Chèques en blanc, faillites, nationalisation : les options qui se présentent au gouvernement semblent toutes effrayantes, mais il devra pourtant choisir l'une d'elles. ■ À compter d'aujourd'hui, a déclaré le président Barack Obama dans son discours d'investiture prononcé depuis le Capitole, nous devons nous relever, nous épousseter et reprendre la tâche de la reconstruction de l'Amérique.» Sa première mission, et la plus urgente, est la reconstruction de la finance. Pendant qu'Obama disait son discours à Washington DC, le marché à New York était en train de s'enfoncer sous le poids des banques en faillite, malgré la promesse d'un plan de relance imaginé par son équipe d'économistes. La crise fait ressortir les failles des marchés financiers et de l'économie mondiale. Les flux massifs de capitaux vers des nations débitrices, telles que l'Amérique et la Grande-Bretagne, ont gonflé les marchés. Leur instabilité s'est vue fragilisée davantage, alors qu'ils souffraient déjà d'une réglementation médiocre, de dangereuses incitations et de l'usage imprudent de modèles mathématiques. Beaucoup de travail sera nécessaire ces 18 prochains mois, d'ici à ce que la législation soit prête, mais déjà, une nouvelle image de la finance se dessine : une finance à plus petite échelle, mieux réglementée et plus conservatrice.Mais la priorité première pour le moment est le système bancaire. Il est temps de reconnaître que la première série de sauvetage de banques n'a pas été suffisante. À l'heure où l'on parle de subventions publiques, et même de nationalisation, la question est de savoir : que faire ? La réponse pourrait être ne rien faire du tout. Les mesures de l'année dernière ayant coûtées des centaines de milliards de dollars, certains en viennent à conclure que le fait de sauver les banques n'est qu'un gaspillage d'argent et une initiative vaine. En réalité, le premier sauvetage a été un succès sous un certain angle. La récession actuelle est sérieuse, mais en épargnant les banques, aussi peu méritantes qu'elles puissent être, le gouvernement a épargné aux citoyens une situation bien plus grave que la panique des années 30, du moins jusque-là. Si sauver les banques est une idée raisonnable, comment procéder ? À l'automne dernier, le sauvetage des banques britanniques a constitué un modèle pour les autres nations. La priorité du nouveau plan du gouvernement est de garantir les banques contre leurs pires pertes. Personne (ni même le gouvernement) ne sait combien cela va coûter. Mais les marchés n'ont pas été convaincus par l'ampleur de cet effort. Le cours de la Bourse a chuté à Londres, notamment les actions des banques à qui le plan de sauvetage était destiné. Pour tout gouvernement tentant de forger un plan de sauvetage, la réaction du marché britannique enseigne deux leçons concernant l'ampleur et la forme de ce plan. Premièrement, son ampleur doit surprendre tout le monde. Parce que toutes les économies souffrent d'une peur excessive, l'objectif est de convaincre les investisseurs que la spirale descendante de la confiance a été rompue. L'échelle est importante dans cette crise. Tandis que la récession fait rage de part en part de l'économie, les banques vont probablement subir des pertes supérieures. Les actionnaires craignent que ces pertes ne continuent de ronger les réserves des établissements bancaires. Donc si une banque présente des chances de subir de gros déficits, les investisseurs ont peur de l'imminence d'une nationalisation et retirent leurs billes du jeu. Les garanties et assurances restent une possibilité pour le gouvernement. Une autre serait de trancher dans le vif et de placer les actifs toxiques dans une «bad bank» qui agirait comme un cordon sanitaire. La troisième possibilité, qui semble gagner le plus de terrain ces derniers temps, serait enfin une nationalisation nette et franche. Reréglementation Chacune de ces options a ses avantages. Les garanties peuvent avoir des effets rapides. Les bad banks créent une cassure nette qui permet à la bonne banque distancée de poursuivre sa mission, qui est de mobiliser des fonds et de prêter. Même la nationalisation a du bon. Et l'on risque d'en entendre beaucoup parler dans les mois à venir, pas seulement en Europe, mais aussi aux Etats-Unis. Qu'on le veuille ou non, c'est peut-être la solution la moins mauvaise dans beaucoup de cas. Mais les difficultés sont légion. Si l'idée maîtresse est l'emprunt dirigé par l'Etat, les banques perdront des fortunes et tueront l'esprit d'entreprise. Et si l'objectif est d'offrir aux banques un abri temporaire pendant une tempête, tout cela semble fantasque. Mais alors, que penser des deux autres options : bad bank et assurance ? La Grande-Bretagne a choisi l'assurance seule et, pour le moment, il semblerait qu'elle ait commis une erreur. Mieux aurait-il valu racheter les pires capitaux au prix du marché et les placer dans une bad bank, tout en garantissant contre une catastrophe les capitaux sains qui demeurent. En repartant sur de bonnes bases, les bonnes banques restantes seraient à même de lever des fonds. L'idée serait de juger chaque banque selon ses mérites, de les «nettoyer», de garantir les risques subsistants, et de la recapitaliser avec des capitaux du gouvernement si nécessaire. Dans ce cas, la nationalisation n'est pas une fin en soi, mais une conséquence de la politique qui ramènera le plus rapidement le système bancaire à la vie. Le coût est énorme, mais il n'y a pas d'autre alternative. La crise est si démesurée qu'il est difficile de voir au-delà. Pourtant, même dans ces conditions, les responsables politiques doivent préparer l'avenir de la finance, en partie pour convaincre les électeurs que le sauvetage d'aujourd'hui est nécessaire pour obtenir un meilleur système au final ; en partie parce que les défauts de la finance et les garanties des contribuables obligent à une révision de la réglementation ; et en partie parce que les réformes délicates sont difficiles à concevoir. Témoins du chaos causé par la finance, la tentation serait de l'enfermer dans une camisole de réglementations. Une réglementation plus stricte s'impose, en particulier si elle est destinée à rendre le système plus transparent. Mais cette crise est née aussi bien des excès de l'économie que de la folie financière ; au vu des torrents de capitaux envahissant l'Amérique, la Grande-Bretagne, l'Espagne, etc., presque tout système financier se serait détraqué. La «reréglementation» financière n'est pas la seule et unique réforme nécessaire, et ce n'est probablement pas non plus la plus importante. La finance fait fonctionner le reste de l'économie. La capacité d'Obama à remanier la finance se mesurera dans la prospérité et les emplois. Autant qu'il commence dès maintenant à plancher là-dessus.