Il y a quelques années, lors d'un match opposant le Raja et le WAC, à Casablanca, des intoxications alimentaires avaient frappé… des membres des forces de police chargés de surveiller les abords du stade Mohammed V. La bouffe incriminée n'était ni le poisson, ni la viande, encore moins un quelconque sandwich de mortadelle. Restos système D. D comme dangereux ! «Restaurateurs» au rabais, qui ont pris la rue comme fond de commerce ; vendeurs d'œufs sur les trottoirs ; «terrassses-tabourets» à même le caniveau… Les odeurs de grillades empestent l'air : saucisses, viande hachée, foie… Certes, il y a du débit, mais combien de fois, a-t-on découvert à la suite d'intoxications alimentaires, que ces commerçants vendaient du chien ou de l'âne ? Et les vendeurs d'œufs dans la rue ? Fraîcheur garantie sous un soleil de plomb ! Babouches Seuls deux peuples bouffent des escargots ! les Français et les Marocains. Mais les Français les mangent dans des restaurants chics hautement contrôlés. Ici… «Il suffit qu'ils plantent leur bazar dans un lieu très fréquenté pour que les bols d'escargots nageant dans un liquide noirâtre soient arrachés comme des potions magiques». Avertissement On connaissait «L'abus d'alcool est dangereux pour la santé» pour les boissons alcoolisées. On était censé être effrayé par le fameux : «fumer tue !». Désormais, la publicité pour les produits alimentaires manufacturés et les boissons sucrées comportera à son tour des messages sanitaires obligatoires. «Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé» ; des messages de ce type vont bientôt accompagner les publicités alimentaires pour lutter contre la «malbouffe» et l'obésité. Seulement voilà ! Ces messages, les consommateurs marocains ne sont pas prêts de les lire sur les emballages de bouffe made in Maroc. Intox Il y a quelques années, lors d'un match opposant le Raja et le WAC, à Casablanca, des intoxications alimentaires avaient frappé… des membres des forces de police chargés de surveiller les abords du stade Mohammed V. La bouffe incriminée, ce n'était ni le poisson, ni la viande, encore moins un quelconque sandwich de mortadelle. Les policiers avaient avalé des bols de Saïkouk (mélange de semoule et de petit-lait) qu'ils avaient acheté chez un vendeur ambulant. Résultat : les 31 agents qui avaient consommé ce produit frelaté ont tous été intoxiqués. Certains étaient même dans un état grave. Chaîne du froid Au grand supermarché de Mohammedia, dimanche. Il ne fait pas très beau et traîner dans les «rues» du supermarché devient un passe-temps comme un autre. Et forcément on achète, mais comme ça, en passant. Du coup, il y a comme un laisser-aller. Chez les clients et encore plus chez le personnel surmené. A une caisse, une cliente qui a changé d'avis probablement, a laissé un paquet de glace au chocolat. La caissière le met de côté et appelle quelqu'un pour remettre le paquet dans le congélateur. Nous sommes restés assis sur le petit banc juste en face de la caisse pour voir… Il a fallu 17 minutes exactement à un employé pour aller remettre la glace dans le congélateur ! Sans commentaires. Bon appétit Bab Marrakech, lundi 20h30. A l'entrée de la médina de Casablanca, il faut slalomer entre les restos sauvages, les carrioles de poissons, et les vendeurs de charcuterie qui longent la ruelle. Dans des odeurs pestilancielles, chacun vaque à ses activités. Poissons et charcuterie sous cellophane ont passé la journée entière au soleil. Pas de problème. En soirée, les prix chutent. Le marchand n'a pas envie de rentrer avec du poisson sur les bras. Celui de charcuterie, lui, remettra demain sur son étal la même marchandise. Sur l'une des carioles branlantes, une dame fabrique des sandwiches de foie. Une mobylette bouscule l'échoppe. La boite plastique qui contenait les morceaux de foie tombe dans la gadoue infecte de la rue. La dame ramasse le tout, le lave avec l'eau contenue dans un seau et qui devait servir au lavage des assiettes en plastique. Puis remet tranquillement les morceaux de foie dans le récipient en plastique. Un client s'approche et va acheter un sandwich au foie préparé avec amour devant lui… Bon appétit (bis) Marrakech, place Djemaâ el Fna, chaque soir. Dès 15/16h, les restos si beaux en photos de nuit avec leurs lampions multicolores, s'installent. Il fait très chaud déjà en cette mi-mai. D'immenses récipients, qui contiennent la bouffe déjà préparée, attendent patiemment posés à même le sol et parfois même pas couverts, que tables, bancs et autres réchauds soient installés. Vers 19h, tout est prêt. Le chaland peut commencer à manger. L'attrapeur