d'Inzoudine Ben Saïd Massondi, maître dans l'art du Gabus, luth d'origine yéménite, et que les musiciens anjouanais célèbrent en diffusant une musique enchanteresse, dédiée à Rabat. La capitale administrative a connu, du 18 au 23 mai, l'affluence des grands noms de la chanson et de la musique, reconnus mondialement par la vigueur de leur talent. L'interprète de “Seven Seconds”, Youssou N'dour, enflamma la foule de la grande scène de cette voix cassée charmeuse qui a fait le bonheur des présents. Le charismatique personnage, dont les tubes se vendent par millions, marqua la première édition de ce festival, enchantant le public qui a accompagné le chanteur en danse et en chant. “L'ange noir de la chanson afro-péruvienne”, Susan Baca, ensorcela les présents par le charme d'une voix douce avec laquelle elle transcende l'âme péruvienne en livrant à son public un métissage d'accents des Africains convoyés en esclaves au Pérou, de langueur des Caraïbes, de chants traditionnels et de compositions modernes. Elle se déployait en ange sensuel au Théâtre Mohammed V et sous les feux de Chellah. Sous un ciel transpercé de projecteurs , Mory Kanté fit son apparition sur la Grande Scène, muni de son kora. Impatient d'aller à la rencontre du chanteur de “Yéké Yéké”, le public entourait les barricades, à la recherche du moindre espace. Un autre public apprécia “le live” au Grand hôtel ou sur l'enceinte de ladite scène. Un hommage que Mory ne manqua pas d'apprécier, déchaînant son kora, pour le plus grand plaisir de ses fans. Mawazine devient le carrefour des rencontres entre les légendes de la chanson et de l'art. En accueillant la diva aux pieds nus, Cesaria Evora, Maroc Culture exhaussa les souhaits secrets de ses fans, qui tentèrent par tous les moyens de s'approprier une invitation au bonheur programmé au Théâtre Mohammed V. En chantant la morna, ce blues des îles du Cap vert, ou encore la joyeuse caladeire, la diva s'imposa par la force de sa voix et sa charismatique personnalité, enivrant l'ouïe d'un millier de spectateurs. Pour sa part, la reine Célia Cruz ne manqua pas d'humour, sa gaieté contagieuse célébrant la fête latino. Aussi, les présents ne manquèrent pas de danser sur les rythmes de “Guantanamera”, applaudissant la simplicité et la douceur d'une souveraine en bleu azur. Mawazine rendit hommage à d'autres artistes, dont Osmane Sow, le célèbre sculpteur, ou encore Touhami Ennader, l'artiste photographe. Pour assurer une large diffusion, le festival s'est mobilisé, en collaboration avec les autorités de la ville. Son impact économique et social sera établi par le bilan de cette première édition. Les grandes ambitions de Maroc Culture se révèlent par l'appel à des professionnels en matière d'organisation : la MGB pour les réalisations graphiques, Hors limite pour la logistique et A 3 communication pour les relations presse. Elles sont également présentes par le choix des artistes conviés et, certainement, le budget alloué à leurs cachets, et à l'organisation en général.