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Une proposition de stratégie pour le 7ème art
Publié dans La Gazette du Maroc le 16 - 02 - 2004

Face aux craintes de voir le cinéma marocain voué au déclin juste après une pénible émergence, le cinéaste Abdelkader Lagtaâ se veut constructif et formule ici des propositions concrètes pour “impulser une nouvelle dynamique à la création cinématographique ”.
Selon l'expression consacrée, les faits parlent d'eux-mêmes. Il y a, d'une part, la crise de l'exploitation cinématographique qui se manifeste d'une manière dramatique, entre autres, à travers l'annonce par Souheil Benbarka de la fermeture du Dawliz de Tanger et de celle de deux salles du Dawliz Corniche de Casablanca. Puis, d'autre part, le montant de l'aide octroyée par le Fonds d'aide à la production qui non seulement n'évolue pas en fonction du coût de la vie mais connaît même une diminution inquiétante. Pour ne citer que mon cas personnel, j'ai obtenu en 1992 une aide de 2.300.000,00 dirhams pour “La porte close” alors qu'onze ans plus tard, en 2003, je n'ai obtenu que 1.900.000,00 dirhams pour mon nouveau projet intitulé “Corps dérobés” ! Holà ! Où va-t-on ? Plus on avance, plus on recule ?
A ces faits avérés, il faut ajouter l'accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis qui fait planer le risque de nous dépouiller de nos acquis et de nous priver de la possibilité dans le futur d'adopter les mesures susceptibles de répondre à nos besoins de production et de création.C'est à vous saper le moral, ma parole ! En effet, comment, dans cette situation, ne pas se sentir concerné par la fragilité et l'incertitude qui frappent le secteur cinématographique, de nouveau encore malmené ?
Pour ma part, j'ose penser qu'il est grand temps de se rendre réellement compte que le cinéma est l'un des rares moyens d'expression artistique et culturelle en mesure d'accompagner, voire annoncer, les changements qui travaillent la société, questionner ses récits et ses mythes fondateurs et défricher de nouveaux territoires afin de contribuer à son niveau à impulser une nouvelle dynamique à la création de chez nous. Mais cette aspiration ne peut s'accomplir sans une stratégie globale élaborée en commun par toutes les instances concernées par le secteur cinématographique. De mon point de vue, une telle stratégie devrait s'articuler autour des principaux axes suivants :
1- Fonds d'aide
Depuis sa création, il y a vingt ans, le Fonds d'aide demeure le guichet unique dont toute la production est tributaire. Personne ne conteste qu'il ait rendu et continue à rendre un service unique en son genre au Maroc au cinéma national. Toutefois, il y a lieu de soumettre à une nouvelle réflexion quelques aspects de son fonctionnement. Les montants de l'aide (désormais, depuis cette année, c'est une avance sur recettes) n'ont pas évolué comme ils devraient logiquement l'être, en fonction du coût de la vie. Pire, souvent ils diminuent, comme je l'ai indiqué plus haut. Ce qui pénalise injustement les nouveaux films. Les critères d'octroi de l'aide restent trop flous, ce qui soulève la question de savoir quels sont les films susceptibles d'avoir légitimement accès à cette aide. Est-ce que, par exemple, un film conventionnel et purement commercial mérite d'être encouragé ? Est-ce qu'un réalisateur qui a démontré son manque de créativité dans ses films précédents mérite de continuer à bénéficier de l'aide ? Il se peut que le temps imparti aux membres de la Commission, qui sont remplacés tous les deux ans, les empêche d'élaborer une stratégie claire leur permettant d'encourager en priorité les projets porteurs d'une vision cohérente et d'une approche esthétique adaptée à cette vision. Il se peut aussi qu'il y ait d'autres failles ou lacunes. En tout cas, une réflexion collective autour du bilan de l'expérience ne peut être que stimulante et profitable pour la profession.
