Marc Onetto, vice-patron de General Electric au Maroc Des géants du gabarit de General Electric (GE) sont parmi les plus ardents défenseurs du projet de libre-échange. On y gagne surtout en termes de transferts de modèles percutants de management d'entreprise et de performances avancées de Qualité totale. C'est ce que s'est attaché à présenter le vice-président Europe de GE lors d'une conférence le vendredi 14 mars à l'Institut du transport aérien de la RAM. Pour résumer le substrat de cette journée, Mohamed Berrada, PDG de la RAM n'a pas hésité à faire une confession d'humilité à la clôture de l'événement: «franchement, j'ai beaucoup appris. Marc, tu me dépasses sur tous les plans. Ce serait bien dommage que nos entreprises n'en profiteraient pas». Mais l'expert français du fabricant mondial multimétiers n'a pas dérogé à la règle d'usage que dicte la sagesse socratique: «nous avons beaucoup plus à apprendre que ce que nous croyons savoir déjà». Le GE management system Comme il ne manque surtout pas de le rappeler, si la multinationale nord-américaine représente, aujourd'hui, la plus grosse capitalisation boursière sur le globe, que la production de ses 13 métiers (industrie aéronautique, finances...) génère plus de 150 milliards de dollars de chiffre d'affaires et qu'elle emploie plus de 300.000 collaborateurs, leaders, salariés et cadres, c'est que derrière ce «monstre sacré» il y a un secret: le GE management system. La règle d'or qui régit tous les processus de gestion des mécanismes opérationnels: la détection des hauts potentiels et les compétences aux commandes. «Nous vivons en méritocratie». Pour ce faire, il est impératif de respecter scrupuleusement les traditions essentielles de l'industriel américain. C'est qu'on ne badine avec l'éthique morale et professionnelle des compétiteurs et businessmen du pays de l'oncle Sam qui met en tête de série «l'intégrité» imposant l'obligation d'être les meilleurs en jouant les règles du jeu. «Nous voulons gagner la course à la Carl Lewis, et non à la Ben Johnson». La seconde tradition a trait à l'impérative remise en cause, sans discontinuer, pour s'efforcer de demeurer toujours performants. L'observation de ces principes incontournables guident l'obligation de croissance et inspire la «passion du client». Comment fonctionne la GRH chez le mastodonte de l'industrie de la première puissance planétaire? «Il faut viser l'excellence et la vivre tous les jours», annonce d'emblée Marc Onetto. Le management system de GE effectue des étapes successives et commence par «le réflexe des technologies et des marchés», une stratégie triennale de plans business et la phase à court terme concrétisée par les budgets annuels, les résultats des ventes, le cash flow, et les investissements nouveaux. Cette «stratégie de la people review» repose entièrement sur la motivation et le développement des ressources humaines qui permettent au compétiteur de pouvoir «viser toujours très haut». Se référant souvent à l'ouvrage de Jacques Wellch, manager number one du géant industriel intitulé «Mon expérience de patron», il a beaucoup insisté sur les deux critères fondamentaux et indissociables qui président à la «Session C du Processus de Management» maison: les performances et les valeurs. A propos du bouquin, le PDG de la RAM, très attentif tout au long de la conférence, eut ce beau geste de décider de faire distribuer le précieux document à tous les participants et invités, une fois celui-ci préfacé par Marc Onetto. L'orateur a énuméré les diverses techniques GRH utilisées, plans de succession, plans de développement, initiatives multibusiness, évolutions par rapport à l'année précédente, des outils indispensables pour garantir la croissance et la pérennité de l'entreprise. Les feed-backs à 360 degrés, les programmes d'introduction dans l'entreprise, d'expertise professionnelle et de développement personnel, le système EMS (Employé management system), les incentive compensation, le programme des stocks-options au bénéfice des 10.000 à 40.000 collaborateurs, autrement presque tous les cadres, l'implication active et totale des systèmes de pilotage, en tête de peloton le chairman de GE et autres, autant de «recettes» aguerries de développement et de valorisation des ressources humaines. «La plus grave erreur à ne pas commettre consiste à promouvoir les gens au-delà de leurs compétences. Ils seront très malheureux», a-t-il mis en garde. Expliquant que tout individu atteint, tôt ou tard, un niveau d'incompétence