Trois petits tours et puis s'en va ! N'ayant pas séjourné longtemps dans les salles marocaines, «Trafic» s'est éclipsé en douceur et sans faire de bruit. Se fier à la bande-annonce du film peut en effet réserver des déceptions. A la recherche de divertissement, mais aussi séduits par la réputation de “ Trafic ”, les spectateurs ont été déçus par ce qu'ils ont considéré comme un long et ennuyeux reportage sur la drogue. Aujourd'hui, il s'agit pour nous de rétablir l'image de marque d'un film mésestimé, mais aux qualités certaines. Que peut faire un individu face à l'implacable machine qu'est la société moderne, avec ses pernicieuses dérives, telle la drogue ? Ce sentiment d'impuissance face à ce fléau ravageur est retracé magistralement par Steven Soderbergh dans “ Trafic ”, film réalisé fin 2000. Abordant l'univers sombre du trafic de drogue à grande échelle et, plus précisément, à la frontière américano-mexicaine, “ Trafic ” brosse un panorama complet de la problématique, sans discours creux, ni moralisme. Il entrecroise, avec la rigueur d'un documentaire, trois histoires distinctes, mais qui, se regroupant, n'en forment qu'une, en définitive. Il constitue un patchwork réunissant les trois faces de la drogue : celle du flic de terrain, interprété majestueusement par Benicio Del Toro, évoluant aux côtés de Michael Douglas, celle des politiques, corrompus ou non, et celle des personnes que la drogue fait vivre ou périr. Peu conventionnel, “ Trafic ” est un film dense, tant par ses informations que par les situations. Soderbergh en facilite la lecture par une astucieuse filtration des couleurs en fonction des lieux, qui permet de situer immédiatement l'action. Un peu labyrinthique au départ, à cause des incessants changements de scènes et de plans, “ Trafic ” constitue très vite un récit, limpide et logique, bien que suivant plusieurs itinéraires. Servi par une prouesse technique (caméra d'action à l'épaule) et un style dépouillé ne s'autorisant ni superflu ni facilité, “ Trafic ” tranche avec les stéréotypes hollywoodiens par une approche exhaustive et non thématique du problème de la drogue. Approche plus objective et ludique que subtile, et qui a le mérite de rester au niveau de l'humain et de prendre le spectateur pour autre chose qu'un benêt manichéen. Film d'action-vérité, Trafic prouve, par la même, que le cinéma américain n'est pas condamné à se cantonner dans la pensée unique. Renforçant la crédibilité du film, l'aspect documentaire, à travers un dosage modéré des actions, confère à “ Trafic ” une maestria indéniable.