Conférence sur le Maroc, la mondialisation et le nouvel ordre international Une conférence sur le Maroc dans le nouvel ordre international a révélé que ce dernier manque de vision politique et économique moderne. L'école supérieure internationale de gestion (ESIG) a organisé, le 25 février 2003, une conférence-débat sur le thème : “le Maroc, la mondialisation et le nouvel ordre international”. L'objet de la conférence est d'engager un débat sur l'analyse de la situation tant intérieure qu'extérieure du Maroc, au lendemain du gouvernement Youssoufi et à la veille d'une nouvelle crise au Proche-Orient. Lors de ce débat, les intervenants ont essayé d'apporter un nouvel éclairage sur la position du Maroc sur l'échiquier politique international, dominé par un leadership américain de plus en plus contesté. C'est d'ailleurs l'avis de Hamid Barrada, directeur Maghreb-Orient, TV5, chargé d'animer la conférence. Selon lui, la scène politique internationale est dominée par un climat d'incertitude et de doute, surtout à l'approche d'une guerre “programmée” par les Etats-Unis contre le régime irakien. Apocalypse now Marc Krafetz, grand reporter et ancien rédacteur en chef de Libération, a esquissé une image confuse d'un nouvel ordre international, selon l'optique de l'administration Bush. À cet égard, Marc Krafetz a fait rappeler que les Etats-Unis ont toujours été derrière les grands bouleversements du monde. À titre d'exemple, le grand reporter a souligné le rôle déterminant des USA dans le déclenchement de la guerre froide. Et c'est dans la même logique de domination que le président Bush entend «refaire» le monde, notamment le Proche-Orient. L'ancien rédacteur en chef de “Libération” a estimé que la guerre, déclarée par les USA contre le régime irakien, fait partie d'une vision apocalyptique du monde, qui a pour objectif principal : la quête de la suprématie par la recherche d'un nouvel ennemi menaçant, surtout après la fin de la guerre froide. Marc Krafetz a fait rappeler, à cet égard, que les propos tenus par le président Bush Junior, sur la guerre du bien contre le mal, ne sont que la reproduction texto des propos tenus, il y a 23 ans, par le guide spirituel de la révolution iranienne, Khomeini ! Mohamed Tozy, enseignant-chercheur à l'université Hassan II, a estimé, quant à lui, que les événements du 11 septembre avaient engendré des conséquences importantes à différents niveaux : primo, une rupture fatale dans la “chaîne de confiance” du monde moderne. Désormais, le doute s'est installé dans toutes les sphères de la vie quotidienne. Secundo, le renforcement des régimes politiques autoritaires à telle enseigne que les processus de démocratisation ne constituent plus la première priorité. Tertio, l'affaiblissement de l'Europe sur la scène politique internationale. Quarto, un repli communautaireet identitaire, accompagné de l'effacement de la légitimité «nationale» des Etats-Nations. Et enfin, la reconfiguration de la présence de l'islam dans le monde, avec notamment l'émergence de nouveaux “centres de production religieuse” tels qu'Al Qaïda. De là, le chercheur a conclu à une “dérégulation institutionnelle de la religiosité”, partout dans le monde, à l'image de la prolifération des sectes, du salafisme, du soufisme... etc. Pour ce qui concerne le cas du Maroc, Mohamed Tozy est catégorique : le système politique ne dispose pas d'une vision politique capable d'instaurer un dialogue constructif vis-à-vis de ces transformations. À titre d'exemple, le chercheur a fait remarquer que dans l'absence d'une véritable réforme théologique, et faute de théologiens compétents, la réforme du code du statut personnel (Moudawana) se trouve actuellement dans une impasse. C'est pour cette raison que le chercheur a appelé le Maroc à adopter une “vision politique moderne” libérée des traditions et surtout de la religion. Dernier intervenant de la soirée, Rédouane Taouil, professeur agrégé en économie de l'université Pierre Mendès-France, a souligné pour sa part les limites de la politique économique du Maroc. Le fondamentalisme de la misère Selon lui, le Maroc continue d'adopter une politique économique “restrictive”, traduisant un fondamentalisme inflexible et mal fondé. Dans ce sens, l'économiste a rappelé que les arguments des spécialistes et des décideurs marocains manquent considérablement de pertinence. À titre d'exemple, Redouane Taouil a fait remarquer que la stabilité économique (maîtrise du taux de déficit à 3% et celui de l'inflation à 2% en 2002) n'a pas généré une croissance économique et une relance des investissements. En revanche, a estimé le professeur, le Maroc s'est trouvé dos au mur avec la misère qui frappe une bonne tranche de la société marocaine. La cause, d'après lui, en est toute simple : les architectes de l'économie marocaine avaient sacralisé les directives des organisations financières internationales (FMI, Banque mondiale...). De là, Rédouane Taouil, a souligné l‘inutilité des libertés politiques si elles ne sont pas accompagnées de ressources matérielles, capables de garantir les droits fondamentaux des citoyens, comme le droit à l'emploi.