Vendredi 20 juin, le public de 2M découvre Tahar Sabbata. Zoom sur l'un des piliers de la chanson marocaine moderne. A l'air du zapping maladif, des clips à la pelle, des stars kleenex et des chansons jetables, 2M et son émission Massar, qu'anime Atik Benchiguer, ont rendu un hommage ô combien mérité à l'un de nos prolifiques et originaux paroliers. Discret, humble, l'homme fuit les médias, les salons, les tribunes et l'hypocrisie sociale. Il fuit «T'bnad » devenu, en ces temps de médiocrité généralisée, un statut social ! Rencontré une fois au détour d'une ruelle de l'ancienne médina de Rabat, je lui demande son portable. Il me répond avec son humour habituel, «je ne suis pas un vendeur de bestiaux pour en avoir» ! Je tenais à sa participation à «filbali oughniatoun», série d'émissions sur les refrains de notre répertoire national que j'ai co-réalisée avec Mohamed Minkhar et qu'a diffusée Al Oula. Non seulement il est intervenu expliquant l'écriture, la composition et l'interprétation de «Andi badouia», mais il nous a été d'un très grand soutien et encouragement pendant la préparation et la réalisation de la série. Pour moi, Tahar Sabbata reste une mémoire vivante et ambulante sur tout ce qui concerne l'histoire de la chanson moderne marocaine et une encyclopédie inépuisable des anecdotes croustillantes la concernant. Né pendant la deuxième guerre mondiale, après des études au lycée Mohammed V, il décroche un poste dans la fonction publique. Lecteur boulimique, mélomane et drogué de stations radios, il finit par s'essayer à l'écriture. Son premier texte est pondu en 1963 à Dayt Roumi, dans la région de Khemmisset composé par Mohamed Benabdessalam et interprété par Mohamed Idrissi, «Andi badouia» est depuis sur toutes les lèvres. Le tube est repris même par une troupe chinoise ! Ce fut en 1966, au cours d'une soirée au théâtre national Mohammed V ! Les poèmes de Tahar Sabbata sont concoctés dans un dialecte marocain simple, profond et riche en images. Sa vie se confond avec son écriture au point où on peut s'amuser à déceler les bribes de sa biographie dans ses textes. «Al Khatem» de Naima Samih, composée par Abderrahim Sekkat, «Haïla» de Mahmoud Idrissi, «l'Oussada» de Mohamed Lahiani, «Zouaj bilajnabia» de Toulati Amenna, toutes composées par Abdelati Amenna, « Ha lahbib ja» de Abdelmounaim Jamaï, composée par Abderrafiq Chenguiti, «Ana min atbaâ Mohamed» de Samira Bensaid, «Al anba al masquia» de Tahar Jimmy… jusqu'à «Casablanca», offerte à la jeune et prometteuse Meriem Bellemir. Qui de nos chanteuses et chanteurs n'a pas, dans sa discographie, «chi baraka» de Tahar Sabbata ? Pas moins de 130 chansons sont consignées dans les archives de la radio nationale et c'est loin d'être fini. A l'écoute de la géographie et de l'histoire sociale du pays, il témoigne comme personne de la vie quotidienne. Une dure épreuve de santé Il célèbre les paysages, les régions et les villes (Rabat, Casablanca, Tanger, Fès, Meknes, Essaouira, Agadir, Ouarzazate, Chaouen…). Il chante le journaliste, la speekrine, l'avocat, l'infirmière et écrit sur le baccalauréat, le foot, le commerce, le pouvoir hypothétique (Koursi), les faux amis et la médisance (t'barguig), entonnée avec humour par Mahjoub Raji, sans oublier des thèmes originaux, telle la carte nationale ! Tahar Sabbata a eu des pépins de santé. Il vient de traverser une dure épreuve avec courage et discrétion. Nous ne pouvons que lui souhaiter bon rétablissement et longue vie dans l'attente de nouveaux poèmes et autres recueils.