Encore une fois, le Polisario fait de Tifariti une plateforme privilégiée pour distiller sa propagande, en y organisant son 12ème congrès. Le timing choisi pour ce rendez-vous douteux n'est pas fortuit, puisqu'il intervient à quelques jours du troisième round des négociations de Manhasset entre les deux parties. Mais le fait nouveau de ce congrès, est la contestation grandissante au sein même du Polisario. Plusieurs courants dissidents devraient annoncer lors du congrès, une rupture totale avec la ligne du Polisario ou tout au moins l'opposition à l'intérieur des camps. C'est un congrès sous haute tension qui devrait s'ouvrir du 14 au 18 décembre. Pour son 12ème congrès, le Polisario a tenu à faire sa grand messe à Tifariti. Cette commune qui se trouve dans la zone tampon entre la frontière algérienne et le mur de défense marocain a été pourtant déclarée zone démilitarisée par l'ONU depuis 1991. C'est dire que les séparatistes ne ratent aucune occasion pour ajouter de l'huile sur le feu. En effet, cette action constitue une violation des «mesures de confiances» comme on les qualifie dans le jargon onusien, issues des accords entre le Polisario et le Maroc signés en 2002 et réactivés au cours des dernières négociations de Manhasset, conformément aux accords d'Houston. Selon Reda Benkhaldoun, membre de la Commission des affaires étrangères à la Première Chambre et chef de la Commission des relations extérieures au PJD (Parti de la Justice et du Développement) «le silence du gouvernement sur la tenue du Polisario de son congrès à Tifariti nous pousse à nous poser la question, pourquoi ce silence du gouvernement ?». Selon la même source, la question a été soulevée au sein du groupe parlementaire du PJD et sera sûrement posée au Parlement. Selon un responsable du ministère des affaires étrangères et de la coopération «depuis deux mois, le Maroc fait un énorme travail à l'étranger et depuis deux semaines, on suit de très près le dossier et des actions ont été entreprises, mais l'annonce n'a pas encore été faite». Plus de 2.000 congressistes vont participer au 12ème congrès du Polisario, entre autres des sahraouis de l'intérieur. Parmi les invités d'honneur, on cite, Annahj Addimocrati, en la personne de Abdallah Harrif. Pour rappel, le 12ème congrès qui devait normalement se tenir, il y a une année, a été maintes fois reporté pour des divergences internes au sein de la direction du Polisario. Sous le thème «Combat généralisé pour imposer la souveraineté et l'indépendance totale», ce congrès va essayer de tirer profit de ses décisions pour influer sur le troisième round des négociations de Manhasset qui auront lieu le 7 janvier prochain. D'après des sources proches du Polisario, le Secrétariat national des séparatistes «a décidé de renouveler l'engagement du Polisario à coopérer avec l'ONU pour mettre en œuvre la résolution 1754 du Conseil de sécurité, à travers des négociations directes avec le Maroc». Le congrès de la rupture Cette rencontre se tient dans une conjoncture marquée par les querelles internes auxquelles viennent se greffer des rivalités tribales. Selon un dissident Sahraoui du courant de Khat Achahid, qui a travaillé sur la plateforme du 12ème congrès : «Si notre situation s'est dégradée, elle n'est que le reflet de la difficulté, l'insuffisance et l'incapacité de la part du comité national à proposer un choix de société clair et qui tienne compte de toutes les sensibilités… Ces représentants sont incapables de résoudre les problèmes des sahraouis, comme elle ne fait que renforcer la montée de l'égoïsme généralisé. On se retrouve alors dans la situation d'immobilisme qui a caractérisé le Polisario depuis 1988». Malgré cela, Mohamed Abdelaziz raconte à qui veut bien l'entendre, que la direction du Polisario veut faire du douzième congrès, une étape pour renouveler le Comité national. La direction veut adresser un message aux jeunes Sahraouis qui ont déserté les campements en les incitant à s'engager massivement sous les drapeaux de la RASD. Selon un ex- commandant de bataillon qui a rejoint le Maroc en 2006, «La majorité des jeunes générations n'a plus la volonté pour supporter l'endurance et les entraînements trop durs au Sahara, ils sont nombreux à déserter pour fuir carrément le service militaire». L'actuelle direction veut renverser le point de vue de ces jeunes qui considèrent que le pouvoir est confisqué par un comité national sans visage, une sorte d'oligarchie politico-militaire qui s'enrichit de jour en jour sur le dos des souffrances de la population des camps. Un fond de