crie à tue tête, pour vanter les mérites de son resto, agrippant le touriste au passage. Qui donc aurait l'idée saugrenue de faire quelques prélèvements pour vérifier l'état phyto-sanitaire des aliments ? Personne. Il ne faut pas faire fuir le touriste. Dissuasion A Agadir, il y a quelques années, une grande enseigne multinationale de pizza s'était fait épingler. Sa chambre froide ne fonctionnait pas et l'enseigne continuait imperturbable à stocker les sauces précuites et les différents ingrédients. Quant aux pâtes, surgelées, leur date de péremption était largement dépassée. Sanction : deux semaines de fermeture qui se sont réduites à deux jours, le temps de réparer la chambre froide. L'histoire ne dit pas si les ingrédients stockés ont été détruits… Contrôle SVP Chez un grand «fast-foodeur» international, qui a des petits partout, il est interdit de demander la provenance des ingrédients utilisés dans la fabrication des hamburgers. «Secret de fabrication» répond le gérant. Un membre du personnel interrogé discrètement, mais qui refuse de parler trop longtemps nous dit que depuis deux ans qu'il travaille dans ce resto, il n'a vu qu'une fois une inspection sanitaire qui «a duré exactement 10 minutes et qui a consisté à un questionnaire posé au gérant et rempli par le contrôleur». Des anecdotes qui, l'air de rien, donnent froid dans le dos. Que l'on se nourrisse chez soi et que forcément on achète les ingrédients nécessaires à la préparation des repas ou que l'on se «nourrisse» (encore que là le mot est bien prétentieux) à l'extérieur, même constat. On commence vraiment à manger n'importe quoi. Préparé, transporté, stocké et vendu dans n'importe quelles conditions. Mais qui cela inquiète-il ? En Europe et singulièrement en France, la lutte contre la malbouffe, obésité galopante aidant, est passée du stade militant à celui de préoccupation gouvernementale, en seulement quelques années. Au Maroc, on en est encore bien loin. Au ministère de la Santé, mobilisé contre la grippe A, on a d'autres chats à fouetter. «On» se demande même pourquoi un journal comme la Gazette, se préoccupe de «ça, alors qu'il y a bien plus important à traiter» A la question : «comment se fait-il qu'on permette à n'importe qui de vendre n'importe quoi. Sans autorisation, ni contrôle ?» La réponse est évasive et l'interlocuteur promet une attention ultérieure… Quant à obtenir des chiffres sur le taux d'obésité, faut pas rêver ! La réponse lapidaire est sublime. «Il n'y a pas de taux d'obésité significative au Maroc». Au ministère du Tourisme, on informe benoîtement que ce n'est pas à ce ministère «d'effectuer ce type de contrôle». A qui alors ? A force de passe-droit et de hors-la-loi, ce que nous, forcément consommateurs de bouffe et de boissons, pensons de qualité, pollue nos corps à petit feu. Dans dix, quinze, vingt ou trente ans, un simple malaise, un poil d'hypertension, ou un sale cancer (25 % des cancers seraient liés à l'alimentation) saura nous rappeler aux malversations alimentaires dont nous sommes victimes. Carences. Femmes et enfants en première ligne Les micronutriments, qui sont des composantes alimentaires retrouvées naturellement dans la nourriture, sont des éléments essentiels à la croissance et au développement harmonieux de l'organisme. Quand ils font défaut, on parle de carences en nutriments qui entraînent des troubles de l'organisme pouvant avoir des répercussions parfois dramatiques. Ces troubles graves touchent les enfants, ainsi que les femmes enceintes ou allaitantes. Cependant, des manques importants ont été observés dans toutes les catégories d'âge. Des études menées en 1992 le confirment. Les résultats étaient accablants. L'anémie touche 45,5 % des femmes enceintes et environ un tiers des femmes en âge de procréer et des enfants âgés de 6 mois à 5 ans. Les carences en vitamine A affectent 40,9 % des enfants de 6 à 72 mois. Selon les critères fixés par l'OMS, une telle prévalence suffit à placer le Maroc sur la liste des pays où la carence en vitamine A représente un problème de santé publique. Les Marocains consomment très peu d'aliments naturellement riches en micronutriments. Ceci est dû à une alimentation devenue trop riche en graisse et en sucre. Les Marocains mangent trop de pain et peu de légumes et de fruits. Alors que le pays est réputé pour être agricole. Le privilège est désormais donné aux fritures et fast-Food. Une stratégie globale visant à prévenir ou guérir les problèmes de santé liés aux carences en micronutriments a été adoptée par le ministère, mais on est loin d'atteindre les résultats escomptés.