Procès des cadres du CIH Les cadres poursuivis dans le scandale du CIH sont dans l'œil du cyclone. Leur procès qui s'ouvre ce lundi 19 janvier à la Cour spéciale de justice ( CSJ ) ne laisse pas augurer d'un sort enviable. Le rapport du juge d'instruction ainsi que le réquisitoire du parquet de la CSJ, achevé le 12 janvier dernier, sont accablants et les présentent comme les véritables coupables de cette fraude à grande échelle. À chacun ses méthodes pour ordonner des dépassements flagrants aux procédures, à chacun ses largesses qui puisent à tour de bras dans les deniers publics. Ce lundi 19 janvier 2004 est un jour chargé à la Cour spéciale de justice ( CSJ ). C'est le jour de l'ouverture du procès des cadres présumés coupables de détournements de deniers publics du CIH. Une accusation grave punie sévèrement par les articles 32 et 36 du dahir portant constitution de la CSJ et les articles 354, 357, 360, 128 et 129 du code de procédure pénale. La polémique et la panique sont donc de mise. L'inquiétude grandit dans l'esprit des cadres poursuivis dans cette affaire et les interrogations se bousculent dans l'opinion publique. La procédure engagée par le ministère de la Justice ira-t-elle jusqu'au bout ? Les donneurs d'ordres, obligés ou intéressés, seront-il identifiés parmi ceux dont on a cité les noms dans le rapport du juge d'instruction et jugés pour autant, ou bien se contentera-t-on de quelques faire-valoir qui ont le profil du coupable désigné? En tout cas, la manière avec laquelle a été traitée l'affaire ne laisse pas augurer d'un sort enviable à la majorité des cadres cités à comparaître. Depuis que le juge d'instruction de la CSJ, Mohamed Sefrioui, a rendu sa copie, les cadres de cet établissement public sont dans l'œil du cyclone. Leur situation a été aggravée davantage lorsque le parquet a approuvé les poursuites et a ordonné l'inculpation de 18 cadres. Le réquisitoire du procureur général du Roi achevé le 12 janvier courant reproduit textuellement les mêmes chefs d'accusation retenus par le juge d'instruction. Il relate dans le détail et dans l'ordre chronologique, affaire par affaire, les différents dossiers litigieux de la banque. Ainsi, à l'image de ses prédécesseurs, le parquet de la CSJ a réparti ses investigations sur les deux axes majeurs du scandale du CIH : la gestion de la banque et les crédits octroyés. Dans l'ensemble, les accusations portées contre les cadres sont, entre autres, le détournement et la dilapidation de deniers publics, le faux en écriture bancaire, l'usage de faux, l'abus d'influence et la complicité. À chacun ses méthodes pour ordonner des dépassements flagrants aux procédures, à chacun ses largesses qui puisent à tour de bras dans les deniers publics. Le premier chapitre du réquisitoire est consacré à Abdelhak Benkirane, l'ex-directeur général du CIH. Presque une vingtaine de pages du pamphlet du parquet épinglent, sous toutes les formes, cet ex-bras droit des deux ex-Pdg du CIH, Othman Slimani et Moulay Zine Zahidi. Quelques chiffres, juste pour fixer l'ordre de grandeur des délits retenus par la CSJ contre ce retraité de la banque : 1,5 million Dhs, non remboursé, à titre de crédit personnel pour l'achat d'une somptueuse villa pour le compte d'un de ses fils, 373 millions Dhs accordés à Dounia Hôtels sans aucune garantie et non récupérés jusqu'à l'écriture de ces lignes, 69,7 millions Dhs octroyés à Socopsun sans aucun respect des procédures, 7 millions Dhs abandonnés au profit de la société immobilière Mourad Sakan… Et la liste des affaires douteuses est encore longue. Toujours en matière de crédits, il est reproché à Benkirane le fait de renoncer à une créance de 37 millions Dhs au profit des promoteurs du complexe résidentiel du Nord Kabila Marina, malgré toutes les réserves de la commission administrative de la banque. De même, Benkirane a donné également son feu vert pour débloquer des sommes faramineuses pour le financement à 100 % de la clinique El Hakim sans prendre les mesures nécessaires pour recouvrer cet argent utilisé on ne sait à