Depuis la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, il y a près d'un siècle, jusqu'à la jurisprudence la plus récente du Conseil d'Etat, de nombreux jalons ont été posés qui permettent d'éclairer le débat actuel sur le voile et la laïcité à l'école. • Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi" (art.10) • Loi de 1905, dite de séparation de l'Eglise et de l'Etat: "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes (...).La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte." • Préambule de la Constitution de 1946 : Ce préambule fait de "l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïc à tous les degrés un devoir de l'Etat". • Constitution de 1958 : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances." (art.1er) • Loi d'orientation sur l'éducation (10 juillet 1989) : "Dans les collèges et les lycées, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d'information et de la liberté d'expression. L'exercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux activités d'enseignement." • Conseil d'Etat (avis du 27 novembre 1989) : La liberté d'expression reconnue aux élèves, écrit le Conseil d'Etat dans cet avis, "comporte pour eux le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité". "(...) Dans les établissements scolaires, le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité (...)". La liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses "ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes d'appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés, individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement normal du service public". • Conseil d'Etat (arrêt dit "Khérouaa" du 2 novembre 1992) : A propos d'un article du règlement intérieur d'un collège interdisant "le port de tout signe distinctif, vestimentaire ou autre, d'ordre religieux, politique ou philosophique", le Conseil d'Etat écrit: "par la généralité de ses termes, ledit article institue une interdiction générale et absolue en méconnaissance (...) notamment de la liberté d'expression reconnue aux élèves dans le cadre des principes de neutralité et de laïcité de l'enseignement public". Les sages jugent donc ces dispositions "illégales" et demandent "l'annulation" de l'article. • Conseil d'Etat (arrêt dit "Aoukili" du 10 mars 1995): "considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Fatima et Fouzia Aoukili ont refusé, lors d'un enseignement d'éducation physique, d'ôter le foulard qu'elles portaient en signe d'appartenance religieuse; que le port de ce foulard est incompatible avec le bon déroulement des cours d'éducation physique; que la décision d'exclusion définitive de ces deux élèves a été prise en raison des troubles que leur refus a entraînés dans la vie de l'établissement, aggravés par les manifestations auxquelles participait le père des intéressées à l'entrée du collège; qu'ainsi la sanction de l'exclusion définitive dont elles ont fait l'objet était justifiée par les faits relevés à leur encontre". • Conseil d'Etat (arrêt dit "Ligue islamique du Nord" du 27 novembre 1996) : "Considérant qu'il ressort des pièces du dossier (...) que les 17 élèves en cause ont participé, notamment le 3 octobre 1994, à des mouvements de protestation ayant gravement troublé le fonctionnement normal de l'établissement, et ayant au surplus été soutenus par des éléments extérieurs à celui-ci; que ces élèves ont ainsi excédé les limites du droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires; que la sanction de l'exclusion définitive qui a été infligée à ces 17 élèves était légalement justifiée par les faits ainsi relevés à leur encontre". • Conseil d'Etat (arrêt dit "Aït Ahmad" du 20 octobre 1999) : "L'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses ne fait pas obstacle à la faculté pour les chefs d'établissements d'enseignement et, le cas échéant, les enseignants, d'exiger des élèves le port de tenues compatibles avec le bon déroulement des cours, notamment en matière de technologie et d'éducation physique et sportive." "Le foulard par lequel on entendait exprimer ses convictions religieuses ne saurait être regardé comme un signe présentant par sa nature un caractère ostentatoire ou revendicatif, et dont le port constituerait dans tous les cas un acte de pression ou de prosélytisme".