Enseignement 80 nouveaux manuels sont sur le marché depuis juin 2004. La réforme est bien en cours avec des efforts appréciables sur le plan contenu. Le nouveau Code de la famille, le rôle de la femme ou encore l'égalité des genres font leur entrée sur les bancs. Simple note négative : les enseignants n'ont été formés que deux jours avant la rentrée. C'est désormais le compte à rebours pour la rentrée scolaire. L'année pointe du nez avec son lot de nouveautés. Certains ouvrages scolaires ont été revus et corrigés. Il s'agit de ceux de la troisième et cinquième années primaires et la deuxième année collégiale. L'édition de ces manuels mettra ainsi la réforme dans un rythme très accéléré. Puisque, avec la sortie de ce programme, la réforme des cinq niveaux primaires et des deux premières années collégiales sera achevée. Il restera donc, pour la future rentrée, l'élaboration des manuels de la 6ème année primaire et la troisième année collégiale qui clôtureront les deux cycles. La réforme s'attaquera ensuite au cycle secondaire qualifié. En attendant, les manuels scolaires des trois niveaux réformés sont déjà sur le marché et ce depuis le mois de juin. 80 livres sont sortis pour les trois niveaux avec une augmentation de 10 % dans les prix par rapport aux anciens manuels. Le nombre de livres édités cette année peut être considéré comme élevé par rapport aux deux années précédentes où le nombre de livres n'a pas dépassé 65. Un nouveau contenu La réforme ne porte pas seulement sur la quantité. Car il est surtout question de contenu et donc de qualité, du moins si l'on en croit les autorités. L'accent a été mis sur le développement, l'égalité et l'équité entre les deux sexes. “Les livres scolaires se débarrassent de cette image anachronique de la femme”, explique Abderahman Rami, directeur des curriculum. Et d'ajouter que “ces manuels viennent développer l'image d'une femme émancipée ayant assez de ressources et contribuant pleinement au développement économique de son pays”. Le renouveau et les divers changements sociaux qui sont en train d'être mis en œuvre avec le nouveau règne semblent être une préoccupation majeure des éditeurs de ces ouvrages. Ainsi, parmi les nouveautés qu'apportent les manuels, on note une initiation à la lutte contre la violence et un appel à la tolérance et à la paix et une initiation au Code de la famille. L'intégration de ces principes a été basée sur deux approches. La première qui est relative à la discipline prend en considération la spécificité de la matière enseignée pour approfondir des connaissances spécifiques et forger des modèles de pensée. Quant à la deuxième approche, elle est transversale et est basée sur la complémentarité entre les disciplines. Elle favorise les valeurs de changements et de développement d'une pensée et introduit les principes novateurs de la Moudawana. En ce qui concerne les autres manuels scolaires réformés les années précédentes, l'intégration du Code de la famille ne sera réalisée qu'à partir de 2005-2006. En attendant, les enseignants d'histoire et de géographie, d'éducation islamique et de philosophie bénéficieront d'une formation qui ne sera entamée qu'à partir du 14 septembre pour les préparer à dispenser oralement ces principes. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'initiative est on ne peut plus tardive. Sachant surtout que la rentrée scolaire est prévue deux jours après le début de cette formation, c'est-à-dire le 16 septembre 2004. Enseignants à côté de la plaque ! Pour se rattraper, le ministère a intégré ces nouveaux principes dans les 80 nouveaux guides de l'enseignement accompagnant les nouveaux manuels cette année. Parallèlement, il s'est engagé cette année à la mise à niveau des éditions en faisant bénéficier les auteurs qui allaient présenter des projets de livres scolaires d'une formation gratuite. Cette dernière qui s'est déroulée au mois de juillet a permis à ces auteurs d'acquérir plus de connaissances dans les domaines des droits de l'Homme et du Code de la famille. Une formation qui, normalement, devait être accordée également aux enseignants dans la même période afin de s'assurer une bonne réussite de la rentrée scolaire. Qu'il soit sur le plan de la réédition des manuels et du renforcement des programmes vers des idées novatrices, le ministère accroche une mention honorable. Mais quand on connaît l'importance de la formation pour les enseignants et le retard accumulé sur ce point, on est forcé de dire que Habib El Malki devrait revoir sa copie. En d'autres termes, le ministre de l'Education décroche un “peu mieux faire” comme appréciation. Trois questions àHob Allah Kamel membre de l'association des éditeurs La Gazette du Maroc : La concurrence entre les éditeurs des manuels scolaires n'a-t-elle pas permis d'élargir le marché ? Hob Allah Kamel : En effet, la nouvelle réforme a créé un dynamisme chez les éditeurs. Certains viennent de voir le jour grâce à la libéralisation. Ils sont aujourd'hui au nombre de sept plus précisément. Personne ne peut nier qu'avec les anciens manuels une stagnation s'est installée au niveau des ventes qui a entraîné une léthargie sur le marché. Ceci revenait surtout au fait que les gens n'achetaient plus les manuels neufs mais préfèraient plutôt l'échange ou l'achat des ouvrages usités. Avec la réforme, tous les manuels viennent d'être édités et n'existent pas encore sur le marché d'occasion, ce qui fait que les gens sont obligés d'acheter les manuels des librairies. C'est un grand marché que celui des livres scolaires mais pour avoir une part, la maison d'édition risque un grand danger car l'élaboration des projets de manuels scolaires nécessite un grand budget et si le projet du livre scolaire n'est pas retenu, la maison d'édition risque d'énormes pertes. A titre d'exemple, nous avons souffert de ces pertes car sur les sept projets déposés par nos équipes, seulement trois ont été