quelle fin. C'est ainsi que le CIH a financé des projets qui étaient déjà achevés, l'argent ayant donc servi à autre chose qu'à des réalisations hôtelières ou immobilières. C'est ainsi que des projets ont été financés sans qu'ils n'aient jamais vu le jour et sans que le CIH puisse assurer le suivi réglementaire de ce qu'il a financé notamment par des rapports de visite. Le CIH a accordé des crédits sans aucune forme de garanties, parfois équivalent à 100 % du coût total du projet. Des débiteurs en cessation de paiement volontaire, sans raison valable et vérifiable, ont bénéficié de nouveaux crédits. Des contrats d'hypothèque ont été subtilisés. Des dettes ont été reportées d'un client à un autre, sachant que ce dernier jouit suffisamment d'immunité pour ne pas être inquiété. Dans ce registre, le parquet retient le cas litigieux du complexe Palm Dune de son propriétaire Farouk Bennis. Des sommes faramineuses débloquées par le CIH, avec l'intervention de Benkirane, n'ont jamais été recouvrées pour un projet qui n'a été achevé qu'à hauteur de 50 % et dont la cession des parts a été réalisée, grâce à des jeux d'écritures, au profit d'une poignée de Saoudiens. D'autres affaires comme le groupe Balafrej, la société Habiba, la société Oum Rabii, le groupe Benkirane pour la promotion immobilière, la société Strasbourg, ont également bénéficié de la manne du CIH par l'entremise des anciens Pdg du CIH et de leurs collaborateurs. Les chiffres contenus dans le rapport du juge d'instruction donnent une idée, tout aussi effarante, d'une forme de gestion de fonds publics et de toute la conception qui présidait à la direction générale de la banque. Le plus ahurissant, ce sont les techniques d'éponge utilisées par certains hauts responsables de la banque. La recette ? On efface l'ardoise sur l'injonction d'un donneur d'ordres à qui on ne peut pas dire non. Les sommes détournées donnent le tournis Toujours dans le registre des crédits, il est reproché, entre autres, à Moulay Zine Zahidi, en état de fuite, le fait d'abandonner une créance de l'ordre de 45 millions Dhs au profit d'un investisseur, Mohamed Lakhdar. Ce dossier est un héritage de l'ère Othmane Slimani où la dette globale du promoteur avait atteint un pic de 170 millions dirhams “sans respect des procédures”. En fait, la plupart des grands dossiers du scandale se sont étalés sur plusieurs managements successifs. Le parquet ainsi que le juge d'instruction de la CSJ ont pris le soin de lister, à la fin de chaque cas, les personnes responsables de dilapidation. Les mêmes noms reviennent souvent : ceux des deux Pdg et le staff de la direction générale qu'on retrouve dans toutes les affaires. Pendant 15 ans, sous la direction de Othmane Slimani, de Moulay Zine Zahidi et de leurs proches collaborateurs, Abdelhak Benkirane et Rkia Zirari et autres cadres non moins importants, le CIH a été une excellente vache à lait, sucée jusqu'à l'os et sans même les ménagements de forme dont s'entourent habituellement les fraudeurs professionnels. C'est le cas de Othmane Slimani à qui incombe la responsabilité de mauvaise gestion de la banque aggravée par des accusations de dilapidation de deniers publics. Les sommes avancées par le juge d'instruction donnent le tournis quant aux crédits octroyés à des clients qui n'ont ni les moyens ni la volonté de rembourser quoi que ce soit. L'ardoise est estimée à plusieurs centaines de millions Dhs que Slimani, et ses proches collaborateurs ont accordé pour le financement de projets sans aucune garantie, parfois dépassant la barre des 10% de son capital et parfois équivalent à 100% du coût total du projet ( le cas de la clinique Hakim ). Sous la direction de Slimani, le CIH a couvert l'achat de terrains, d'actions en bourse, de bateaux de pêche et la construction de cliniques, ce qui est contraire aux activités qui lui sont reconnues par son statut et dont il n'a ni les compétences humaines ni les techniques de contrôle. Non-respect de la procédure d'octroi de crédit et de la constitution de garanties et délivrance irresponsable