2- Chaînes de télévision
La participation des chaînes existantes et à venir dans la production des œuvres cinématographiques nationales devrait être évolutive et plus consistante. A titre d'exemple, pour les chaînes couvrant l'ensemble du territoire national, cette participation devrait se situer actuellement entre un million et deux millions dirhams par long-métrage de fiction, si on tient compte des coûts de production. Pour les autres chaînes, locales ou régionales, selon un pourcentage à déterminer en fonction de leur chiffre d'affaires. L'évolution du cinéma et de l'audiovisuel étant ce qu'elle est, les télévisions publiques et à péage de nombreux pays coproduisent les longs-métrages jusqu'à hauteur de 50% de leurs budgets, ce qui répond à un devoir de contribution à la création nationale et en même temps à un besoin de s'assurer des programmes cinématographiques de qualité et de proximité linguistique et culturelle.
3- Autres structures de soutien
Le guichet unique que constitue le Fonds d'aide ne peut à lui seul répondre aux besoins de plus en plus croissants de la production nationale. La diversité des styles et des approches filmiques, que tous les intéressés semblent appeler de leurs vœux, implique logiquement une diversité plus ou moins équivalente de structures d'accueil et de sources de financement. Dans ce cadre, deux fonds me paraissent réalisables et extrêmement utiles. Le premier fonds, auprès du ministère de la Culture, serait au profit des films adaptés à partir d'œuvres narratives nationales. Ce qui serait une manière d'enrichir l'écriture scénaristique et en même temps de promouvoir la littérature nationale, en donnant le goût de sa lecture au large public qui fréquente les salles obscures. La démonstration a été partout faite que l'adaptation d'un roman au cinéma lui redonne automatiquement une nouvelle renaissance ainsi qu'une diffusion plus importante que lors de sa parution initiale. Le second fonds, auprès des grandes villes et/ou des régions les plus importantes, serait, lui, au profit des films dont au moins une partie, à déterminer, est tournée au sein de leur territoire. De tels tournages contribueraient à n'en pas douter à leur rayonnement tout en les inscrivant dans l'histoire culturelle du pays à travers celle du cinéma national.
4- Public
Contrairement aux idées reçues, la désaffection du public ne correspond aucunement à une évolution naturelle du cinéma, ni non plus à celle de la pratique culturelle. Elle résulte en réalité d'une attitude consciente ou inconsciente d'abandon du secteur, en le livrant pieds et poings liés à l'anarchie du marché sauvage qui s'installe de plus en plus dans notre région. Il suffit d'ailleurs de regarder du côté de nos voisins maghrébins pour se rendre compte de l'ampleur des dégâts et des risques que nous courons si nous demeurons indifférents à la tournure délétère que prennent les choses. Il y a quelques années encore, le cinéma tunisien manifestait une créativité et une vitalité inédites au sein du Maghreb. Le nombre de salles de cinéma ayant dramatiquement rétréci comme peau de chagrin, passant de plus de deux cents (200) salles héritées de la période coloniale à environ quinze (15) actuellement, il était tout à fait prévisible et inéluctable que la production tunisienne en pâtisse immédiatement et perde l'énergie vitale qui l'animait pour s'enfoncer dans celle du désespoir. Si nous ne voulons pas connaître le même sort, il est absolument urgent et indispensable de procéder à l'assainissement du contexte et à l'élaboration d'un ambitieux plan d'actions multimédias en direction des spectateurs actuels et potentiels. Ce plan suppose une étude détaillée sur le public et la fréquentation des salles de cinéma puis, en fonction des résultats, l'adoption des mesures adéquates pour ramener le public vers les salles, notamment par une campagne multimédias destinée à faire prendre conscience aux citoyens de l'intérêt vital du cinéma national pour leur culture, leur imaginaire et leur identité. Il exige en outre des mesures nouvelles, comme par exemple l'instauration de réduction au profit des élèves, des étudiants et des seniors ainsi que toute autre forme de sensibilisation et d'incitation appropriée et efficace. Le salut, à n'en pas douter, sera à la mesure des efforts déployés.
