La Gazette Du Maroc: à quel moment doit-on penser sérieusement à consulter un psy ? Et comment savoir si l'on doit aller voir un psychiatre ou un psychologue? Dr Karoumi: il est tout à fait normal qu'une personne souffre de temps en temps de stress, de troubles du sommeil, anxiété ou autres, c'est des choses en rapport avec le stress de la vie moderne, du travail et des problèmes économiques par exemple et sont donc tout à fait normales. Mais si ces malaises s'accentuent et s'aggravent pour se transformer en troubles graves de comportement, hallucinations, délires, conduites antisociales ou autres manifestations bizarres et gênantes, ou que ça commence à virer vers la maladie mentale dont les répercussions se voient dans le milieu familial et professionnel. A ce moment là, il devient très urgent de consulter un médecin généraliste d'abord, qui lui , orientera le malade soit vers un psychiatre soit vers un psychologue, en fonction de la gravité de son état. Est-ce que les Marocains ont, aujourd'hui, plus tendance à consulter des psy qu'avant et quel est le profil de vos patients ? Au Maroc, et pour très longtemps, le psychiatre était pour plusieurs, «le médecin des fous». Fort heureusement l'image du psy a sensiblement changé aux yeux des gens. On remarque depuis quelques années que les gens n'ont plus vraiment tellement honte d'aller consulter un psychiatre ou un psychologue. Ce qu'il faut absolument signaler c'est que si les Marocains ne vont pas souvent voir des psy, c'est plus pour une question de moyens matériels que de mentalité ou autre chose. Aujourd'hui, ce n'est pas tellement l'image du psy et ce qu'il représente qui est en question mais le coût des consultations qui est très élevé (250 dh la séance). Si on y ajoute le budget des médicaments, ça devient vraiment inaccessible à la majorité de la population. Les Marocains, pour beaucoup, préfèrent dans le cas de troubles mentaux, aller voir des guérisseurs ou des fkihs plutôt que des psy. Cela ne vous pose pas de problèmes? Il est vrai que les Marocains vont souvent voir des fkihs ou des guérisseurs, parfois parce qu'ils croient qu'ils sont plus efficaces, mais souvent aussi parce qu'il n'existe pas de psy là où ils sont. Ils vont donc voir les guérisseurs et les fkihs qui peuvent poser de sérieux problèmes pour le traitement des maladies mentales, surtout dans les cas de psychoses (maladies qui se manifestent par des délires et hallucinations). Le fait d'aller les voir retarde le diagnostic et le complique par la suite. Il retarde donc la prise en charge du malade et aggrave son état, ce qui donne lieu à des complications très graves. Certains fkihs, par contre, conseillent les familles d'aller voir un psy en leur expliquant que leur cas relève de la médecine. J'en ai reçu plusieurs chez moi. Micro-trottoir Karim, 28 ans, salarié “Je ressens le besoin d'aller voir un psy, mais je n'en ai pas les moyens...” « Je suis quelqu'un qui parle très peu. Et donc très souvent je ressens le besoin d'aller voir un psychologue, histoire de parler et de me vider. Mais c'est une question de budget, les consultations coûtent assez cher, elles doivent en plus être fréquentes, ça peut aller jusqu'à deux consultations par semaine dans un premier temps. ça revient très cher à la fin et je n'en ai pas les moyens...» Nadia, 42 ans, fonctionnaire “Consulter un psy est quelque chose de très facultatif...” «Je ne vois franchement pas l'intérêt d'aller voir un psy, même si je stresse. Il est vrai que je m'énerve très souvent ou que je déprime carrément, mais je ne pense pas pour autant aller voir un psy parce que c'est, à mon sens, quelque chose de très facultatif. Je prends tout le temps qu'il me faut pour me calmer et c'est tout. Au lieu d'aller voir un psy, je préfère aller soigner une carie dentaire qui me dérange depuis pas mal de temps déjà». Marouane, 27 ans, informaticien «Un psy va me prendre plus que ce qu'il va m'apporter...» «Aller voir un psy? Oui ça je veux bien, mais avec quoi je vais payer ? Je pense qu'un psy va me prendre (argent) plus que ce qu'il va m'apporter (bien psychologique). Sinon, je suis très intéressé par le fait d'aller consulter un psy, parfois j'ai des réactions que je ne comprends pas moi-même, et je voudrais bien recourir à l'aide d'un psy pour mieux me comprendre, disons...» Salma, 23 ans, étudiante “Je ne suis pas folle pour aller voir un psy...” «Pourquoi tu me demandes ça, j'ai l'air d'une folle ou quoi?... ben non, bien sûr que je ne pense pas à aller voir un psy, je n'y ai jamais pensé, et je n'y penserai jamais. Si l'on doit consulter un psy à chaque fois qu'on stresse, qu'on s'énerve ou qu'on ne se sent simplement pas bien, on n'en finira jamais... Au lieu de courir voir un psy, et gaspiller de l'argent, vaut mieux fumer une bonne cigarette en écoutant de la bonne musique, et l'on va se sentir tout de suite en forme...»