et qu'il faut, en conséquence, savoir reconnaître ses propres limites. Plus concrètement, l'acceptation par tous de la règle du jeu se traduit par l'application impartiale du principe «the right man at the right place». La matrice des 4 cases, mesurant les performances et les valeurs individuelles exclut également des opportunités d'ascension «ceux qui produisent de bons résultats aux dépens de la charte des valeurs de l'entreprise». Anticipant le verdict final à long terme: «ceux-là ne feront plus partie de l'entreprise». Les 3 niveaux de classification opératoires hiérarchisent les collaborateurs en Top, Middle et Bottom men et, tout autant que l'avancement que le «dégraissage» sont de la sorte rapidement «réglés». Marc Onetto a tenu à attirer l'attention sur le fait que «les grandes équipes sont formées autour de grandes individualités et que la pérennisation ne peut marcher qu'avec la remise en cause perpétuelle». En conclusion, le système de leadership sur lequel est fondée la GRH américaine doit être en mesure de savoir récompenser l'esprit d'équipe et la performance individuelle, ce qui peut sembler a priori paradoxal et tellement difficile à mettre en pratique. Répondant aux questions de La Gazette du Maroc, l'orateur a assuré que le GE System Management s'applique à tous les échelons de la pyramide des grades, y compris le plus haut rang de position hiérarchique. «Nous n'avons pas de rentes de situations ni de siège non-éjectable», précisa-t-il. Avant de préciser que le modèle d'organisation sur lequel évolue GE est «complètement décentralisé» et que J. Wellch a tenté de dénommer par le paradigme de «Integrated Diversity» accompagné d'une forte implication des valeurs de l'entreprise, elles-mêmes puisées dans l'universalité de l'humanité de référence. Quant à la conflictualité, il a indiqué que les managers de GE s'évertuent à «gérer par la candeur les paradoxes pour tirer des hommes le meilleur, et non le pire». La RAM à la conquête du zéro défaut Bien sûr, et par ses voix les plus autorisées, la RAM a beaucoup à apprendre dans ce domaine mais le transporteur aérien y va de bon pied, avec la ferme résolution de s'approprier, dans un délai de 2 à 3 ans, le programme Six Sigma qui gère en priorité la variabilité avant les moyennes, ce qui «est contraire à tout ce que la culture scolaire a inculqué», nuance Marc Onetto. Concrètement, la mise en route du programme est susceptible de générer des résultats tout à fait impressionnants. «Ce système permet de faire dix fois mieux les choses», a tenté de convaincre l'expert du géant américain, ayant réussi à capter une salle «concentrée» et admirative devant les exploits de la multinationale. Quand on pénètre dans la mesure comparative, une entreprise «cotée» deux Sigma réalise 30% de défauts et une «trois Sigma» 6,6% de non-qualité. Le processus d'évolution de la performance Qualité donne, en fin de parcours, 3,4 défaut par million d'opérations, ce qui la situe à proximité du zéro défaut. La transposition de ce système qui, en fait, regroupe l'ensemble des outils de la démarche Qualité, à la RAM repose, selon l'orateur, sur la mobilisation des «troupes, les «blacks belts» et la communication devront pouvoir fédérer l'ensemble des collaborateurs et intervenants de l'entreprise. Pour ce faire, il faut un projet bien défini, d'un niveau faisable et à impact business, une discipline méthodologique et un high-contact qui met constamment la pression sur les «le best people» pour les inciter à être les meilleurs. «Le choix de la RAM répond à une combinaison de deux critères de sélection: le degré de développement de la Compagnie et l'intérêt qu'elle présente pour la stratégie internationale de GE», explique Marc Onetto. Ajoutant qu'il s'agit en l'occurrence d'un projet commun et non d'une opération de consulting car «vous finirez par vous approprier nos programmes». Il faut signaler que le vice-président Europe de General Electric a été reçu, pendant sa récente visite dans le Royaume, par Driss Jettou qui avait préconisé «de mieux se connaître». Le Premier ministre a appelé son hôte à développer au Maroc de nouveaux business, des créneaux à l'instar de l'énergie éolienne, de faire fructifier les opportunités offertes par le potentiel économique et les investissements possibles. Marc Onetto a fait savoir que l'objet principal de sa mission dans le Royaume avait trait au développement des centres d'appels, une expertise que GE a optimisée en Europe, singulièrement en Italie et en France.