de mainlevées, et autres vices de procédure sont les principales déficiences qui accablent Slimani et la majorité des cadres de l'ex-OFS poursuivis dans le cadre de cette affaire. À la lecture du rapport du juge d'instruction de la CSJ, appuyé par le réquisitoire du parquet de la CSJ, l'on s'aperçoit que la majorité des cas litigieux impute la responsabilité presque aux mêmes auteurs. Pire encore, pour se défendre les cadres se jettent la culpabilité et se renvoient la balle. Les clarifications, nécessaires, apportées par la Justice mettent, cependant, chacun des protagonistes devant ses responsabilités pour rendre compte de ses actes. Les coupables convaincus de détournements ou de dilapidation de deniers publics sont, dans un premier temps, identifiés et doivent rembourser ce qu'ils ont détourné du CIH. Le procès fleuve n'est qu'à son début et les confrontations qui devront avoir lieu feront, à coup sûr, éclater toute la vérité dans un procès qui a défrayé la chronique judiciaire. «Des débiteurs en cessation de paiement volontaire, sans raison valable et vérifiable, ont bénéficié de nouveaux crédits. Des contrats d'hypothèque ont été subtilisés. Des dettes ont été reportées d'un client à un autre, sachant que ce dernier jouit d'immunité pour ne pas être inquiété». Les cadres du CIH et leurs chefs d'inculpation Noms des accusés Fonction Motifs de pousuites 1-Othman Slimani : ex-Pdg du CIH : dilapidation des deniers publics et abus d'influence 2-Moulay Zine Zahidi : ex-Pdg du CIH : détournement et dilapidation de deniers publics, abus d'influence, faux et usage de faux. 3-Abdelhak Benkirane : ex-DGA du CIH : dilapidation de deniers publics, abus d'influence 4-Kamal Agueznaï : directeur délégué du CIH : dilapidation de deniers publics. 5-Rkia Zirari : ex-DGA du CIH : dilapidation de deniers publics et abus d'influence. 6-Driss Hamri : directeur central du CIH : dilapidation de deniers publics et complicité. 7-Ahmed Basset : cadre évaluateur des crédits : dilapidation de deniers publics 8-Abdallah El Haïmer : directeur général du CIH : dilapidation de deniers publics et abus d'influence. 9-Abderrazak Ouali Allah : directeur central du CIH : dilapidation de deniers publics. 10-Belkacem Aouragh : directeur délégué du CIH : dilapidation de deniers publics. 11-Abdellatif Sadek : directeur délégué du CIH : dilapidation de deniers publics. 12-Mokthar Filali Ansari : directeur délégué du CIH : dilapidation de deniers publics et usage de faux . 13-Zakaria Machich : directeur d'agence du CIH : dilapidation de deniers publics. 14-Ahmed Skali : directeur délégué du CIH : dilapidation de deniers publics et abus d'influence. 15-Moulay Arafa Alaoui : ancien SG du CIH : dilapidation de deniers publics. 16-Mohamed Bennani : directeur d'agence du CIH : dilapidation de deniers publics. 17-Mohcine Laraïchi : cadre évaluateur des crédits : dilapidation de deniers publics. 18-Naïma Houyame : directrice d'agence en fuite : détournements et dilapidation de deniers publics. Les dossiers litigieux cités dans le rapport du juge d'instruction de la CSJ Groupe Dounia Hôtels PLM; Karakchou et Amal KSA; Groupe Palm Dunes; Société immobilière Al Youssoufia; Société Immobilière Socopsun; Groupe Balafrej de Promotion Immobilière; Groupe Abdelfattah Bargach Investissement Hôtelier; Groupe Mohamed Saïd Lakhdar; Groupe Benkirane de Promotion Immobilière; Hôtel Atlantic Palace; Groupe Assalam; Société Arssat Chaouia; les crédits Jeunes promoteurs; Société Hati Métal; Dossier de feu Alaoui M'hamdi Abderrahman; Groupe Mechbal; Clinique Hakim et Promo Clinic SA, Société Oum Rabii; Société Kabila Marina; Société Immobilière des OEuvres Sociales de l'ONE ; Clinique Al Kadi Casablanca ; le groupe Socopsun; la société Nofagil des pêches maritimes; Groupe Tazi; Groupe Jassem; Groupe Salam; Imprimerie Rapide; Groupe Ahmed Achlih; Hôtel Semiramis; Dossier Hanane Club; Hôtel El Borj Marrakech; Société Hatimital; dossier de Mohamed Idrissi, promoteur immobilier; Groupe Sahara Tours; Crédit du Nord; Executive Shirt; dossier Zaïd Co.