commerce qui rapporte gros, si l'on s'en tient aux derniers scandales des aides humanitaires détournées par Mohamed Abdelaziz et la nomenklatura qui tient le pouvoir à Tindouf. Mohamed Abdelaziz risque-t-il de perdre sa place à la tête du Polisario ? Rien n'est moins sûr. Selon de nombreux observateurs, ce 12ème congrès permettra à Mohamed Abdelaziz de se maintenir au pouvoir, malgré les critiques formulées à son encontre. Selon des sources locales, Mohamed Abdelaziz a bien préparé son plan. Il va déclarer lors de cette rencontre, qu'il ne va pas se représenter pour le poste de Secrétaire général du Polisario, profitant de la lutte intestine entre différents clans, ses partisans vont l'acclamer pour être l'homme du rassemblement. Un autre scénario plébiscite l'actuel chef de la délégation du Polisario aux négociations sur le Sahara, Mahfoud Ali Beiba, qui fait office de président du Parlement sahraoui, pour succéder à Mohamed Abdelaziz. Selon Mohamed Talib, spécialiste du Sahara et membre du Conseil Royal Consultatif pour les Affaires Sahariennes (CORCAS), le changement attendu à la tête du Polisario n'aura sûrement pas lieu. La RASD reste un mouvement créé et soutenu par l'Algérie. Mohamed Abdelaziz table sur le maintien du statu-quo à un moment où la majorité de la population des camps en a assez d'attendre indéfiniment. «Tant que l'Algérie aura besoin de Mohamed Abdelaziz, ce dernier est sûr d'être maintenu à la tête du Polisario envers et contre tous. Abdelaziz représente l'allégeance totale à l'Algérie», estime un fin connaisseur du dossier. Pour ceux qui ne le savent pas, le chef des séparatistes avait fait son service militaire à l'APA (armée populaire algérienne) et sa femme, Khadija Bent Hamdi n'est tout autre que la fille du président du Parlement algérien. Coup dur Pourtant, il faut reconnaître que l'Initiative d'autonomie au Sahara présenteé par le Maroc a créé une brèche dans les thèses du Polisario. Les instances onusiennes et des puissances internationales se sont rendu compte que la proposition marocaine représente une solution réaliste à un conflit qui dure depuis plus de 30 ans. Selon une source sahraouie, quatre tendances vont se livrer une bataille rangée pour avoir une place de choix dans les instances dirigeantes lors du congrès. Il y a d'abord les ténors, comme Mahfoud Ali Beïba, président du Parlement. Il représente les tribus Takna, il est soutenu par le pouvoir Algérien et il représente une alternative à la domination des Rguibats représenteé par le clan de Mohamed Abdelaziz. Selon une source bien informée, au cas où Mahfoud Ali Beïba serait propulsé secrétaire général du front, Mohamed Abdelaziz hériterait du poste de ministre de la défense. Les Rguibats dont est issu Mohamed Abdelaziz, ont toujours été aux commandes du Polisario, au détriment d'autres tribus comme les Takna, dont est originaire Mahfoud Ali Beïba. Selon Mohamed Talib : «La population des camps de Tindouf, souffre depuis des années de l'attente interminable, Mohamed Abdelaziz, incarne l'immobilisme et le statu-quo, alors que la proposition du Maroc d'instaurer un pouvoir autonome au Sahara représente une solution réaliste au conflit». L'élite sahraouie avait émis des doutes sur les résultats du 12ème congrès. Parmi les 2.000 congressistes, 40 % sont des miliciens armés du Polisario, le front a été fondé depuis sa naissance sur le modèle d'un parti unique paramilitaire calqué sur le modèle latino américain. Les combattants ont toujours eu leurs mots à dire. On remarque aussi la représentativité quasi nulle des sahraouis de l'intérieur, seulement 28 congressistes parmi les 2.000. Selon Mohamed Talib, le Polisario ne fait aucune confiance aux Sahraouis de l'intérieur. Des figures comme Mohamed Moutawakil, Ali Salem Tamek ne feront pas le déplacement. Seule Aminato Haidar qui se trouve actuellement à l'étranger pourrait assister au congrès, et ce, à titre personnel. Opposants Même si Abdelaziz a bien goupillé son retour en force, il aura à découdre avec une opposition de plus en plus féroce. Certains opposants au Polisario étaient depuis des années à l'étranger, comme El Khadir Ould Essalek Ould Ayade le frère de Mahjoub Salek El Jafaf, du courant Khat Achahid. El Khadir faisait partie des sahraouis qui étaient détenus au Maroc à Kelaât Megouna. Relâché, il a rejoint Lahmada où il a été détenu par le Polisario pour ses idées en désaccord avec la ligne politique de Mohamed Abdelaziz. Parmi les revenants aussi on retrouve, Ahmed Ould Mustapha Essayed, le frère de Bachir Mustapha Essayed qui était en exil au