C'est dans cette période située entre la vingt-huitième semaine de grossesse (environ 6 mois) et le septième jour de vie après la naissance que se joue la santé mentale du futur adulte. Retour sur une discipline méconnue. La nature du lien social émane de critères sociaux, culturels, politiques, économiques… mais aussi de la façon dont notre société entoure, soutient et «enveloppe» avant, pendant et après la naissance. Ainsi, dans ce temps majeur de l'attente et des tous premiers jours de l'accueil de l'enfant, temps où se construit un lien important entre le nourrisson et ses «partenaires», il convient d'aider les parents à devenir et à être parents, et de mieux anticiper les situations à risques. Qu'en est-il aujourd'hui ? Si le Maroc dispose aujourd'hui d'une politique de périnatalité, exemplaire à bien des égards, celle-ci demeure perfectible et implique par conséquent la mise en place d'une politique de périnatalité développementale et sociale pour favoriser le lien familial, mais encore construire du lien social. Le temps de la grossesse et de la naissance est bien connu comme une période de vulnérabilité spécifique en rapport avec ce déplacement identitaire majeur que constitue le passage de l'état de fille à celui du devenir mère. La maternité est un événement psychoaffectif considérable pour la femme. Lorsqu'à ce bouleversement s'ajoute celui de la maladie, avec ses répercussions sur la relation du couple, la grossesse et la naissance deviennent sources d'angoisses. La migration avec ses bouleversements peut aggraver cette vulnérabilité singulière. Si l'on sait de plus que ces femmes vivent un quotidien très précaire avec un avenir peu lisible, on peut penser qu'elles se présentent à nous encore plus fragilisées et pour cela sollicitent l'attention particulière des professionnels. Pourtant l'accompagnement des futures mères par des professionnels en lien entre eux dans leur pratique et qui participent à la construction de ce maillage sécure, est encore rare au Maroc. En effet, une femme sur deux accouche encore chez elle seule ou seulement assistée par une matrone. Et même dans le cas où la future maman est prise en charge par un service de maternité, de grands progrès restent à faire : trop souvent les mères sont «abandonnées» après l'accouchement (voire pendant), les bébés «bousculés» dès la naissance par des gestes médicaux. Le contexte social ainsi rapidement posé, c'est donc avec une attention particulière que tous les acteurs de la protection maternelle et infantile (puéricultrice, sage femme, médecin, psychologue) sont amenés à collaborer pour accompagner et soutenir les mères les plus vulnérables. Mais cette intervention ne se réduit pas qu'à un suivi médicalisé mais s'engage dans une préoccupation préventive, en particulier des troubles de la parentalité (troubles du lien précoce, maltraitance). Prévention en amont Or il est bien admis par la majorité des spécialistes de la petite enfance que cette prévention commence en amont pendant le temps de la grossesse, reconnaissant qu'en périnatalité ce qui est préventif et curatif pour la future mère est préventif pour l'enfant à venir. La situation de beaucoup de Marocaines renvoie à un quotidien très éprouvant du fait d'une grande précarité matérielle. Cette précarité expose davantage encore les femmes isolées, particulièrement vulnérables à des violences et abus de toutes sortes. Contraintes à une «quasi non-existence» légale, dans un climat de suspicion généralisé, ces femmes portent en silence les marques de l'angoisse de ce quotidien potentiellement dangereux. Les doutes sur l'avenir, l'attente et les discriminations du présent provoquent une difficulté à penser l'avenir. Et l'on peut penser que cette problématique va résonner singulièrement chez une femme qui va mettre au monde prochainement un enfant. Quelle inscription sur cette terre pour l'enfant quand soi même on peine à trouver sa place ? Quand on entend les récits de ces femmes (maladie, conflits ou violences familiales allant jusqu'au viol, mariage précoce…) ; on s'aperçoit que leur vie a souvent été chaotique, voire dans des conditions de détresse extrême. Sans compter pour beaucoup pour de multiples raisons le départ de la campagne et l'arrivée en ville qui se fait dans un grand dénuement et souvent un grand isolement. Ces jeunes femmes viennent souvent seules, poussées par le désir et la nécessité de subvenir aux besoins du reste de la famille restée au bled, ne retrouvent pas toujours de réseau communautaire étayant. Tous ces éléments passés et présents doivent être considérés comme des événements possiblement traumatiques pouvant menacer l'intégrité du soi et exposer ainsi ces femmes à un risque accru de dépression. Il importe donc aux professionnels qui les rencontrent de ne pas les sous estimer et d'en tenir compte dans leurs propositions d'accompagnement. Faire le point sur les notions d'autonomie et d'assistance à partir de la présentation de nouveaux modes de prise en charge répondant aux besoins actuels. Réfléchir sur ce que pourrait être une politique périnatale prenant en compte le bien-être physique et mental de l'enfant, de sa mère et de son père, ainsi que de leur environnement familial au sens large. Démontrer que la prise en charge peut prendre des formes multiples, depuis les formes de préparation à la naissance, les conseils de santé, jusqu'à l'accouchement, l'accueil du nouveau-né, la facilitation de la relation mère-enfant, la prise en compte et la gestion des traumatismes, le post-partum… C'est ce que tentent de faire, avec succès, depuis quelques années de plus en plus de praticiens, de toute origine professionnelle, pour la plupart membres de la «ligue pour la santé mentale» dont la 29ème journée annuelle était consacrée à la prérinatalité et la santé mentale. Statistiques & observations Mortalité périnatale : des chiffres inquiétants dans leur similitude et leur stagnation (227 ‰ en 2004), (228 ‰ en 1997). Les affections périnatales constituent 15,64 % de la Charge Globale de Mortalité contre 14,57 % pour les maladies infectieuses et parasitaires et constituent la 2ème cause de mortalité générale 1 femme sur 2 accouche hors le système médical. Sur les 3 000 grossesses à risques, 20% se concluent par des césariennes. En terme d'évolution des populations vulnérables et constituant les populations ciblées de programmes prioritaires de santé, les effectifs seront en 2019 : • Enfants de 0-4 ans : estimés actuellement à 3 millions resteront stables. • Femmes en âge de procréer 15-49 ans : estimées actuellement à 8,3 millions, verront leur effectif s'accroître pour atteindre 10,17 millions en 2019. En milieu urbain, leur croissance sera soutenue en raison de la migration des femmes rurales. La pratique de l'allaitement maternel a connu un net déclin durant les dernières années et ce pour de multiples raisons d'ordre culturel et socio-économique sans oublier celles liées au système de santé (organisation des maternités, pratiques des professionnels de santé, etc.). (Source : Opus cité)