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PHILOSOPHES A LA PAGE : «Nous sommes devenus une société avouante»
Publié dans La Gazette du Maroc le 09 - 05 - 2008

La philosophie signifie, étymologiquement, «amour de la sagesse», cela ne l'empêche pas de s'intéresser à son contraire : la folie. Avec Michel Foucault, le philosophe devient enquêteur sur le terrain : asiles psychiatriques, centres de détention, cures d'analyse… Ames sensibles s'abstenir !
Il est beau de vouloir méditer sur la vérité, la liberté, la justice, etc. Il est bon aussi de se retrousser les manches pour s'intéresser à des choses en apparence moins nobles, à la part obscure de l'humanité : les fous, les malades, les étrangers, les clandestins… Michel Foucault fait partie de ces intellectuels qui vont sur le terrain : le philosophe a interrogé tout au long de son œuvre les structures et les institutions sociales qui régissent les rapports entre individus. Son discours n'est pas un discours de sciences humaines, il est un discours sur les sciences humaines : psychologie, psychiatrie, médecine, histoire ; toutes ces disciplines qui étudient l'homme sont scrutées à la loupe dans leur apparition et leur évolution : il s'agit d'un véritable travail de généalogie et d'archéologie. En d'autres termes, comment l'homme, à travers les disciplines mentionnées plus haut, est-il devenu objet de savoir ? Comment les sciences dites «humaines» se sont constituées ? Les sciences naturelles, les sciences physiques ont pour objet d'étude les divers phénomènes qui régissent notre monde : chimie, physique, mathématiques, biologie répondent à une curiosité scientifique qui est légitime, cela s'appelle le progrès. C'est une autre affaire pour les sciences humaines car cette fois-ci c'est l'homme qui se retourne sur lui-même et qui se prend pour objet d'étude, la chose n'est pas si banale qu'il y paraît. Il ne s'agit plus de dire la vérité sur la loi de la gravitation ou sur la pesanteur, mais de dire la vérité de l'homme. Foucault montre que cette vérité de l'homme se constitue à partir de l'expérience de l'aliénation : ici, le contraire du vrai n'est pas le faux, c'est le fou : «La folie est la forme la plus pure, la forme principale et première du mouvement par lequel la vérité de l'homme passe du côté de l'objet et devient accessible à une perception scientifique». Lignes difficiles à lire tant il est vrai que nous rejetons tout ce qui n'est pas dans les normes. Or ces normes sociales, c'est ce que montre l'ouvrage monumental Histoire de la folie à l'âge classique, sont l'objet d'une construction, elles ne sont pas données mais acquises. Contrairement à Sartre qui pose la liberté d'entrée de jeu comme étant la qualité essentielle de l'humain, chez Foucault l'homme est perçu comme un être dépendant. Non pas une dépendance accidentelle qui concernerait seulement les faibles ou les pauvres, mais c'est toute la société qui est traversée par cette dépendance : jeux et enjeux de savoirs et de pouvoirs constituent une dynamique essentielle à la société. L'apport de notre philosophe est d'avoir repensé la relation savoir-pouvoir et d'avoir montré que les deux s'impliquent, et cela à toutes les strates de la société : enseignement (rapport maître / élève), travail (rapport patron / employé), institutions médicales (rapport médecin / patient), institutions pénales (rapport surveillant / détenu), etc. D'où la thèse provocatrice de notre philosophe : c'est que la société dresse et surveille si bien nos corps que l'on pourrait douter si notre âme n'est pas autre chose qu'un instrument par laquelle notre corps docile se soumet. Parfois même la surveillance n'est pas nécessaire, l'impression d'être observé suffit. D'où une exigence d'affranchissement : la dépendance de l'homme n'est pas un destin ; il est en le pouvoir de chacun d'interroger les évidences et de se déprendre des idéologies malsaines… Il en résulte aussi une culture de l'art d'exister, ce que Foucault appelle «le souci de soi», c'est-à-dire prendre en charge sa propre existence en lui inculquant les valeurs appropriées à soi et aux autres. A vrai dire, ce travail sur soi est bien différent de ce qui se passe de nos jours dans les cabinets de psy où le patient se raconte lui-même et se met en posture de spectateur de soi. Le souci de soi dont parle Foucault est bien différent, et il prend modèle dans l'Antiquité gréco-romaine, période pendant laquelle se soucier de soi c'était moins connaître ce qu'on est que travailler sur soi-même. Aujourd'hui, l'aveu a remplacé la technique de soi : on va chez le psy pour avouer sa part obscure, pour libérer un certain refoulé, le patient adhère ainsi à lui-même et à ses angoisses. C'est tout le contraire qu'il faudrait faire selon Foucault, c'est-à-dire se déprendre de soi-même pour construire un nouveau rapport à soi qui soit authentique, l'aveu sur soi a remplacé la pratique de soi : «Nous sommes devenus une société singulièrement avouante. On avoue ses pensées et ses désirs, on avoue son passé et ses rêves ; on avoue ses maladies et ses misères». A cela, Foucault oppose ce qu'il appelle les «arts d'existence», qui ont atteint leur apogée dans la civilisation grecque, puis dans la civilisation arabe : «Par arts d'existence, ou techniques de soi, il faut entendre des pratiques libres et volontaires par lesquelles les hommes, non seulement se fixent des règles de conduite, mais cherchent à se transformer eux-mêmes, à se modifier dans leur être singulier et à faire de leur vie une œuvre qui porte certaines valeurs». Voilà comment l'esthétique rejoint l'éthique : faire de soi une œuvre qui répond aux critères que l'on s'impose. Ce travail est comparable à celui du sculpteur, que fait celui-ci avec son bloc de marbre ? Il réduit, il enlève des bouts de marbre, il polit, jusqu'à ce que la forme parfaite apparaisse enfin. Le travail sur soi est analogue: il s'agit moins d'apprendre que de désapprendre, non pas adhérer à soi et à ses angoisses mais se déprendre de tout ce qui est parasite en nous, jusqu'à ce que la forme désirée apparaisse ; c'est en cela que ce travail est esthétique. Les thèses de Foucault sont pour certaines provocatrices, en tout cas discutables. Il a néanmoins mis le doigt sur cette faille qui caractérise les sociétés modernes : disons-le simplement, le blabla sur soi (aveux aux psy, complaisance avec soi, prolifération des sectes…) a remplacé le véritable travail sur soi ; le rapport au psy a remplacé le rapport à soi, symbole d'une société moderne déboussolée et qui cherche encore ses repères.

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