Canada. L'opposition Sahraoui du Polisario se compose en fait de diverses tendances. Elle comprend le groupe «Al Moustakbale Asahraoui» (l'avenir Sahraoui), le courant «Khat Achahid» (La voie du martyr), les intellectuels comme le poète Abdallah Ould Zoubair et quelques radicaux comme l'ex-militaire Fedili Ould Baba. Le courant Khat Achahid est le principal mouvement d'opposition, il va lancer après le 12ème congrès un site Internet pour communiquer ses positions officielles. Actuellement, le site qui porte le nom de Khat Achahid est piraté par le Polisario. À quelques jours du 12ème congrès, celui-ci a annoncé que «les premières décisions de la commission préparatoire ne sont qu'une édition de plus des méthodes préparatoires des précédents congrès, qui consistent à décréter l'état d'alerte et des lois martiales pendant la période préparatoire de chaque congrès. Méthodes dont les premiers signaux ont été la décision d'arrêt de la délivrance et la rénovation des passeports, ainsi que le gel des demandes de visas, ce qui a provoqué des conséquences néfastes, et des dommages considérables au sein des réfugiés et de la diaspora sahraouie». Sur la base de ce qui précède, Khat Achahid décide, d'accorder un délai au Front Polisario qui prend fin à la clôture du congrès, et si les résultats de ce dernier n'ont pas pris en considération ses revendications détaillées dans son programme politique, Khat Achahid devrait annoncer sa rupture politique définitive avec le Front Polisario, et n'arrêtera pas ses efforts pour la recherche d'une solution juste au conflit du Sahara. Quant à Al Moustakbale Assahraoui, ce mouvement est né au départ à partir de l'expérience d'un journal édité par des jeunes activistes Sahraouis. Après la sortie de six numéros, le journal a été interdit. Il tirait à plus de 5.000 exemplaires. La majorité des journalistes qui travaillaient au Ministère de l'information utilisaient les moyens du ministère. Ils ont tous été limogés. L'épouse de Mohamed Abdelaziz, Khadija Bent Hamdi, avait essayé de les recruter en leur proposant de travailler pour le journal qu'elle dirige, «Al Amal». Ils avaient refusé l'offre en bloc. Le groupe de journalistes d' «Al Moustakbale Assahraoui» a commencé alors à préparer un projet d'organe de presse indépendant avant de proposer à une ONG espagnole de subventionner le projet, (ils avaient eu l'accord pour le financement, mais la direction du Polisario était intervenue auprès des espagnols pour annuler le financement). Parmi les voix de l'opposition qui commencent à prendre forme dans les camps et qui appellent à la révolution interne, un ex-militaire, Fedili Ould Baba Oud Jouli de la tribu Rguibat Essawaed. Il appelle ouvertement à prendre les armes contre le clan de Mohamed Abdelaziz. À l'origine de son mécontentement, une affaire personnelle avec un membre du secrétariat national. La femme de Fedili avait été violée par un membre du Secrétariat général et aucune sanction n'a été prise à son encontre. Dans cette configuration, les Algériens tentent de verrouiller le congrès tout en essayant de rallier les refuzniks en faisant miroiter de juteux contrats de contrebande de marchandises en tout genre. En effet, depuis quelques mois, les services algériens s'activent dans le nord de la Mauritanie, dans le no man's land et sur les routes qui relient Zouirate à Lahmada. Selon une source bien informée, les agents des services algériens opèrent sous la couverture de commerçants ou de trafiquants de cigarettes et de carburant. Ils circulent à bord de véhicules 4x4 de tout genre. Selon la même source, une intense activité de la gendarmerie algérienne est signalée aussi dans cette région. D'autant plus que l'armée mauritanienne ne contrôle pas grand-chose dans une grande partie de ce territoire. Les militaires algériens s'activent à contrôler tous les mouvements en direction des camps de Lahmada en prévision de la tenue du 12ème congrès du Polisario. Les services algériens veulent intercepter toutes les tentatives externes de soutien aux opposants de l'actuelle direction du Polisario. Ils sont chargés entre autres de collecter des informations sur les déplacements des membres de l'opposition qui se regroupent en Mauritanie depuis quelques semaines. Selon un congressiste joint par téléphone, la direction du Polisario a essayé d'intégrer au congrès tous les radicaux, afin de sortir avec des amendements encore plus durs envers le Maroc. Par cette attitude, le Polisario veut attirer plus de sympathisants et barrer la route à toute initiative marocaine d'ouvrir un dialogue