Au 1er décembre, date à laquelle on a coutume de célébrer la journée mondiale du Sida, il nous a semblé opportun de nous poser la question de savoir où en est la lutte anti-Sida au Maroc. C'est l'occasion propice aussi pour faire le point sur cette maladie et renforcer les mesures susceptibles de freiner la propagation de l'infection par le VIH et donc pour limiter les dégâts. Bien que n'étant pas spécialiste en la matière, on n'en est pas moins concerné, à l'instar de tout un chacun. Selon les informations fournies par certains responsables d'associations de lutte contre le Sida (notamment l'Opals du Dr. Nadia Bezad), cette lutte se solderait par un échec patent. Cet échec serait dû principalement à un manque flagrant d'information. Ainsi, le nombre de séropositifs serait en constante et rapide progression. Il y aurait, chez nous, plus de 20.000 cas de séropositifs. Quant aux IST (infections sexuellement transmissibles) qui font le lit du Sida, elles seraient de 350.000 nouveaux cas par an et même, selon le ministère de la Santé, pas moins de 600.000. La gravité du problème résiderait dans le manque d'information, en ce sens que la plupart de nos compatriotes se font généralement une idée erronée de la maladie du Sida. Ainsi, pour beaucoup d'entre eux, le Sida n'existe pas ou, s'il existe, ce serait ailleurs que chez nous. Pour d'autres, le Sida ne serait qu'une invention des Occidentaux. Pour d'autres enfin, le Sida non seulement ne serait pas une maladie mortelle, mais serait curable au même titre que tout autre maladie. Pour ce qui est de la prévention, dont l'information n'est qu'un volet indétachable et irremplaçable, on note un grave déficit. Le préservatif, par exemple, ne servirait à rien et la plupart de nos concitoyens seraient réticents à son usage. Ces derniers rechignent donc à y avoir recours, sous prétexte qu'il ôte ou diminue tout le plaisir de l'acte sexuel. Emploi du préservatif C'est vrai que le préservatif n'est pas une panacée, mais il n'existe pas, à ce jour, d'autre moyen pour se protéger de l'infection par le VIH. Certains clients ou habitués de ce qu'on appelle communément les «filles de joie» ou les «prostituées», n'hésiteraient pas à payer davantage pour se passer de l'emploi du préservatif. Fait encore plus grave, on noterait une recrudescence de la prostitution, et ce, tant dans les campagnes que dans les villes. Il semblerait même que le problème se poserait avec plus d'acuité et d'ampleur dans le monde rural, où non seulement l'information fait défaut, mais où il n'existe aucun centre de dépistage du VIH, à moins de se déplacer à des centaines de kilomètres pour espérer en trouver. Par ailleurs, les médias (radio, télévision) ne jouent pas pleinement leur rôle dans ce domaine. Or, Dieu sait si ces mêmes médias peuvent contribuer d'une façon efficiente à la propagation, la divulgation et la vulgarisation de l'information. Beaucoup plus peut-être que le préservatif, lequel demeure, malgré tout, un instrument aléatoire, surtout s'il n'est pas utilisé ou s'il est de mauvaise qualité, l'information parait aujourd'hui, plus que jamais, l'arme indispensable et incontournable pour lutter contre le Sida. Cela dit, il est scandaleux d'apprendre, par exemple, que des étudiantes universitaires, dans des grandes villes comme Fès, Marrakech, Rabat ou Casablanca, n'hésitent pas à se prostituer. Qu'on appelle cela de la para-prostitution (Tel Quel) ou autre, peu importe, le résultat est le même. Choquant, inadmissible ! Ne parlons pas des lycéennes, ou encore des mineures, dont certaines s'adonnent à la prostitution dès l'âge de 9 ans, voire même, selon certaines sources, de 6 ans ! Où va-t-on ? Où sont donc les parents de ces gamines ? Comble de malheur ou de l'ironie, il semblerait que dans nos campagnes, certains parents pousseraient eux-mêmes leurs filles à se prostituer ! Sordide ! Révoltant ! Mais où sont donc nos écoles ? Pourquoi nos écoles ne s'impliquent-elles pas davantage dans l'information et l'éducation de leurs élèves ? Car, faut-il le souligner, c'est aussi un problème d'éducation. La pauvreté ou l'insuffisance de ressources matérielles ne sauraient être, en aucun cas, un prétexte ou une excuse, encore moins un encouragement à certaines pratiques délictueuses, tout à fait contraires à nos valeurs traditionnelles, à notre éthique, à notre morale (serions-nous devenus des gens amoraux, que je sache ?) et à notre religion, l'Islam. Or il est aujourd'hui capital pour ne pas dire primordial, que nul n'ignore qu'un rapport sexuel non protégé expose à des risques graves, très graves même. Puisque mortels dans le cas du Sida, du moment qu'on n'a encore trouvé ni vaccin ni traitement définitivement efficace. Il est donc urgent de changer nos mentalités et nos comportements. Cela a déjà commencé en Europe, notamment, pourquoi pas, dès lors, chez nous ? Beaucoup de nos concitoyens préfèrent ignorer leur séropositivité et s'abstiennent de faire le test. C'est là une grave erreur. Car, en agissant ainsi, on s'expose à contaminer d'autres personnes, qui deviennent inéluctablement séropositives à leur tour. Ce qui est, de toute évidence, un comportement criminel. Seulement, il ne suffit pas de l'écrire. Encore faut-il le dire et le clamer à haute voix, car tout le monde ne sait pas lire ou n'achète pas les journaux. C'est là, encore une fois, le rôle des médias et pas seulement. Nous sommes tous concernés : écoles, collèges, lycées, institutions publiques et privées, associations, ONG, oulémas, professions libérales, etc… bref, la société civile en un mot, et même les pouvoirs publics. Finissons-en une fois pour toutes avec la politique de l'autruche. Cessons de nous voiler la face. Trêve d'hypocrisie ! Il y va de notre avenir et, par-dessus tout, de l'avenir de nos enfants et des futures générations. Après tout, ce ne sont pas les moyens qui manquent. Il nous est loisible, aujourd'hui, malgré la difficulté de la tâche, de stopper la progression de l'infection par le VIH dans notre pays, tant qu'il est encore temps, avant qu'il ne soit trop tard, à condition seulement de vouloir. Car ce n'est pas autre chose qu'une affaire de volonté. ■