Mohamed Arkoun à Casablanca L'institut français de Casablanca a organisé à la mi-juin une rencontre avec le professeur Mohamed Arkoun sous l'intitulé : “De Manhattan à Bagdad : au-delà du bien et du mal”. L'objet de cette conférence a été la recrudescence du Jihad dans les sociétés arabo-musulamanes, principalement après les attentats du 16 mai dans la ville de Casablanca. Pour comprendre les soubassements de la montée spectaculaire de la violence parmi certains courants fondamentalistes, Arkoun a procédé à une lecture critique de l'histoire universelle dont l'Islam constitue une composante fondamentale. Le professeur a fait remarquer que le retour en force du Jihad est la résultante d'une "crise de l'histoire" que traversent les sociétés arabo-musulmanes depuis des décennies. Ainsi, estime Arkoun, le Jihad est considéré comme une forme de contestation contre la mondialisation, la marginalisation et la mise à l'écart des Musulmans. Bien plus, ces idées nourrissent “l'imaginaire social” de certains courants intégristes qui déclarent la guerre sainte contre les “infidèles et les impies” du monde entier à l'image des attentats perpétrés sur le sol américain le 11 septembre 2001. Depuis lors, le Jihad ne cesse de faire tâche d'huile dans plusieurs pays arabo-musulmans. Pour contrer ce fléau, Arkoun a proposé une analyse socio-historique de la religion musulmane. Selon lui, ce travail est capable d'éradiquer les usages idéologiques qui entachent l'islam et entretiennent la culture de la haine et de la violence. En pratique, il s'agit d'ouvrir plusieurs chantiers de travail avec pour objectif principal l'insertion historique des sociétés arabo-musulmanes dans l'histoire universelle. Pour reprendre l'exemple du Maroc, Arkoun a fait remarquer que le royaume ne peut être dissocié de sa sphère géopolitique qui influe sur le cours de son histoire. A ce niveau, l'espace maghrébin doit remplacer le Maghreb qui recèle des connotations idéologiques. Cet espace serait capable, selon le professeur, d'endiguer les conflits et de reconstituer les mémoires collectives de chaque communauté. A ce niveau, Arkoun regrette que les sociétés arabo-musulmanes dénigrent leur histoire culturelle riche de plusieurs siècles. C'est d'ailleurs l'une des raisons principales du vide culturel qui se manifeste par la démission des institutions de base telles que la famille, l'école et la communauté, dans la construction de l'imaginaire social des citoyens. Car de là, estime le professeur, on serait en mesure de comprendre les déviances des jeunes intégristes qui peinent à se défaire des représentations idéologiques étriquées de la religion musulmane. Et pour pallier cette situation dramatique, Arkoun appelle les pays arabo-musulmans à mettre en place “un système éducatif moderne” dont la pierre d'achoppement serait l'enseignement pédagogique d'une histoire critique et pluridisciplinaire. En pratique, il faut que l'Islam s'ouvre sur les histoires des cultures et des religions. Selon lui, l'Islam est capable de contrôler les conduites et les comportements sociaux dans nos sociétés. Car le fondamentalisme résulte principalement de la négligence des fonctions de la religion, comme étant la police d'assurance contre la violence et la haine. De là, Arkoun aboutit à l'idée que le choc des cultures n'atteigne que celles réduites à des idéologies mal fondées, telles que les nationalismes ou l'Islamisme... C'est pourquoi, il a appelé à un dialogue entre les cultures et les religions. Son objectif étant de mettre en place une “politique d'espérance” telle qu'elle est en train de se faire au Proche-Orient, à l'espace méditerranéen ou encore au sein de l'Union européenne. A la fin de son intervention, le professeur Mohamed Arkoun s'est dit convaincu que le Maroc, en la personne de son Souverain, est capable de garantir une politique de “différence” dans le cadre d'une monarchie forte et tolérante.