Thomas T. Riley, ambassadeur des USA au Maroc Le contenu de l'Accord de libre-échange signé entre les USA et le Maroc fera l'objet d'une caravane de sensibilisation à travers le Maroc. A sa tête, l'ambassadeur des USA et une équipe d'experts américains et marocains. Entretien. La Gazette du Maroc : En quoi consistera la caravane dite de l'Accord de libre-échange USA-Maroc prévue dans le courant de ce mois de septembre à travers le Maroc? Quel sera son apport, en termes d'information s'entend, en plus de tout ce qui a été dit? Thomas T. Riley : Selon toute vraisemblance, cette caravane devra apporter plus d'informations et plus de détails techniques aux acteurs économiques, aux élus locaux, des régions et villes souvent en marge des grandes décisions politiques. D'ailleurs, l'idée de la caravane ALE Maroc-USA, c'est ainsi qu'il conviendra de l'appeler, est née de la demande insistante de nombreux acteurs économiques de ces régions-là. A chacun des passages d'un expert des services consulaires et diplomatiques ou de la Chambre de Commerce américains dans le cadre des rencontres d'échanges périodiques avec des responsables marocains, des demandes verbales et écrites nous ont été adressées, émettant le souhait de voir se tenir plus souvent ce genre de rencontre-débat. Ces demandes se sont accrues surtout depuis la signature de l'ALE Maroc-USA… Dans les détails, sur le terrain, qu'est-ce que cela va apporter ? Il s'agira de sillonner, une semaine durant du 19 au 24 septembre 2004, à bord d'un autocar, sept villes du Nord au Sud du Maroc pour sensibiliser et répondre aux multitudes de questions que se posent les acteurs économiques et politiques des localités à visiter. Cette caravane partira de Tanger à Agadir en passant par El Jadida, Settat, Beni Mellal et Meknès. Elle sera composée d'experts de l'ambassade des USA, de la Chambre de commerce américaine au Maroc et des différents départements ministériels du gouvernement marocain. Pour raison d'emploi du temps chargé, je rejoindrai le train de la caravane à certaines étapes, en fonction de ma disponibilité pour contribuer à la réussite de cette belle initiative. Il sera certainement beaucoup question, lors de cette caravane, du débat sur les médicaments génériques et des entités spécialisées dans le générique. Quel est votre avis sur la question sachant que l'ALE USA-Maroc protège fortement la propriété intellectuelle ? Très bonne question. Moi qui suis ingénieur de formation, je ne peux que me réjouir d'une loi ou des lois protégeant la propriété intellectuelle. Si on prend le cas des établissements pharmaceutiques fabriquant les médicaments génériques, je vous réponds que l'Accord de libre-échange signé entre le Maroc et les Etats-Unis d'Amérique n'a rien changé sur les lois internationales régulant ce secteur. C'est le cas des grosses firmes pharmaceutiques qui investissent beaucoup d'argent dans la recherche des molécules pour mettre au point des médicaments, qui ont 20 à 25 ans de protection intellectuelle avant de voir leur trouvaille exploitée sous forme de médicaments génériques. Sur ce plan-là, rien n'a changé. Où se situe alors le changement en ce qui concerne les génériques ? Les termes de l'Accord de libre-échange entre le Maroc et les USA prévoient des dérogations pour les laboratoires spécialisés dans le générique en cas d'urgence médicale avérée. J'en veux pour exemple, la cérémonie à laquelle j'ai assisté au siège du laboratoire américain Pfizer à Casablanca, en compagnie du ministre marocain de la Santé, la semaine dernière. Je suis encore sous le charme de cette opération qui m'a permis de jauger la générosité d'une firme comme Pfizer. Il y a cinq ans plus de 1,5 million de Marocains étaient menacés de cécité. Grâce au don de Pfizer (Zithromax) au ministère de la Santé marocain, ce fléau relève désormais presque du passé. Avec l'initiative internationale du trachome, subventionnée par Pfizer, 98% des menaces de cécité sont éradiquées. J'en suis très fier, car je m'attendais à une simple coupure de ruban, c'est-à-dire à une cérémonie symbolique. Il s'agissait d'une belle initiative sociale… Qu'est-ce que vous insinuiez ? Je veux simplement dire que si l'environnement des affaires est assaini, donc la propriété intellectuelle protégée, les entreprises pourrait investir et attirer d'autres investisseurs. Pour le cas de Pfizer Maroc, l'investissement a porté aussi sur les ressources humaines. J'ai été impressionné par le nombre de cadres marocains au sein ce laboratoire. Pourquoi les Etats-Unis persévèrent dans leur politique d'accords bilatéraux au détriment des accords multilatéraux, tels que l'OMC, jugés plus favorables pour les pays en voie de développement? Il n'y a pas de contradiction entre ces deux approches. Pour preuve, le gouvernement marocain a conclu plusieurs accords aussi bien bilatéraux que multilatéraux. On ne peut pas dire que le choix du Maroc de conclure des accords multilatéraux avec l'Union européenne par exemple est meilleur ou pire en soi que s'il avait conclu un accord bilatéral. Le choix d'un accord bilatéral permet d'entrer plus en détail dans un secteur donné et d'un pays donné de sorte à en faire une plate-forme sous-régionale voire régionale … Quelle est la vision de l'administration américaine sur le rapport entre développement économique et respect des droits humains ? Je vous renvoie à la présence de l'USAID qui est présente dans plusieurs pays en développement depuis bien longtemps. Au Maroc, le budget de cette agence vient d'être renforcé de 100 millions de dollars pour les cinq années à venir. Je vous laisse le choix de la lecture. Par ailleurs, vous avez raison de poser cette question car le gouvernement américain, en mettant en place le Compte Millénaire, pose aux Etats des conditions d'éligibilité liées à certains indicateurs tels la bonne gouvernance, l'investissement dans le citoyen, l'éducation, l'émancipation de la femme… Le Maroc a déjà été invité parmi les dix pays éligibles pour tous les chantiers socio-politiques ouverts par le Roi du Maroc. Que contient ce compte, des projets ou de l'argent ? Ah non, c'est de l'argent. De l'argent. Combien ? (Rires). J'ai moi-même posé la même question hier (jeudi 9 septembre). Je sais que c'est beaucoup d'argent, des centaines de millions de dollars.