retenus. Mais beaucoup de projets déposés ne répondent pas aux normes définies par le cahier de charge … La maison d'édition ignore si son projet répond ou non au cahier de charge. Le ministère ne communique jamais les raisons du refus du projet. L'association des éditeurs réclame que le rapport rendu par la commission d'évaluation et de validation du livre scolaire soit plus transparent dans les critères du choix des livres. Il faut que les équipes pédagogiques des éditeurs soient averties des failles existant dans leurs projets. Certains reprochent aux maisons d'éditions d'imprimer une grande partie, pour ne pas dire la majorité des livres scolaires à l'étranger, comme l'Espagne, pour bénéficier des bas prix pratiqués. Qu'est-ce que vous en pensez? Nous sommes obligés d'imprimer à l'étranger, parce que nous n'avons pas d'autres choix. Le ministère donne son homologation et nous avons un seul mois ensuite pour imprimer un nombre très important de manuels scolaires. Ce qui est une période très courte pour cette grande tâche. Pire encore, le contrat avec le ministère peut être annulé si les livres ne sont pas prêts à temps car le retard dans la distribution des ouvrages est parmi les clauses que les autorités peuvent utiliser pour cette annulation. L'impression en Espagne revient aussi moins cher parce que les imprimeries n'ont pas besoin de sto-cker le papier et le payer 90 jours à l'avance comme c'est le cas au Maroc. D'autant plus que le parc de machine en Espagne est très important par rapport à celui du Maroc qui aurait pu évoluer si la politique de l'administration avait pris en considération les difficultés du secteur et encourageait l'investissement. Contrat d'édition revisité Depuis trois ans, le ministère de l'Education nationale n'édite plus les livres scolaires par ses propres moyens. Ce sont les maisons d'édition privées qui, à travers leurs équipes pédagogiques composées d'auteurs spécialisés dans différentes disciplines, élaborent des projets de livres qu'ils soumettent à l'appréciation du ministère. Avec la réforme, le marché des livres scolaires a été ouvert à la concurrence. Ainsi, les opérateurs, voulant participer à l'appel d'offres, élaborent un projet de manuels qui doit répondre aux normes prescrites dans un cahier de charge. Et ce dans un délai fixé par le ministère qui est généralement de 4 mois. Une fois les projets de livres déposés, une commission d'évaluation et de validation des programmes se réunit. Cette dernière est composée de 63 enseignants et inspecteurs représentant différentes matières et “disposant d'un potentiel de ressources académiques scientifiques et pédagogiques important”. La commission, dont les membres doivent garder l'anonymat, travaille dans l'autonomie et analyse les projets présentés en l'espace de trois mois afin de choisir ceux qui répondent le plus aux normes figurant dans le cahier de charge. “La raison de ce choix revient au fait que le ministère cherche à ce que cette opération se déroule dans la plus grande transparence. C'est une manière de mieux montrer non seulement aux éditions mais à toutes les parties concernées que les livres sont choisis uniquement à la base de la qualité de leur contenu”, explique le directeur des curriculum. Les éditions, dont les projets ont été admis, signent ensuite un contrat de trois ans avec le ministère de l'Education nationale. A rappeler que ce contrat durait avant la réforme 5 ans qui était généralement renouvelable, ce qui permettait à certaines éditions de garder le même contrat pendant 14 ans. Après la signature, les prix des manuels sont négociés. Cette année, ils ont connu “une hausse de 10%” à en croire le ministère. “Cette hausse est due à la grande qualité pédagogique du manuel scolaire qui concurrence aujourd'hui les livres enseignés dans les missions étrangères et les coûts élevés des matières premières, surtout du papier qui représente aujourd'hui plus de 40 % du coût de revient”, explique le directeur des curriculum. Selon nos pro-pres observations sur le terrain, la hausse des prix des manuels de la 3ème et de la 5ème est située entre 12 et 23%. Il se peut que le responsable public ait donné une moyenne en avançant une hausse de 10%, n'empêche que la bourse des parents rencontrés durant notre enquête semblait plus affectée. Combien ça coûte ? Décidément, en ce début de rentrée scolaire, tout ne semble pas facile pour les élèves et leurs parents. Ils se bousculent aux portes des librairies et autres surfaces à la recherche des livres scolaires indispensables pour la rentrée. Cependant, beaucoup de choses restent à faire pour mettre tout le monde dans le bain surtout dans les régions reculées du nord et du sud. Les difficultés rencontrées dans l'acquisition des livres reviennent souvent au retard de la distribution du livre scolaire au niveau des régions. Pourtant, à en croire le gérant de la librairie “Livre et Service” de Rabat, “l'enseignement fondamental est le plus grand consommateur d'ouvrages scolaires”. Ceci s'explique, d'après lui, par le fait que les écoliers, contrairement à leurs aînés, sont astreints à se munir de tous les livres recommandés par les enseignants. Et c'est là où tous les parents restent unanimes pour dire que la rentrée est chère, trop chère même. Les prix des nouveaux manuels scolaires le démontrent mieux : Manuels scolaires de la troisième année primaire : Anciens prix (dh) Nouveaux prix (dh) Mathématiques 10 14 Lecture 13,25 23,05 Grammaire et syntaxe 9,40 Sciences naturelles (Nachat âilmi) 7,80 11,05 Dessin 9,85 10, 15 Français 14,35 19,95 L'augmentation des prix est de l'ordre de 23,7% Manuels scolaires de la cinquième année primaire : Mathématiques 16,35 15,10 Lecture 15,45 24,70 Grammaire et syntaxe 9,90 Sciences naturelles 8,70 11,05 Dessin 10,70 15,15 Français 18,20 21,50 Histoire-géographie 13,85 16,80 L'augmentation des livres scolaires est de l'ordre de 12%.