avec les opposants du Polisario. Plusieurs mécontents ont été carrément achetés par l'octroi de bons de produits alimentaires et de bons de carburants. À l'ordre du jour des congressistes, figure essentiellement la question de la capacité de combat des troupes. Cette question sera parmi les points sensibles qui seront débattus. Le degré de préparation des troupes au combat et l'impact du cessez-le-feu sur le moral des troupes. Le document de l'évaluation de l'armée soumis au congrès fait un bilan exhaustif des lacunes de «l'armée du Polisario» et propose des solutions pour l'amélioration des capacités de combat. Retour aux armes Le congrès traitera de deux options : le cheminement vers la poursuite des négociations qui ont débuté à Manhasset dans un climat de dialogue serein ou le retour aux armes. Selon une source sahraouie, il est fort probable que le congrès donne sa bénédiction aux faucons du Polisario qui appellent à l'arrêt du processus de négociations et l'exclusion des sahraouis qui appellent à une solution négociée avec le Maroc. Cette attitude a été constatée à la veille du premier round des négociations de Manhasset. Bachir Mustapha Essayed, réputé faire partie du camp des modérés, a été écarté de la délégation des négociations, son nom n'avait apparu sur la liste des partants pour Manhasset qu'à la veille des négociations. De l'aveu même d'un congressiste, avant même la clôture du congrès, le contenu du communiqué final est déjà connu. Il tourne autour de l'appel au retour aux armes et militent pour l'arrêt des négociations. Le communiqué laissera le pouvoir de décision entre les mains du Secrétariat général qui sera élu pour évaluer s'il y a réellement des avancées lors des négociations de janvier à Manhasset pour poursuivre le dialogue avec le Maroc. Sinon le choix du retour aux armes s'imposera. Les dessous d'une plainte Selon une source proche du dossier, la plainte déposée par des associations pro-polisario au sujet des disparus sahraouis de 1975 à 1990 ne comportait pas au début le nom de Yacine Mansouri, l'actuel patron de la DGED marocain. Les services algériens avaient ajouté son nom à la dernière minute. Une façon comme une autre de se venger de Mansouri à qui l'on doit d'avoir coiffé sur le poteau et à plusieurs reprises les services algériens sur une guerre du renseignement sur fond de Sahara. En effet, pour les Algériens, tout le travail qui a été fait par le Maroc à l'étranger au sujet de l'affaire du Sahara était lié au travail de la DGED et Yacine Mansouri. Les Algériens voulaient à tout prix nuire à Yacine Mansouri pour arrêter l'élan de sa démarche. Le plan algérien n'a pas marché, le juge Gazon a enlevé deux noms de la fameuse liste, celui de Driss Basri qui était déjà mort et de Yacine Mansouri, qui avait 16 ans à l'époque des faits reprochés. Le Maroc à Manhasset du 7 au 9 janvier prochain Le troisième round des négociations sur le Sahara aura lieu du 7 au 9 janvier à Manhasset près de New York. Le Secrétaire général a adressé à cet effet des lettres d'invitation aux parties et aux pays voisins, ces pourparlers se dérouleront en présence du facilitateur de l'ONU, Peter Van Walsum. Deux rounds de négociations ont eu lieu en juin et août derniers à Manhasset, dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 1754 du Conseil de sécurité, qui appelle à des négociations sur la base des derniers développements de la question du Sahara. À chacun son Tifariti Tifariti, est une commune rurale située à 50 Km de Smara et 90 Km de Tindouf. Pendant le conflit armé, elle a été vidée de ses habitants qui se trouvent en majorité à Smara. Depuis 1991 date du cessez-le-feu après l'adoption du plan de règlement par les Nations Unies et selon les arrangements techniques établis par la MINURSO, Tifariti a été déclarée officiellement zone démilitarisée et sans installation civile. Le Polisario a décidé d'y tenir le 12éme congrès, pour faire croire qu'il s'agit d'un «territoire libéré», le 11éme congrès ayant également été tenu dans cette ville. La réaction du secrétaire général de l'ONU était claire : Les manifestations organisées par le Polisario : «constituent une violation de l'accord militaire N°1» et «contribuent à une exacerbation des tensions sur le terrain et peuvent provoquer une détérioration de la situation le long du mur de défense». Le mois de juillet dernier le ministère de l'intérieur avait affecté un caïd et une unité de Makhzen mobile dans une commune baptisée Tifariti qui n'a rien à voir avec la vraie Tifariti qui se trouve à l'extérieur du mur de défense.