Même s'il a été au meilleur poste d'observation de la scène journalistique nationale, en dirigeant l'agence de presse nationale (MAP) durant plus de trois décennies, Abdeljalil Fenjiro n'a jamais pêché par orgueil. L'homme est resté humble et accessible. Il ne porte en lui aucune rancune, lit beaucoup, rédige patiemment ses mémoires et rencontre de temps à autre ceux de nos confrères qui lui gardent jalousement leur fidélité. L'homme a marqué la MAP de son empreinte. Mehdi Bennouna a donné naissance au bébé ; Abdeljalil Fenjiro l'a élevé. Lorsqu'il arriva à la MAP comme stagiaire en 1962, il n'y a guère trouvé plus d'une dizaine de collaborateurs dont la majorité était composée d'étrangers. Français, Espagnols, Italiens… etc. animaient la jeune agence de presse marocaine que Mehdi Bennouna avait rêvée en des temps où la cause nationaliste primait sur toutes les ambitions carriéristes. Fenjiro devait puiser dans cette source patriotique. Après son stage, il gravira les échelons, devenant successivement Rédacteur chef général (arabe et français), puis directeur politique, avant d'être nommé directeur général par dahir. En quittant l'Institution en 1999, il a laissé derrière lui 660 salariés dont 250 journalistes, plus de vingt bureaux à l'étranger et une trentaine de bureaux régionaux. Il n'est pas un de nos confrères qui ne lui voue estime et ne reconnaît sa compétence. Dûment remercié et décoré par S.M Mohammed VI, il fut aussitôt nommé ambassadeur à Beyrouth. Arrivé à l'âge de la retraite, il regagna le Royaume en septembre 2003. Abdeljalil Fenjiro est l'exemple même du serviteur de l'Etat qui n'eut droit qu'à l'ingratitude de ce même Etat. En quittant la MAP, on lui servit un solde de tout compte ridicule. Plus tard, on lui refusa jusqu'à sa retraite d'ancien ambassadeur. Chez nous, certains sont «moins ambassadeurs» que d'autres. Il vit aujourd'hui avec une pension inférieure à 9.000 DH. Pourtant, comme l'écrivit si bien notre confrère Abdallah El Amrani, «Fenjiro n'avait qu'une seule passion, le journalisme, une seule obédience, le Trône». Mais il y a pire : certains ont attendu qu'il soit déchargé de toute fonction officielle, six ans après son départ de la MAP, pour lui jeter sur la figure un chef d'accusation pour le moins insultant de «complicité de détournement de deniers publics». Au fil des confrontations et d'un parcours judiciaire particulièrement éprouvant, son innocence n'a cessé d'être confirmée. Aujourd'hui, il attend sereinement que la justice l'innocente au moyen d'un non-lieu. «je garde foi en la justice de mon pays», dit-il.