5- Censure
Comme chacun sait, la liberté est le premier des droits de l'homme. C'est pourquoi il me semble nécessaire de préserver et renforcer la liberté d'expression en procédant au remplacement de la Commission de contrôle existante par une Commission de classification indépendante. Ses membres doivent être suffisamment outillés pour étudier les films et être choisis parmi les pédagogues, les psychologues, les sociologues, les défenseurs des droits de l'homme, les critiques et les créateurs. Comme c'est le cas dans les pays démocratiques, une telle commission n'est pas instituée pour brimer la création ou mutiler les oeuvres. Consciente qu'elle est que les critères et les règles sont appelés à évoluer en fonction de l'évolution de la société et des valeurs universelles, elle doit chercher plutôt à essayer de préserver les films de l'arbitraire et, en cas, de scènes litigieuses, d'avoir un dialogue avec les auteurs concernés. Ainsi, elle doit prévoir de laisser le choix au producteur et au réalisateur de garder les scènes ou plans incriminés, s'ils veulent courir le risque de voir leur film interdit aux spectateurs n'ayant pas atteint un certain âge, à déterminer, ou bien d'accepter de les éliminer s'ils préfèrent que leur film soit accessible à tous les publics. Une manière civilisée d'appréhender le caractère transgressif inhérent à toute création.
6- Promotion
Par rapport aux autres arts, le cinéma reste une forme d'expression relativement coûteuse, surtout pour des pays où le pouvoir d'achat de la majorité est très bas et où le marché intérieur est particulièrement étroit. Ce qui explique la nécessité de conquérir des marchés extérieurs pour espérer rentabiliser l'investissement et permettre ainsi à la production de maintenir son niveau actuel, voire de la développer. Toutefois, dans le contexte actuel, cette ambition rencontre quelques handicaps, parmi lesquels le fait que le Maroc ne soit pas encore suffisamment perçu à l'étranger comme un producteur d'images et le fait qu'il ne dispose pas de producteurs de films assez robustes pour prendre en charge la campagne de promotion qu'implique une telle ambition. En conséquence, il n'y a que les pouvoirs publics qui sont à même de répondre à ce besoin. Cette promotion peut prendre plusieurs formes successives et/ou simultanées, comme la participation aux marchés des films et l'organisation de semaines cinématographiques, en priorité dans les pays avec lesquels nous avons des accords de coopération cinématographique et dans ceux où il existe déjà un public maghrébin potentiel, comme la France, l'Italie, la Belgique, la Hollande et l'Allemagne. Dans le même but, il serait judicieux aussi d'étudier l'opportunité, dans un premier temps, d'allouer certains avantages à des vendeurs internationaux et distributeurs étrangers pour susciter leur intérêt et les aider à faire connaître notre cinéma à travers le monde.
7- Piratage
Cependant, cette stratégie restera inévitablement lettre morte ou sera inexorablement vouée à l'échec si une solution appropriée n'est pas apportée au grand sujet qui fâche, à savoir le piratage. Il s'agit évidemment autant du piratage des films par tous les procédés connus, comme la cassette vidéo ou le DVD et ses dérivés, que du piratage des chaînes et des bouquets satellitaires auquel toute la société semble avoir béatement succombé, y compris ceux de ses membres qui en souffrent directement et qui risquent, en demeurant les bras croisés, d'avoir leur avenir derrière eux, y compris aussi ceux qui sont payés pour le combattre. Ce qu'il faut rappeler ici, c'est qu'il est devenu de plus en plus fréquent, notamment à Derb Ghallef et ses succursales, de trouver des copies piratées de nombreux films avant même leur sortie dans les salles. Ce qui porte un très grave préjudice aux producteurs de ces films, à leurs auteurs et à leurs distributeurs marocains, en leur faisant une concurrence illégale et déloyale et en contribuant fortement ainsi à la désaffection du public des salles. Ce qui, d'une manière directe, pénalise le Fonds d'aide dont une partie des ressources provient d'un pourcentage sur les tickets et dont dépend étroitement la production cinématographique nationale. Quoi qu'on dise, aucune raison d'aucune sorte ne peut justifier l'existence et la prolifération de ce fléau national qui dépasse le cadre du cinéma et de l'audiovisuel et qui va finir par ôter leur crédibilité à un gouvernement et à un Etat qui ferment les yeux sur une activité criminelle qui a ostensiblement pignon sur rue.
Abdelkader Lagtaâ
Réalisateur


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