Le jeu est mené par deux sociétés, Sotherma (Sidi Harrazem et Bonaqua) et les Eaux Minérales Oulmès S.A (Sidi Ali et Oulmès) qui, non seulement se partagent quasiment le marché mais se livrent à une lutte acharnée pour séduire les consommateurs. Sidi Ali, Sidi Harazem, Oulmès Lalla Haya, Aïn Saiss, les eaux minérales au Maroc ont toujours eu une connotation mystique. Ainsi, leurs appellations se confondent-elles le plus souvent avec leur source, dont les noms sont associés à ceux de saints. Compte tenu de leur nombre, qui avoisine les 120, la nécessité de réglementer ces sources s'est imposée très tôt, avec l'édition de nombreux textes, à savoir l'arrêté viziriel du 28 avril 1933 relatif aux eaux de table, minérales gazeuses et de seltz, aux limonades et sodas et à la glace alimentaire ; le dahir du 20 mars 1951 réglementant l'exploitation et la vente des eaux minérales naturelles et des eaux dites “de source” ou “de table” ; l'arrêté viziriel du 3 février 1953 et l'arrêté du directeur de la santé en date 5 mars, adopté pour son application. En dépit de cet arsenal juridique, le marché des eaux minérales reste toujours marqué par une faible demande. La consommation nationale d'eau minérale s'élève à 5 litres par habitant et par an. Le consommateur marocain arrive après son voisin tunisien, qui en boit pratiquement le double, et loin derrière le français, qui en boit 120 litres ! En cause, le pouvoir d'achat et les habitudes de consommation. “Il est vrai que les prix pratiqués sont prohibitifs, mais nous sommes soumis à plusieurs taxes (TIC, taxe communale, TVA et redevance pour l'exploitation des sources), dont le taux cumulé atteint 35 %. Si ces charges fiscales baissaient, nous pourrions en faire autant, jusqu'à 40 %”, souligne un professionnel du secteur. Certes, la consommation des Marocains reste inférieure à celle des habitants d'autres pays européens, comme l'Allemagne, la Belgique ou l'Italie. Mais elle est en constante augmentation ces dernières années (3,6 litres en 1996). En effet, bien que le consommateur ne fasse pas toujours la différence, la réglementation distingue les eaux de source -qui ne sont pas astreintes à une composition physico-chimique stable et ne peuvent donc revendiquer d'effets bénéfiques sur la santé- des eaux minérales naturelles. Traditionnellement plus chères, ces dernières ont des caractéristiques essentielles (teneur en minéraux, oligo-éléments...) stables et peuvent se targuer de posséder des propriétés favorables à la santé. Elles sont plates ou gazeuses, naturellement ou avec adjonction de gaz carbonique. Si les eaux plates ont toujours nettement la faveur des Marocains, les eaux gazeuses éprouvent encore des difficultés à se faire une place. En tout cas, le jeu est mené par deux sociétés, Sotherma (Sidi Harazem et Bonaqua) et les Eaux minérales Oulmès S.A. (Sidi Ali et Oulmès) qui, non seulement se partagent quasiment le marché, mais se livrent à une lutte acharnée pour séduire les consommateurs. Leader, les Eaux minérales Oulmès S.A. détiennent plus de 50 % du marché, suivies par Sotherma, avec une part de 40 %. Quant aux eaux minérales importées, elles se situent bien loin derrière, avec seulement 5 % du marché. Ce positionnement n'étonne nullement, en raison de leur prix de vente, qui se situe aux alentours de 25 dirhams. A noter que les marques françaises constituent la quasi-totalité des eaux minérales importées. La quarantaine de marques que se partagent les firmes Nestlé (Suisse), Danone et Castel (France) ne sont pas toutes vendues au Maroc. Seules les marques les plus connues sont présentes (Evian, Contrex, Vittel, Vichy, Volvic, Perrier...). Fortement concurrencée par les Eaux minérales Oulmès S.A. qui ont lancé, il y a quelques mois, l'eau de table Bahia, Sotherma mettra sur le marché, au cours de ce mois-ci, une nouvelle eau minérale qu'elle a baptisée “Aïn Saïss”. Parallèlement elle poursuit son offensive commerciale, qui consiste à repositionner l'eau Sidi Harazem. Dans ce sens, selon le directeur marketing des Eaux minérales d'Oulmès S.A., la consolidation de la position de leur entreprise a fait l'objet d'une stratégie dynamique. “Elle consiste, en amont, à renforcer l'image de l'entreprise en tant que référence, statut qu'elle détient grâce à la qualité de ses produits et services et, en aval, à son développement économique et structurel dans l'environnement où elle évolue”, précise-t-il. Selon un professionnel du secteur, cette nouvelle bataille autour des marques d'eaux embouteillées est dictée par la volonté des opérateurs de se repositionner. “C'est une manière de ne pas passer à côté de la croissance prévisible, sur le marché marocain, des eaux de consommation courante, surtout avec le développement du tourisme, puisque le Royaume attend 10 millions de touristes à l'horizon 2010”, dit-il. Mais si, aujourd'hui, les eaux minérales et de source ont de plus en plus les faveurs des industriels du secteur, il n'en demeure pas moins que les textes actuels ont besoin d'une refonte. Le chantier ouvert par les pouvoirs publics depuis 1995 piètine encore. En effet, la loi n°10-95 formant code de l'eau, promulguée par le dahir du 16 août 1995, a abrogé l'arsenal juridique précité et a renvoyé à la voie réglementaire la mise en application de ses dispositions. Discuté en conseil des ministres, le projet n'a pas été validé par les ministères de l'Equipement et de l'Agriculture, qui ont formulé quelques remarques. Selon un responsable du ministère de la Santé, ces remarques sont, pour l'heure, en cours de rediscussion par tous les intervenants, outre les ministères de la Santé, des Finances et de l'Intérieur. L'élaboration de ce projet de décret d'application relatif à l'exploitation, l'importation, la vente et la mise en vente des eaux naturelles d'intérêt médical, des eaux dites “de source”, ainsi qu'à l'exploitation, la vente et la mise en vente des eaux dites “de table”, consiste non seulement en une relecture des textes abrogés, mais aussi, et essentiellement, à mettre en place une politique promotionnelle du secteur du thermalisme dans ses aspects techniques, administratifs, et en tant que créneau de développement socio-économique régional.