Dans Au-delà de toute pudeur, un livre qui avait fait un tabac, il y a 20 ans, Soumaya Naâmane Guessous avait osé défricher des zones taboues de l'inconscient collectif marocain. Elle avait parlé aux jeunes de ce qui les préoccupe profondément avec une limpidité qui avait jeté une génération d'étudiants et d'intellectuels dans un engouement de «patients» pour une nouvelle thérapie. Comment un livre pouvait-il être une thérapie ? En osant parler de sexe, ce que masque l'écrasante majorité des profanes. Le simple fait de se reconnaître dans les femmes et les hommes, adolescents ou non, dont parlait Naâmane Guessous était un choc salutaire, il ne guérissait aucune psychose sexuelle, il disait au plus grand nombre de lecteurs qu'ils étaient «normaux». Dans son deuxième ouvrage, «Printemps et Automne sexuels «, Soumaya Naâmane est allée plus loin en constatant que les citoyens de base ne font «qu'éviter de parler du corps, pour en renier la fonction sexuelle». Il semble que les Marocains ne soient pas près de parler de leur corps. Comment alors «avoir une meilleure maîtrise de ses pulsions ?» Curiosité D'abord les connaître, savoir qu'elles appartiennent à la simple nature. La sexualité n'est pas une tare. Ni le plaisir sexuel, mais là, nous sommes encore plus loin du compte. Il serait curieux de se demander pourquoi l'Islam, qui ne condamne pas le plaisir sexuel, peut-il avoir été compris comme une religion austère et prude. Il serait utile, pour une réflexion collective, de revenir au texte sacré pour ne plus infliger à sa descendance des complexes destructeurs. Il y a des femmes mariées qui ne savent pas ce que c'est qu'un orgasme. Elles sont sûres d'avoir des pulsions honteuses, elles ont peur d'avoir du plaisir avec leur mari dans un acte destiné à lui fournir du plaisir à lui seul. Mme Naâmane Guessous dit avoir rencontré des «patients et des patientes» qui ne savaient pas la première bribe d'une vie conjugale où le partage sexuel donne du bonheur au couple. Printemps et Automne sexuels est le fruit d'une longue enquête où le retard pris par l'hygiène, la santé, le savoir, oblitèrent tout essai d'initiation à la vie sexuelle. Et les plus touchés sont justement ceux qui n'ont pas été éduqués à parler de leur corps. Périls L'intimité entre la mère et la fille, les mots de vantardise entre jeunes garçons ne suffisent pas à instruire les gens sur leur corps, sur la part du licite et de l'illicite, du permis et de l'interdit. Les petites filles sont instruites dans des briefings semi clandestins par des mères qui en savent à peine plus long, voire qui ne connaissent que des «remèdes «mortels. L'énorme chape de silence qui entoure le plaisir de l'amour pèse aussi sur une faute originelle de la femme, une fois par mois, elle a des menstrues. Les menstrues, selon l'enquête de Mme Soumaya Naâmane, sont universellement considérées comme fâcheuses, voire démoniaques et en tout cas porteuses de périls pour le mari, la famille, le douar et la tribu. Elles attireraient toutes sortes de malédictions. Comment une petite fille de la campagne pourrait-elle ne pas être terrorisée quand elle s'aperçoit qu'elle aussi perd du sang? Un miracle, au Maroc des hommes et des femmes parviennent à dépasser tous ces blocages. Mais il ne faut pas s'attendre à trouver des intellectuels complètement libérés, au sujet de la ménopause et encore moins de l'andropause. La femme perd son seul atout, son seul capital : sa capacité de procréer, l'homme perd tous ses repères parce que son premier repère, son sexe, n'est plus infaillible. Jalon Une société alphabétisée qui a une foi bien moins restrictive que des religions proches pourra-t-elle faire avancer cette partie de la médecine et de la psychologie dans un enseignement purifié des idées obtuses sur la question ? Un livre qui se lit d'une seule traite, parfaitement élaboré, dans une langue extrêmement agréable. Et surtout clair et simple. Soumaya Naâmane Guessous parle de son livre plus comme d'un premier jalon que comme une panacée, mais il faut le souligner, on en a tous à apprendre sur beaucoup de choses encore, bien que l'essentiel ait été assuré. Printemps et Automne sexuels. Soumaya Naâmane Guessous. Eddif. Casablanca, 2000.