Les entreprises et les gouvernements sont-ils vraiment sérieux dans leur engagement pour la durabilité ? Dans le monde des affaires, le mot à la mode en 2008 est «durabilité ». N'ayant jamais été associé à une définition précise, ce terme signifie différentes choses pour différentes personnes, ce qui bien entendu ne fait qu'augmenter son charme. Il s'agit en partie d'englober la vieille et lourde expression de « responsabilité sociale des entreprises » (RSE), en lui ajoutant une dimension écolo : l'entreprise durable contribue à sauver la planète. Les sociétés ont donc commencé à nommer des responsables de la durabilité et à imprimer (ou, pour réduire les dégâts sur la forêt, à distribuer par courrier électronique) des rapports de durabilité remplis de photographies de prairies vertes et de champs de fleurs. Mais ça, c'était en 2008. En 2009, la durabilité va prendre une toute nouvelle dimension dans les salles de conseil : comment durer dans le business. Tandis que la récession s'accélère et que la croissance ralentit, les faillites se multiplient. Pour continuer de réaliser des bénéfices, les entreprises vont devoir réduire radicalement les coûts et supprimer des emplois ; les consommateurs, quant à eux, sont encore moins préparés à payer plus cher pour de la nourriture biologique ou pour des compensations de carbone lors de leurs voyages aériens. En ces circonstances difficiles, de nombreuses sociétés auront tendance à modérer leurs mesures écologiques spectaculaires et à faire en sorte à la place d'en avoir pour leur argent. Les budgets alloués aux projets louables dans le monde en voie de développement seront radicalement revus à la baisse, leurs sponsors devenus incapables de justifier ces dépenses dans un contexte de licenciements de masse. Même les victoires faciles en matière de durabilité (économiser de l'argent et sauvegarder la planète en réduisant la consommation d'énergie) auront moins de mérite avec la baisse du prix du pétrole. Pertes d'emplois Certains aspects de ce phénomène peuvent être considérés comme salutaires. Face à la mode de la RSE, les entreprises ont tendance à commettre deux erreurs. Tout d'abord, elles exagèrent trop les bénéfices qu'elles apportent à la société par le simple fait qu'elles sont des entreprises. Elles fournissent des emplois, ainsi que les biens et les services qu'attendent leurs clients, et les risques de pertes d'emplois, voire même de faillites, rappellent justement cette réalité fondamentale. Deuxièmement, beaucoup de sociétés prétendent que leur stratégie de durabilité est plus importante qu'elle ne l'est en réalité. Il est devenu presque obligatoire pour les patrons de proclamer que la RSE « se situe au cœur » de la stratégie de l'entreprise, ou encore qu'elle est devenue « partie intégrante de son ADN ». En réalité, même les plus fervents défenseurs de la lutte pour la durabilité ont bien du mal à en identifier quelques exemples. La plupart du temps, les activités placées sous l'étiquette de la durabilité ne sont qu'un ramassis de projets, ayant à peine un lien avec l'activité principale de l'entreprise. Les bouleversements à venir contribueront alors à faire disparaître certains de ces propos futiles. Les entreprises auraient tort de conclure qu'elles peuvent pour autant arrêter d'essayer de faire de bonnes actions. Les forces qui les poussent à se casser la tête avec la durabilité (la surveillance via Internet, la multiplication des groupes de pression, l'intérêt général pour le réchauffement climatique, les menaces de poursuites judiciaires pour violation des droits de l'Homme) ne sont pas prêtes de disparaître. Et la volonté de recrues potentielles de travailler pour des sociétés ayant des «valeurs » ne s'évanouira pas soudainement non plus. Responsabilité sociale Dans la compétition pour les meilleurs diplômés des écoles de commerce et autres jeunes gens ambitieux, en particulier dès que l'économie se remettra peu à peu à flot, les entreprises qui montreront qu'elles n'étaient pas de simples amis des beaux jours de la durabilité auront un avantage. Et si certaines semblent ne pas prendre leur responsabilité sociale au sérieux, les gouvernements interviendront pour modifier leurs règles de fonctionnement. Certains vont contraindre les entreprises à vendre des produits plus écologiques (par exemple, en interdisant la vente d'ampoules à incandescence). D'autres légifèreront sur le salaire des dirigeants, ou obligeront les banques à emprunter de l'argent de la manière voulue par l'Etat. Après avoir sauvé le système financier, de nombreux gouvernements occidentaux imagineront qu'ils sont les mieux placés pour décider de la manière responsable dont les entreprises doivent être dirigées. Mais en 2009, les gouvernements devront passer leur propre test de « durabilité». Un sommet ayant lieu à Copenhague à la fin de l'année est censé mettre en place un accord post-Kyoto pour la réduction des gaz à effet de serre. Déjà, la pression monte pour éviter les restrictions susceptibles de faire entrave à la croissance, mais nécessaires pour atteindre les objectifs ambitieux de réduction de carbone. Si l'accord n'arrive pas à terme, en effet, cela voudra dire que le monde abandonne son combat contre le réchauffement climatique. L'attention se tournera alors vers la façon dont la planète pourrait s'adapter aux changements climatiques, au lieu de chercher à les éviter. Ces dernières années, les gouvernements et entreprises ont vanté leur engagement pour la durabilité. En 2009, ils devront prouver la profondeur de cet engagement. ■